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26/11/2015 | FRANCE | N°15PA03103

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 26 novembre 2015, 15PA03103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1409230 du 10 avril 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2015, M. A...B..., r

eprésenté par Me Boda, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409230 du 10 avril 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1409230 du 10 avril 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2015, M. A...B..., représenté par Me Boda, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409230 du 10 avril 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 septembre 2014 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet du Val-de-Marne ;

- l'arrêté du 12 septembre 2014 a été signé par une personne incompétente à défaut de délégation de signature régulièrement publiée et de l'absence ou de l'empêchement du préfet ;

- la décision portant refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet du Val-de-Marne a commis deux erreurs de fait en considérant, d'une part, qu'il n'établissait pas sa présence sur le territoire national entre janvier 2009 et décembre 2010 alors que celle-ci est établie par le jugement du tribunal correctionnel de Créteil du 1er décembre 2011, et, d'autre part, que ses parents vivaient en Algérie alors que sa mère, titulaire d'un certificat de résidence algérien, réside en France et que son père est décédé ;

- le préfet du Val-de-Marne, en rejetant sa demande de certificat de résidence, a méconnu le 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il réside en France depuis son arrivée en 1991 et que le port d'un bracelet électronique atteste de sa présence en France sous peine de méconnaître l'instruction n° 5646/SG du 2 avril 2013 relative à l'interprétation facilitatrice des normes ;

-il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- il a méconnu le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français, à l'intensité de ses lieux familiaux en France et à l'absence d'attaches en Algérie ;

- le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

- il a également commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant le délai de départ volontaire à trente jours.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 10 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller,

- et les observations de Me Boda, avocat de M. B....

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, né le 21 novembre 1990, entré en France en 1991 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour en se prévalant de l'ancienneté de sa résidence et de l'intensité de ses liens privés et familiaux sur le territoire français ; que, par jugement du 24 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé l'arrêté du 9 juillet 2013 du préfet du Val-de-Marne rejetant la demande de certificat de résidence de l'intéressé, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, et, d'autre part, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M.B... ; que, par arrêté du 12 septembre 2014, le préfet du Val-de-Marne a, à nouveau, rejeté la demande de titre de séjour de M.B..., a assorti ce refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que M. B...fait appel du jugement du 10 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été condamné le 6 juin 2011 par le tribunal correctionnel de Créteil à une peine d'emprisonnement de deux ans, dont douze mois avec sursis, pour trafic de stupéfiants en bande organisée de janvier 2009 à février 2010 ; que la peine d'emprisonnement a été exécutée par une mesure de placement sous bracelet électronique dès lors notamment que l'intéressé souhaitait suivre une formation professionnelle ; qu'il est constant que cette condamnation, relativement légère et prononcée trois ans avant l'arrêté contesté, est demeurée isolée ; que, dans ces conditions, la présence de M. B...sur le territoire français ne peut être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public ; qu'il ressort des nombreux certificats de scolarité versés au dossier que M. B...a été scolarisé en France entre septembre 1993 et juin 2009, soit de l'école maternelle au lycée ; que l'intéressé a bénéficié d'un document de circulation pour étranger mineur délivré par la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne le 22 septembre 2004 ; qu'il vit avec sa mère, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'en 2019 ; que son père est décédé ; qu'ainsi, dans ces circonstances et nonobstant la condamnation pénale de M.B..., le préfet du Val-de-Marne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit que la décision refusant de délivrer un certificat de résidence à M. B...doit être annulée ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination, qui sont, par suite, dépourvues de base légale ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2014 du préfet du Val-de-Marne ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à M. B...une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit délivré à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Boda, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Boda de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1409230 du 10 avril 2015 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 12 septembre 2014 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. B...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Boda, avocat de M.B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Boda renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Val-de-Marne et à Me Boda.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 novembre 2015.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

L. GUINETLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03103
Date de la décision : 26/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BODA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-26;15pa03103 ?
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