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18/11/2015 | FRANCE | N°14PA03296

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 novembre 2015, 14PA03296


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2014, présentée pour M. et Mme B...D... C..., demeurant..., par Me A... ; M. et Mme D... C... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308148/2-2 en date du 2 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, ensemble les pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la

charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2014, présentée pour M. et Mme B...D... C..., demeurant..., par Me A... ; M. et Mme D... C... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308148/2-2 en date du 2 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, ensemble les pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent que :

- la proposition de rectification en date du 17 février 2011 est insuffisamment motivée ;

- cette insuffisance constitue une erreur substantielle au sens des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- les dispositions des articles 92 B et 160 du code général des impôts ne sont pas conformes à celles de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 ;

- l'administration ne démontre pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, qu'ils auraient formellement demandé le report d'imposition de la plus-value née de l'échange de droits sociaux réalisée au titre de l'année 1991 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la proposition de rectification en date du 17 février 2011 est suffisamment motivée ;

- les requérants ont demandé le report d'imposition de la plus-value née de l'échange de droits sociaux réalisée au titre de l'année 1991 ;

- les dispositions de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 ne sont pas applicables aux opérations d'échange purement internes ;

- les dispositions de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 permettent de taxer la plus-value réalisée au moment de la survenance de l'évènement mettant fin au report ;

- le mécanisme du report d'imposition prévu par la législation nationale est compatible avec la directive ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 octobre 2015, présenté par M. et Mme D...C...qui maintiennent leurs conclusions précédentes par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que :

- l'administration ne saurait leur opposer une situation apparente en contradiction avec la situation réelle ;

- les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 du Conseil des Communautés européennes ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l 'audience publique du 4 novembre 2015 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M. et Mme D...C... ;

1. Considérant que M. et Mme D... C... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle ayant révélé, au titre de l'année 2008, le caractère taxable d'une plus-value sur échange de titres, d'un montant de 663 153 euros, intervenue en 1991 et ayant bénéficié d'un report d'imposition en vertu des dispositions du II de l'article 92 B du code général des impôts alors en vigueur ; qu'ils font appel du jugement n° 1308148/2-2 en date du 2 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, ensemble les pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs;

3. Considérant que la proposition de rectification, en date du 17 février 2011, adressée à M. et Mme D... C... rappelait explicitement que le bénéfice du report d'imposition, prévu par les dispositions du II de l'article 92 B du code général des impôts, ne pouvait plus être revendiqué par les intéressés dès lors que la liquidation de la société civile Jean et C...Holding (JMH) avait été constatée en 2008 et que l'annulation corrélative des 45 000 titres d'échange détenus dans cette entité par les contribuables avait eu pour conséquence de provoquer l'expiration du report d'imposition ; que ladite proposition précisait, en outre, que le montant de la plus-value en report mentionnée par les requérants sur leur déclaration n°2042 au titre de l'année 2008 n'aurait pas dû figurer à la ligne UT du paragraphe 8 " Divers ", mais aurait dû être reporté à la ligne VG du paragraphe 3 " Plus-values et gains taxables à 18% " ; que, par suite, alors même que l'administration ne précisait pas les conditions dans lesquelles les requérants avaient initialement sollicité le report d'imposition dont ils ont bénéficié, la proposition de rectification litigieuse indiquait clairement et précisément les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration fondait les rectifications ; que la circonstance que la preuve de ce que les intéressés auraient demandé le report d'imposition ne serait pas apportée par la proposition de rectification est sans influence sur la régularité formelle de ce document ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit donc être écarté ; qu'aucune irrégularité, substantielle ou non substantielle, n'ayant été commise par le service, l'invocation par les requérants des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales est en tout état de cause dépourvue de portée ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 160 du code général des impôts alors en vigueur : " Lorsqu'un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède à un tiers, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition (...) de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 16 %. (...) I ter. 4 L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B " ; qu'en vertu des dispositions de l'article 92 B du code général des impôts, l'imposition de la plus-value ainsi réalisée peut être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l'échange ; que le même article 92 B précise que : " Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 97 " ;

5. Considérant, d'une part, que M. et Mme D... C... soutiennent que le service ne démontrerait pas qu'ils auraient satisfait dans le délai légal à l'obligation déclarative prévue à l'article 92 B du code général des impôts leur permettant de bénéficier du report d'imposition de la plus-value née de l'échange de droits sociaux réalisée au titre de l'année 1991 et que le service n'est par suite pas en droit d'imposer la plus value réalisée au moment de l'échange au titre de l'année au cours de laquelle serait intervenu l'évènement mettant fin au report ; qu'il est constant que la plus-value réalisée au cours de l'année 1991 à l'occasion de l'apport de 1500 actions de la SA Jean et C...en contrepartie de l'attribution de 45000 parts sociales dans la société civile Jean et C...Holding n'a fait l'objet d'aucune imposition au titre de ladite année ; qu'il est également constant que les déclarations d'ensemble de revenus souscrites par les requérants au titre des années 1996 à 2008 comportent la mention de la plus value en report d'imposition ; que M. et Mme D...C...ont par ailleurs produit avec régularité l'état de suivi des plus-values en report annexé à la déclaration spéciale des gains de cession de valeurs mobilières ; que l'ensemble de ces déclarations sont opposables aux intéressés qui se sont ainsi prévalus au cours de la période intermédiaire entre l'échange de titres et la liquidation de la société civile Jean et C...Holding du droit au report d'imposition de la plus-value réalisée lors de l'échange ; qu'il résulte en conséquence de l'instruction, et alors même que le service ne produit pas les formulaires par lesquels les intéressés auraient demandé à bénéficier du report d'imposition dans le délai légal, que l'option en faveur du report a été effectivement souscrite par les intéressés ; qu'il suit de là que le moyen susmentionné ne peut qu'être écarté ; que dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'option en faveur du report d'imposition doit être regardée comme ayant été effectivement souscrite, M. et Mme D...C...ne sauraient valablement soutenir que l'administration n'est pas en droit de leur opposer une situation apparente en lieu et place d'une situation réelle, dont elle aurait eu connaissance, et qui se caractériserait par un défaut d'option ;

6. Considérant, d'autre part, que l'administration fiscale est en droit d'opposer au contribuable les conséquences du régime fiscal pour lequel il a opté, sans que ce contribuable puisse utilement se prévaloir, ultérieurement, de ce qu'il ne remplissait pas les conditions auxquelles le bénéfice de ce régime est subordonné, ce qui aurait permis à l'administration de le remettre en cause dès les premiers effets de l'option ; qu'à supposer que M. et Mme C...aient entendu soutenir que leur option en faveur du report d'imposition de la plus-value d'échange aurait été irrégulièrement souscrite, un tel moyen ne peut en conséquence qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de l'article 1er de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 du Conseil des Communautés européennes concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés membres d'Etats différents que celle-ci ne crée d'obligations à l'égard des Etats membres qu'au regard des opérations qui concernent des sociétés d'au moins deux Etats membres ; que la plus-value en litige a été réalisée à l'occasion de l'apport d'actions d'une société française à une autre société française et n'entre donc pas dans le champ d'application de la directive du 23 juillet 1990 ; que si l'article 8 de la même directive prévoit que l'attribution, à l'occasion d'un échange d'actions, de titres d'une société à un associé de la société apporteuse en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, la circonstance qu'il ressortirait des travaux préparatoires de la loi du 26 juillet 1991, qui en a opéré la transposition, que le législateur n'a pas entendu, à cette occasion, traiter moins favorablement les opérations concernant uniquement des sociétés françaises, qui sont hors du champ de cette directive, que celles qui mettent en cause les sociétés d'Etats membres différents, qui entrent dans le champ de cette directive, ne saurait conduire à donner des dispositions précitées des articles 92 B et 160 du code général des impôts, une interprétation contraire à leur lettre, alors même que la Cour de justice de l'Union européenne se reconnaît compétente pour interpréter le droit communautaire lorsque le législateur en fait application en droit interne sans y être contraint ; qu'il suit de là que le juge français ne saurait se prononcer sur la compatibilité desdits articles avec ladite directive, et notamment avec son article 8, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, il s'applique à une opération qui n'entre pas dans le champ de cette directive ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait incorrectement transposé l'article 8 de la directive en ce qui concerne les opérations internes ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne fait pas obstacle au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; qu'en imposant au titre de l'année 2008, conformément aux dispositions précitées du code général des impôts, une plus-value sur échange de titres intervenue en 1991 et bénéficiant, ainsi qu'il vient d'être dit, d'un report d'imposition, l'administration, et cela alors même que la moins-value que les contribuables soutiennent avoir supportée au cours de la même année n'a pu être imputée, ne saurait être regardée comme ayant privé les intéressés d'une créance sur le Trésor ou d'une espérance légitime d'obtenir le restitution d'une somme d'argent et par suite comme ayant porté atteinte au respect des biens de M. et Mme D...C...au sens de l'article 1er du premier protocole susrappelé ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. et Mme D...C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE

Article 1er : La requête de M. et Mme D...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 novembre 2015.

Le rapporteur,

M. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA03296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03296
Date de la décision : 18/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-18;14pa03296 ?
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