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16/11/2015 | FRANCE | N°14PA03558

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 16 novembre 2015, 14PA03558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Sauvons l'université " et autres ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mai 2010 par lequel le ministre de l'éducation nationale a autorisé au titre de l'année 2011 l'ouverture de concours externes, de concours externes spéciaux, de seconds concours internes , de seconds concours internes spéciaux et de troisièmes concours de recrutement de professeurs des écoles stagiaires ;

Par un jugement n 1312762 du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Par

is a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Sauvons l'université " et autres ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mai 2010 par lequel le ministre de l'éducation nationale a autorisé au titre de l'année 2011 l'ouverture de concours externes, de concours externes spéciaux, de seconds concours internes , de seconds concours internes spéciaux et de troisièmes concours de recrutement de professeurs des écoles stagiaires ;

Par un jugement n 1312762 du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 7 août 2014 et 31 juillet 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 4 juin 2014 du Tribunal Administratif de Paris ;

2°) de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête présentée par l'association " Sauvons l'université " et autres devant le Tribunal administratif de Paris ou à défaut de la rejeter.

Il soutient que :

-le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions à fin de non-lieu à statuer et a dès lors entaché son jugement d'irrégularité ;

-le non-lieu en tout état de cause étant d'ordre public aurait dû être prononcé d'office dès lors que l'arrêté litigieux ainsi que quatre autres du même jour, en raison de leur suspension par le Conseil d'Etat avaient été remplacés par cinq autres arrêtés du 5 juillet 2010 qui avaient le même objet et se substituaient aux arrêtés initiaux sur lesquels il n'y avait donc plus lieu de statuer ;

-au fond le tribunal a à tort jugé que le défaut d'avis écrit du ministre chargé de la fonction publique entachait l'arrêté attaqué d'illégalité alors que ce jugement est intervenu postérieurement à la jurisprudence Dantony et que le vice en cause ne présentait pas de caractère substantiel, d'autant que le ministre chargé de la fonction publique avait émis un avis oral avant l'intervention de l'arrêté attaqué, que son avis écrit est parvenu le lendemain de son édiction et avant le début de la période d'inscription aux concours en cause ;

- le tribunal a fait une inexacte appréciation des frais exposés en première instance en condamnant l'Etat à verser à Sud Education une somme de 750 euros dans chacune des cinq instances alors qu'il s'agissait de requêtes identiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2015, la fédération des syndicats Sud Education, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er juillet 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le décret n°2004-1105 du 19 octobre 2004 relatif à l'ouverture des procédures de recrutement dans la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que le ministre de l'éducation nationale a fixé, par arrêté en date du 5 mai 2010, les conditions d'organisation de la session 2011 des concours externes et externes spéciaux, seconds concours internes et internes spéciaux et troisième concours de recrutement de professeurs des écoles stagiaires ; que cet arrêté fixe les dates d'inscription à ces concours, à compter du 1er juin 2010, ainsi que les dates des épreuves d'admissibilité; que, par ordonnance n°340167 du 2 juillet 2010, le juge des référés du Conseil d'Etat a ordonné la suspension de l'exécution de cet arrêté au motif que l'urgence était caractérisée et que le moyen tiré du défaut d'avis conforme du ministre chargé de la fonction publique devait être regardé, en l'état de l'instruction, comme étant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ; qu'après que le Conseil d'Etat a renvoyé la requête devant le Tribunal administratif de Paris celui-ci a par jugement n°1312762 du 4 juin 2014 rejeté comme irrecevables les conclusions présentées pour l'association " Sauvons l'université " et la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques et a fait droit aux conclusions présentées pour la fédération des syndicats Sud Education et a annulé l'arrêté attaqué ; que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche interjette appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à l'appui de son mémoire enregistré le 16 mai 2014 le ministre faisait valoir qu'à la suite de la suspension de l'arrêté attaqué par ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat il avait pris un nouvel arrêté de même objet en date du 5 juillet 2010 et que la requête dirigée contre l'arrêté du 5 mai 2010 était désormais sans objet ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur cette exception de non-lieu ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association " Sauvons l'université ", la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques et la fédération des syndicats Sud Education devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu soulevées en première instance :

4. Considérant que si le ministre de l'éducation nationale a pris un nouvel arrêté en date du 5 juillet 2010, de même objet que l'arrêté attaqué du 5 mai 2010, cet arrêté n'est intervenu que pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat en date du 2 juillet 2010 qui a suspendu l'exécution de l'arrêté du 5 mai 2010 ; qu'une telle décision qui revêt par sa nature même un caractère provisoire n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions présentées par l'association " Sauvons l'université ", la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques et la fédération des syndicats Sud Education tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2010 ; que les conclusions à fin de non-lieu du ministre de l'éducation nationale doivent, dans ces conditions , être rejetées ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'éducation nationale :

5. Considérant que dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour que le juge puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, faire droit à ces conclusions communes ; qu'en revanche, les conclusions propres à chaque requérant ne sauraient être accueillies sans que les fins de non-recevoir qui leur sont opposées aient été écartées ;

6. Considérant que l'objet social de l'association " Sauvons l'université " est " dans le cadre de la lutte contre la loi LRU relative aux libertés et responsabilités des universités et contre les logiques qu'elle met en oeuvre ", de, notamment, " faire connaître les enjeux de la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche ", " favoriser une réflexion pour une réforme de l'Université collégiale et démocratique ", et de " proposer des débats et des actions en ce domaine " ; que cet objet social ne confère pas à cette association un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux du 5 mai 2010, dès lors que cet arrêté, qui se limite à fixer les dates et le lieu des épreuves d'admissibilité et les modalités d'inscription aux concours susmentionnés, ne constitue pas, par lui-même, une mise en oeuvre de la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche ; que, dans ces conditions, la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale aux conclusions à fin d'annulation présentées pour l'association " Sauvons l'université " doit être accueillie ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 10 des statuts de la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques " Toute intervention de la FCPE dans une procédure judiciaire ne pourra résulter que d'une délibération du conseil d'administration national, qui mandatera le président de la fédération à cet effet ; celui-ci ne pourra se faire représenter que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale " ; que, malgré la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, le président de la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques n'a produit aucune délibération du conseil d'administration ni en tout état de cause de l'assemblée générale, l'autorisant à agir devant le juge administratif dans la présente instance ; qu'ainsi le président de la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques ne justifie pas d'une habilitation régulière l'autorisant à agir pour le compte de la fédération contre l'arrêté contesté du 5 mai 2010 ;

9. Considérant que l'article 5 des statuts de la fédération Sud Education prévoit qu'elle a pour objet de défendre les intérêts professionnels et économiques et les droits matériels et moraux des salariés et des enseignés ; qu'elle est donc compétente pour demander l'annulation d'un arrêté organisant le recrutement d'agents de l'éducation nationale ; que la requête est dès lors recevable en tant qu'elle a été formée pour le compte de ladite fédération ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 19 octobre 2004 : " Les procédures de recrutement mentionnées aux articles 19 et 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée sont ouvertes par un arrêté de l'autorité compétente pris après avis du contrôleur financier. / Avant sa signature par l'autorité compétente, l'arrêté mentionné au premier alinéa fait l'objet d'un avis conforme du ministre chargé de la fonction publique. Cet avis est réputé acquis en l'absence d'observation du ministre chargé de la fonction publique dans un délai de quatre jours à compter de la date de réception de sa saisine. / Les arrêtés portant ouverture de concours et d'examen professionnel sont transmis pour publication au Journal officiel de la République française accompagnés de l'avis conforme du ministre chargé de la fonction publique ou, le cas échéant, du document établissant la saisine de celui-ci. (...) " ;

11. Considérant qu'il est constant que l'avis conforme du ministre chargé de la fonction publique, requis par ces dispositions, n'a été reçu que le 6 mai 2010, soit postérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué, par les services du ministre de l'éducation nationale, sans que celui-ci puisse se prévaloir utilement de l'existence d'un accord oral antérieur à l'édiction de l'arrêté litigieux ;

12. Considérant que le ministre de l'éducation nationale invoque le principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que toutefois l'application de ce principe n'est possible en cas d'omission d'une procédure obligatoire qu' à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ; que le défaut d'avis conforme du ministre chargé de la fonction publique devant être regardé comme ayant affecté la compétence de l'auteur de l'arrêté litigieux, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité dudit arrêté ;

13. Considérant que la fédération des syndicats Sud Education est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2010 par lequel le ministre de l'éducation nationale a autorisé au titre de l'année 2011 l'ouverture de concours externes, de concours externes spéciaux, de seconds concours internes, de seconds concours internes spéciaux et de troisièmes concours de recrutement de professeurs des écoles stagiaires ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le tribunal et devant la cour:

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête est irrecevable en tant qu'elle est présentée pour l'association " Sauvons l'université " et la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques ; que l'Etat ne peut dès lors être condamné à leur verser la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à la fédération des syndicats Sud Education au titre des frais exposés et non compris dans les dépens .

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1312762 du 4 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 5 mai 2010 du ministre de l'éducation nationale est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la fédération des syndicats Sud Education une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la fédération des syndicats Sud Education, à l'association " Sauvons l'université " et à la fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

-Mme Labetoulle, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2015.

Le rapporteur,

M-B...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03558
Date de la décision : 16/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir.

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Absence.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BLUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-16;14pa03558 ?
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