Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser les sommes de 146 535,63 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite et de 113 477,63 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de l'illégalité de la décision de mise à la retraite, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2012.
Par un jugement n° 1302952/5-1 du 28 mai 2014, le tribunal administratif de Paris a condamné la Banque de France à verser à M. A...B...une indemnité de départ à la retraite calculée selon les modalités fixées par l'article L. 1237-7 du code du travail ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2012.
Procédure devant la Cour :
I° Par une requête n° 14PA03161 et des mémoires complémentaires enregistrés les
21 juillet 2014, 25 novembre 2014, 20 avril 2015 et 16 juillet 2015, M. B..., représenté par
Me D...demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1302952/5-1 du 28 mai 2014 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il limite la condamnation de la Banque de France au versement d'une indemnité de départ à la retraite calculée selon les dispositions de l'article L. 1237-7 du code du travail ;
2°) de condamner la Banque de France à lui verser :
- à titre principal, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision de mise à la retraite la somme de 113 477,63 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du
12 novembre 2012 ;
- à titre subsidiaire, en réparation des préjudices résultant de son licenciement à l'issue des contrats à durée déterminée conclus entre les 1er mars 2010 et 16 septembre 2011 la somme de 147 740,63 euros ainsi que la somme de 80 736,15 euros à titre d'indemnités de fin de contrat et les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la Banque de France le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail lui permettaient de poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge de 70 ans et que, par ailleurs, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction, et notamment de la signature de trois contrats de travail à durée déterminée, qu'il aurait souhaité poursuivre son activité jusqu'à l'âge de 70 ans ;
- la décision de mise à la retraite prononcée en application du statut du personnel de la Banque de France est illégale dès lors le décret du 29 mars 1968 aurait du prendre la forme d'un règlement d'administration publique après avis de l'assemblée générale du Conseil d'Etat et que ce décret est contraire au principe général du droit communautaire de non discrimination par l'âge, à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, au droit constitutionnel d'obtenir un emploi ainsi qu'au principe constitutionnel d'égalité et à la directive 2000/78/CE du
27 novembre 2000 ;
- l'illégalité de la décision de la mise à sa retraite lui a causé un préjudice correspondant à la différence entre le revenu d'activité qu'il aurait pu percevoir et sa pension de retraite ; qu'il a par ailleurs été privé de la surcote de sa pension de retraite ;
- les contrats à durée déterminée dont il a bénéficié ne respectent pas les exigences du code du travail et auraient du être requalifiés en contrat à durée indéterminée ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant été licencié sans cause réelle et sérieuse ; que, par ailleurs, la Banque de France ne lui a pas versé d'indemnité de fin de contrat.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 septembre 2014, 9 février et 2 juin 2015, la Banque de France, représentée par la SCP Guillaume et AntoineC..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices liés à l'illégalité des trois contrats à durée déterminée et au licenciement du requérant sans cause réelle et sérieuse sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
II° Par une requête 14PA03251 et des mémoires enregistrés les 24 juillet 2014,
12 septembre 2014, 9 février 2015 et 2 juin 2015, la Banque de France, représentée par la SCP Guillaume et AntoineC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302952/5-1 du 28 mai 2014 du tribunal administratif de
Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M.B... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de M. B...tendant à l'indemnisation des préjudices liés à l'illégalité des contrats à durée déterminée qu'il a conclus et à l'absence de versement d'indemnité de licenciement alors qu'il doit être regardé comme ayant été titulaire d'un contrat à durée indéterminée sont irrecevables ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'indemnité de départ à la retraite de
M. B...devait être calculée selon les modalités prévues par le code du travail alors que lesdites dispositions sont incompatibles avec le statut de la Banque de France et les missions de service public exercées par celle-ci ; que dans le statut de la Banque de France figurent des dispositions sur la retraite qui concernent le régime spécial de retraite, l'âge de la retraite et l'allocation de départ à la retraite ; que les dispositions réglementaires concernant la mise à la retraite des agents de la Banque de France sont directement inspirées du statut de la fonction publique ; que les dispositions du code du travail relatives à la retraite ne sont pas applicables aux agents qui sont soumis en vertu de la loi à un statut ;
- contrairement à ce que soutient M. B...le décret du 29 mars 1968 n'a pas été pris illégalement en ce qu'il ne revêt pas la forme d'un règlement d'administration publique dès lors qu'en application de l'article 21 du décret du 30 juillet 1963 le vice président du Conseil d'Etat peut décider de ne pas porter un projet de règlement d'administration publique à l'ordre du jour de l'assemblée générale ; que, dès lors, la décision de mise à la retraite n'est pas entachée d'illégalité fautive ;
- la limite d'âge instaurée par le décret du 29 mars 1968 n'est contraire ni au principe général du droit communautaire de non discrimination fondée sur l'âge, ni à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni au droit constitutionnel d'obtenir un emploi ni au principe constitutionnel d'égalité ; qu'il s'ensuit que la décision de mise à la retraite d'office n'est pas entachée d'illégalité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 novembre 2014, 20 avril 2015 et
16 juillet 2015, M.B..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la Banque de France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;
- la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953 ;
- le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ;
- le décret n°68-299 du 29 mars 1968 ;
- le décret n°2007-262 du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France
- le code du travail ;
- le code monétaire et financier ;
- le statut du personnel de la Banque de France ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amat,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour M. B...et celles de Me C...pour la Banque de France.
1. Considérant que les requêtes n°14PA03161 et 14PA03251 présentées respectivement par M. B...et la Banque de France concernent la situation de M. B...et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M.B..., né le 10 février 1945, a été recruté par la Banque de France le 19 décembre 1966 et y a exercé en dernier lieu les fonctions de directeur de service général ; qu'atteint par la limite d'âge, il a été placé à la retraite par décision du directeur général de la Banque de France à compter du 1er mars 2010 ; qu'après avoir perçu l'indemnité de départ à la retraite prévue par le statut de la Banque de France, il a sollicité par lettre du 9 novembre 2012 le versement de la différence entre le montant de celle-ci et celui résultant de l'application des dispositions du code du travail, ainsi que l'indemnisation des conséquences dommageables de l'illégalité de la décision le plaçant à la retraite ; que M. B...relève appel du jugement du
28 mai 2014 en ce que le tribunal administratif de Paris a limité la condamnation de la Banque de France au versement de la somme correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité de départ qu'il a perçue et celui calculé en application des dispositions du code du travail ; que, la Banque de France relève également appel de ce jugement en ce qu'il a ainsi donné partiellement satisfaction à M.B... ;
Sur la fin de non recevoir invoquée par la Banque de France :
3. Considérant que M. B...dans son mémoire enregistré le 25 novembre 2014 au greffe de la Cour sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation de la Banque de France à lui verser la somme de 147 740,63 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement à l'issue des contrats à durée déterminée conclus entre les 1er mars 2010 et 16 septembre 2011 ainsi que la somme de 80 736,15 euros à titre d'indemnités de fin de contrat ; que, toutefois, les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ne tendaient ni à l'allocation d'une indemnité de licenciement, ni à celle d'une indemnité de fin de contrat ni à l'indemnisation des conséquences dommageables du recours abusif à des contrats à durée déterminée ; que la demande de M. B...devant les premiers juges ne tendait en effet qu'à l'allocation d'une indemnité de départ à la retraite calculée selon les modalités du code du travail et à la réparation des préjudices consécutifs à l'illégalité fautive de la décision le plaçant à la retraite ; que les conclusions présentées dans son mémoire du 25 novembre 2014 liées à la faute consistant en la conclusion, selon lui illégale, de contrats à durée déterminée et à son licenciement illégal reposent donc sur une cause juridique distincte de celle invoquée devant les premiers juges ; qu'elles constituent ainsi une demande nouvelle présentée pour la première fois en appel et sont par suite irrecevables ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que la Banque de France soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses de son statut ont été adoptées en vue de lui permettre d'assumer ses missions de service public ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, et notamment de son point 5, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties, ont relevé que : " il ne résulte pas de l'instruction que la décision du Gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961 aurait été adoptée en raison d'une incompatibilité des dispositions similaires du code du travail avec le statut ou les missions de service public de la France. " ; qu'ils ont ainsi répondu au moyen invoqué par la Banque de France ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'indemnité de départ à la retraite :
5. Considérant que la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, qui n'a pas cependant le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre de ces caractéristiques figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1237-7 du code du travail : La mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 " ; que selon les dispositions de l'article
L. 1234-9 du même code : " Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. / Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire " ; que l'article R. 1234-1 dudit code prévoit : " L'indemnité de licenciement prévue à l'article
L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines " ; que l'article R. 1234-2 du code du travail dispose : " L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté " ; qu'enfin, selon les dispositions de l'article R. 1234-4 du même code : " Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : / 1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ; / 2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion " ;
7. Considérant que pour déterminer le montant de l'indemnité de départ à la retraite due à M.B..., la Banque de France s'est fondée sur les dispositions de l'article 1er de la décision règlementaire DR n°718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961, qui prévoient que les agents des cadres titulaire, auxiliaire et latéral reçoivent, lorsqu'ils cessent leurs fonctions pour faire valoir leurs droits à la retraite, une allocation de départ dont le montant est fixé par l'article 2 de cette décision à : " / 1 mois de traitement au-dessous de 20 ans de services, / 2 mois de traitement à 20 ans de services. / Au-delà de 20 ans, le montant de l'allocation s'accroît de 1/5ème de mois de traitement par année complète de services dans la limite d'un maximum de 6 mois atteint à partir de 40 ans de services " ; que le tribunal administratif a considéré que les dispositions précitées de l'article L. 1237-7 du code du travail n'étaient pas incompatibles avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont elle est chargée, et a fait application de ces dispositions pour déterminer le montant de l'indemnité de départ à la retraite à laquelle M. B...pouvait légitimement prétendre ;
8. Considérant, toutefois, qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, la fixation des limites d'âge des agents de la Banque de France relève du pouvoir réglementaire ; que le décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, pris pour l'application de cette loi, a fixé les conditions générales de mise à la retraite des agents de la Banque de France et prévu que les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises par des règlements d'administration publique ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre soixante ans minimum et soixante-cinq ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire, stagiaire ou auxiliaire, sauf s'ils ont été admis à l'un des concours dont les résultats ont été publiés avant cette date " ; que ce texte, comme l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires régissant l'institution, est partie intégrante du statut de la Banque de France ; qu'en application de ce statut, la Banque de France est tenue de mettre un terme aux fonctions des agents atteints par la limite d'âge ; qu'en revanche, l'article L. 1237-5 du code du travail prévoit seulement la faculté pour l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 précité du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; que, par suite, la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait application de ces dispositions à M.B..., qui avait seulement droit à une indemnité de départ à la retraite calculée selon les modalités fixées par l'article 1er de la décision règlementaire DR n°718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961 ;
9. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B...devant le tribunal administratif de Paris ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-2 du code monétaire et financier : " Le conseil général administre la Banque de France. Il délibère des statuts du personnel. Ces statuts sont présentés à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France (...) " ;
11. Considérant que la décision règlementaire DR n°718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961, fondant l'indemnité en litige, a été prise sur le fondement d'une délibération du conseil général du 16 février 1961, qu'elle vise, et qui donnait compétence au gouverneur de la Banque de France pour fixer les modalités de calcul des indemnités de départ à la retraite de ses agents ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision émanerait d'une autorité incompétente doit être écarté ;
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices du fait de la décision de placement à la retraite :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968, cité au point 8 ci-dessus, portant modification des limites d'âge du personnel de la banque de France, la limite d'âge du grade de M. B...était fixée à 65 ans ; qu'aux termes de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France dans sa rédaction issue de l'arrêté n° 2007-01 du Conseil général du 19 janvier 2007, entré en vigueur le 1er avril 2007 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. Sous réserve de dispositions transitoires fixées par un règlement du gouverneur, ils doivent prendre leur retraite - sous réserve des dérogations prévues à l'article 242 ci-après - dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans. Sauf cas de sanction disciplinaire ou de réforme les agents ne peuvent être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans " ;
13. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, les dispositions des articles L. 1237-5 et L. 1237-8 du code du travail, qui prévoient que le salarié qui a atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 précité du code de la sécurité sociale peut être mis à la retraite si son employeur a recueilli, dans un délai défini, son consentement, sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; que, par suite, la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait application à M. B...de ces dispositions pour juger que la Banque de France n'avait pu légalement le mettre à la retraite à l'âge de 65 ans sans faire application au préalable de la procédure prévue par l'article L. 1237-5 code du travail et qu'elle avait ainsi commis une illégalité de nature à engager sa responsabilité ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21 du décret du
30 juillet 1963 susvisé : " Sont portés à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire du Conseil d'Etat ou, sur décision du vice-président, après avis du président de la section ou de la commission compétente, à l'ordre du jour de l'assemblée générale plénière du Conseil d'Etat : (...) Les projets de règlements d'administration publique ainsi que les affaires sur lesquelles il doit être statué en vertu -d'une disposition spéciale par décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique; (...) Toutefois, le vice-président du Conseil d'Etat peut, sur proposition du président de la section ou de la commission compétente, décider de ne pas porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale certains des projets mentionnés aux 2 et 3 ci-dessus " ;
15. Considérant que M. B...soutient que le décret susvisé du 29 mars 1968, qui modifie le décret n° 54-474 du 4 mai 1954 portant règlement d'administration publique, n'a pas été soumis pour avis à l'assemblée générale du Conseil d'Etat et que compte tenu de son illégalité la décision de placement à la retraite est elle-même illégale ; que, toutefois, le décret en litige a été pris " le Conseil d'Etat (section finances) entendu " ; que le vice-président du Conseil d'Etat a pu légalement, en application des dispositions précitées de l'article 21 du décret du 30 juillet 1963 et sur la proposition qui lui a été faite par le président de la section des finances, décider de ne pas porter le projet de décret dont s'agit à l'ordre du jour de l'assemblée générale du Conseil d'Etat ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'assemblée générale du Conseil d'Etat n'a pas été consultée sur ce projet et que le décret du 29 mars 1968 est entaché d'incompétence ne peut qu'être écarté ;
16. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M.B..., les dispositions en litige du statut du personnel sont applicables alors même que le caractère incompatible avec le statut de la Banque de France des dispositions du code du travail fixant l'âge de départ à la retraite des salariés n'a pas été constaté par une décision du Conseil général de l'institution ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction que la délibération du Conseil général du 6 mai 1976 et l'arrêté susmentionné n° 2007-01 01 du Conseil général du 19 janvier 2007 ont été soumis à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France, conformément aux exigences de l'article L. 142-2 du code monétaire et financier ;
17. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...fait valoir que les dispositions en litige du statut du personnel de la Banque de France, seules applicables à sa situation, en ce qu'elles énoncent que les agents doivent prendre leur retraite à l'âge de 65 ans alors que les salariés du secteur privé peuvent exercer leur activité jusqu'à l'âge de 70 ans, sont constitutives d'une discrimination au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; qu'aux termes de l'article 2 de cette directive : " Concept de discrimination 1. Aux fins de la présente directive, on entend par "principe de l'égalité de traitement" l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er./ 2 .Aux fins du paragraphe 1 : a) une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er; b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que : i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même directive : " Les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. (...) " ;
18. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la limite d'âge de 65 ans opposée par les dispositions de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France aux agents titulaires, quand bien même elle a été portée à 67 ans en 2012, ne répondait pas à la date de son institution à l'objectif légitime, invoqué par la Banque de France, d'assurer le renouvellement des cadres et d'atteindre une structure d'âge équilibrée afin de favoriser l'emploi ; que, dans ces conditions, et alors que le statut en cause prévoit des possibilités de report d'âge notamment pour les agents qui ont eu la charge de plusieurs enfants, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, en méconnaissance de la directive du 27 novembre 2000, doit être écarté ; que, pour le même motif le moyen tiré de la méconnaissance du principe général de droit communautaire de non discrimination par l'âge issu de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut également qu'être écarté ; que si M. B...invoque la violation du principe posé par les dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : " Chacun à le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. (...) ", il n'assortit ce moyen d'aucune précision alors que ce principe sus rappelé ne s'impose que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français soit, en l'espèce de la loi du 11 juillet 1953 sus visée; qu'enfin, M. B...n'est pas fondé à invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité dès lors que la différence de traitement entre les agents de la Banque de France et les salariés du secteur privé est justifiée, ainsi qu'il a été dit précédemment, par l'intérêt général qui s'attache notamment à favoriser l'emploi ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède d'une part, que la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. B...une indemnité de départ à la retraite calculée selon les dispositions de l'article L. 1237-7 du code du travail, et, d'autre part, que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Banque de France à l'indemniser des conséquences dommageables résultant de l'illégalité de la décision le plaçant à la retraite ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice :
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Banque de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Banque de France et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1302952 du 28 mai 2014 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris tendant à la condamnation de la Banque de France à lui verser une indemnité de départ à la retraite par application des dispositions de l'article L. 1237-7 du code du travail est rejetée.
Article 3 : M. B...versera à la Banque de France la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes n°14PA03161 et N°14PA03251 est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la Banque de France.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Terrasse, président de chambre,
- M. Gouès, premier conseiller,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.
Le rapporteur,
N. AMATLe président,
M. TERRASSE
Le greffier,
E. CLEMENT La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 14PA03161, 14PA03251