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12/11/2015 | FRANCE | N°14PA01200

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 novembre 2015, 14PA01200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Champbenoist Distribution a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, du rappel de taxe sur les achats de viande qui lui a été assigné au titre de la période du 1er mars 2003 au 31 décembre 2003 pour un montant de 233 377 euros et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Par un jugement n° 0704630/7 du 24 mai 2011, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

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n arrêt n° 11PA03345 du 31 juillet 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Champbenoist Distribution a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, du rappel de taxe sur les achats de viande qui lui a été assigné au titre de la période du 1er mars 2003 au 31 décembre 2003 pour un montant de 233 377 euros et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Par un jugement n° 0704630/7 du 24 mai 2011, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA03345 du 31 juillet 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société Champbenoist Distribution à l'encontre du jugement précité.

Par décision n° 363083 du 3 mars 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Champbenoist Distribution, annulé l'arrêt n° 11PA03345 du 31 juillet 2012 de la Cour administrative d'appel de Paris rejetant l'appel formé par la société Champbenoist Distribution contre le jugement précité et décidé de renvoyer l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2011, la société Champbenoist Distribution, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704630/7 du 24 mai 2011 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, du rappel de taxe sur les achats de viande qui lui a été assigné au titre de la période du 1er mars 2003 au 31 décembre 2003 pour un montant de 233 377 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Champbenoist Distribution soutient que si elle n'entend pas poursuivre la contestation de la conformité de la taxe en cause au droit communautaire, elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation de l'article 302 bis ZD du code général des impôts résultant de la déclaration de M. A...B..., ministre délégué au budget, lors de la séance du 17 octobre 2003 à l'Assemblée Nationale, le tribunal ayant écarté à tort l'opposabilité des déclarations du ministre au cours des débats parlementaires ayant précédé le vote d'un texte fiscal.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2012, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen invoqué n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que la société Champbenoist Distribution a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle un rappel de taxe sur les achats de viande lui a été assigné au titre de la période du 1er mars 2003 au 31 décembre 2003, pour un montant de 233 377 euros en droits et intérêts de retard ; que, par un jugement n° 0704630/7 du 24 mai 2011, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce rappel ; que, par un arrêt n° 11PA03345 du 31 juillet 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société Champbenoist Distribution à l'encontre de ce jugement ; que, par décision n° 363083 du 3 mars 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Champbenoist Distribution, annulé l'arrêt n° 11PA03345 du 31 juillet 2012 précité et décidé de renvoyer l'affaire devant la Cour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau ... " ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions de la minute du jugement attaqué que le magistrat qui l'a signée en qualité d'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau en application de l'article R. 741-8 du code de justice administrative n'était pas au nombre des membres de la formation de jugement qui ont siégé lors de la séance du 10 mai 2011 au cours de laquelle l'affaire était appelée ; que la formation de jugement ayant rendu le jugement dont il est relevé appel a dès lors été irrégulièrement composée, ainsi qu'en ont été informées les parties par lettre du 11 juin 2012 ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Champbenoist Distribution devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur les conclusions tendant à la décharge du rappel de taxe sur les achats de viande :

En ce qui concerne l'application de la loi :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, alors en vigueur : " I. Il est institué ... une taxe due par toute personne qui réalise des ventes au détail de viandes et de produits énumérés au II ... IV. La taxe est exigible lors des achats visés au II ... VI. La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe ... " ;

6. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations des articles 87 et 88 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, alors en vigueur, à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ; qu'en application du principe d'universalité budgétaire et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service, cette taxe étant devenue une recette du budget général de l'Etat ; que, par suite, la taxe sur les achats de viande n'entrait pas, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat ; qu'ainsi, le rappel de la taxe sur les achats de viande en litige est bien fondé, ce que ne conteste d'ailleurs plus la société Champbenoist Distribution dans le dernier état de ses écritures ;

En ce qui concerne l'application du principe de l'estoppel :

7. Considérant que les obligations des contribuables résultent des textes législatifs et réglementaires, à l'application desquels l'administration ne peut renoncer ; que sous réserve des garanties prévues pour le contribuable par les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, ainsi que de celles dont le juge de l'impôt assure le respect, la position ou le comportement de l'administration avant la procédure contentieuse, lors de l'instruction de la réclamation ou en cours d'instance devant le juge de l'impôt, quelles que soient leurs évolutions ou contradictions éventuelles, ne peuvent faire obstacle à l'application par le juge de l'impôt de la loi fiscale, dans le cadre des moyens soulevés par chacune des parties et de ceux qu'il est tenu de relever d'office ; qu'ainsi, en l'absence en contentieux fiscal d'une règle générale de procédure relevant du principe de l'estoppel, en vertu de laquelle une partie ne pourrait, après avoir adopté une position claire ou un comportement non ambigu sur sa future conduite à l'égard de l'autre partie, modifier ultérieurement cette position ou ce comportement d'une façon qui affecte les rapports du droit entre les parties et conduise l'autre partie à modifier à son tour sa position, la société Champbenoist Distribution ne peut utilement opposer à l'administration les déclarations faites par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire à l'Assemblée nationale le 17 octobre 2003, pour soutenir que dans le cadre de la procédure contentieuse, l'administration se serait contredite à son détriment ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ... " ;

9. Considérant que la société Champbenoist Distribution se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la déclaration du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire lors de la séance de l'Assemblée nationale du 17 octobre 2003 selon laquelle " la taxe sur les achats de viande est contraire au droit communautaire, il faut donc l'abroger " ; que, toutefois, la requérante ne peut pas se prévaloir des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'est en litige une imposition primitive, et des dispositions du second alinéa du même article, dès lors que la déclaration invoquée ne constitue pas une instruction ou une circulaire publiée ; qu'en outre, cette déclaration, qui n'a pas pour objet de préciser le sens et la portée de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi n°2000-1353 du 30 décembre 2000 de finances rectificatives pour 2000, ne constitue pas une interprétation formellement admise par l'administration au sens des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que la société Champbenoist Distribution n'est dès lors pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de cet article ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Champbenoist Distribution n'est pas fondée à demander la décharge, en droits et intérêts de retard, du rappel de taxe sur les achats de viande qui lui a été assigné au titre de la période du 1er mars 2003 au 31 décembre 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Champbenoist Distribution demande au titre des frais qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0704630/7 du 24 mai 2011 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de la société Champbenoist Distribution devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Champbenoist Distribution et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 29 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2015.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01200
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-03 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Opposabilité des interprétations administratives (art. L. 80 A du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : VAUBAN SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-12;14pa01200 ?
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