Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mars 2014 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1411542 du 18 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2015, M.B..., représenté par Me Philippon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1411542 du 18 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 mars 2014 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Philippon, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- l'administration n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien modifié dès lors qu'il peut établir par " tout moyen " la preuve de sa résidence en France depuis plus de dix ans, qu'il convient d'apprécier les pièces produites dans leur ensemble et que, par suite, il atteste avoir résidé sur le territoire français pendant la période allant de 2004 à 2007 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien modifié, eu égard à la durée de sa présence en France où il possède désormais des attaches personnelles et à sa réelle intégration à la société française, notamment professionnelle ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquaient pas aux ressortissants algériens qui ne bénéficient pas de stipulations similaires dans le cadre de l'accord franco-algérien ;
- en tout état de cause, eu égard aux éléments présentés ci-dessus ainsi qu'aux traumatismes vécus en Algérie et à ses problèmes de santé, le préfet de police aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale, par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant contraires aux dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en l'absence de motivation en fait et en droit ;
- l'administration n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de sa présence en France où il possède désormais des attaches personnelles et à sa réelle intégration à la société française notamment professionnelle ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 16 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la directive n° 2008/115/ CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me Philippon, avocat de M.B... ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, né le 2 mars 1973, entré en France le 29 avril 1999 sous couvert d'un visa Schengen de type C, a sollicité un certificat de résidence sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par un arrêté du 3 mars 2014, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. B...fait appel du jugement du 18 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que le préfet de police, qui n'a pas l'obligation de faire explicitement mention de l'ensemble des circonstances de fait justifiant sa décision, a ainsi suffisamment motivé celle-ci ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1° Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...)" ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les documents produits par M. B... au titre des années 2004 et 2005 consistant d'une part, en un procès-verbal d'infraction émanant de la RATP du 26 février 2004, une déclaration de perte d'une carte bancaire auprès de la Poste du 4 mars 2004, une promesse d'embauche datée du 3 juin 2004 émanant de l'entreprise Ouari Tarik et une attestation de son gérant du 22 janvier 2013, une carte de transport et de coupons y afférents et d'autre part, en deux ordonnances des 2 janvier et 12 juillet 2005 sur lesquelles sont apposés les tampons de pharmacies, une promesse d'embauche datée du 1er février 2005, une facture du 11 avril 2005, une carte de transport et ses coupons ainsi qu'une carte d'adhésion au collectif des sans-papiers kabyles de France pour l'année 2005, sont insuffisants en nombre pour établir sa présence habituelle en France au titre des années en litige ; que, dès lors, M. B...ne justifie pas résider habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de police n'avait pas méconnu les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5°Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que M. B..., entré régulièrement sur le territoire français le 29 avril 1999, n'établit pas avoir résidé habituellement en France au titre des années 2004 et 2005 ; que l'intéressé, célibataire, sans charge de famille en France, ne justifie pas des liens personnels qu'il aurait développés sur le territoire français ; qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident ses parents et sa fratrie ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que M. B...bénéficie de promesses d'embauche pour un poste d'électricien, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
8. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ; que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) " ; que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale ; que dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national ; que si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
9. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissant d'une manière complète et exclusive les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de la validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. B...ne peut utilement demander son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'est pas applicable aux ressortissants algériens ;
10. Considérant, d'autre part, qu'en invoquant en particulier les traumatismes qu'il aurait subis dans son pays d'origine et sa dépendance pathologique au jeu, M. B...n'établit pas que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas droit, en opportunité, à sa demande de délivrance d'un certificat de résidence ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant que les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;
13. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation des actes administratifs ; que ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs définis à l'article 12 de la directive n° 2008/115 CE précitée ; que, par suite, M. B...ne peut utilement se prévaloir de l'article 12 de cette directive au soutien du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français contestée, dès lors qu'à la date de cette décision, ladite directive avait été transposée en droit interne ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ;
15. Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B... ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01155