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23/10/2015 | FRANCE | N°14PA00579

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 octobre 2015, 14PA00579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office polynésien de l'habitat (OPH) a demandé au Tribunal administratif de Polynésie française d'annuler, d'une part, la décision n° 97/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail en date du 8 février 2013 portant refus de la demande de licenciement de MmeA..., ensemble la décision n° 197/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail du 13 mars 2013 accordant le transfert de cet agent, d'autre part, la décision n° 101/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail en date du 8 février 2013 portant refus de la demande de licenci

ement de M.C..., ensemble la décision n° 189/MEF/TRAV du 13 mars 2013 de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office polynésien de l'habitat (OPH) a demandé au Tribunal administratif de Polynésie française d'annuler, d'une part, la décision n° 97/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail en date du 8 février 2013 portant refus de la demande de licenciement de MmeA..., ensemble la décision n° 197/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail du 13 mars 2013 accordant le transfert de cet agent, d'autre part, la décision n° 101/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail en date du 8 février 2013 portant refus de la demande de licenciement de M.C..., ensemble la décision n° 189/MEF/TRAV du 13 mars 2013 de l'inspecteur du travail accordant le transfert de cet agent.

Par un jugement n°1300184 du 22 octobre 2013, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2014, l'Office polynésien de l'habitat (OPH), représenté par la Selarl Jurispol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2013 du Tribunal administratif de Polynésie française ;

2°) d'annuler, d'une part, la décision n° 97/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail en date du 8 février 2013 portant refus de la demande de licenciement pour motif économique de MmeA..., ensemble la décision n° 197/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail du 13 mars 2013 accordant le transfert du contrat de travail de cet agent du Fonds de développement des archipels (FDA) à l'OPH, d'autre part, la décision n° 101/MEF/TRAV de l'inspecteur du travail en date du 8 février 2013 portant refus de la demande de licenciement pour motif économique de M.C..., ensemble la décision n° 189/MEF/TRAV du 13 mars 2013 de l'inspecteur du travail accordant le transfert du contrat de travail de cet agent du Fonds de développement des archipels (FDA) à l'OPH ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 330 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'OPH soutient que :

- les décisions attaquées entretiennent un lien suffisant pour justifier le caractère collectif de la requête et il justifie d'un intérêt à agir contre elles ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de base légale dès lors que le code du travail polynésien ne prévoit aucune disposition relative à la protection des salariés protégés en cas de transfert partiel d'entreprise ou d'établissement et aucun principe de subsidiarité n'autorise l'application des dispositions du code du travail métropolitain pour pallier l'absence de dispositions locales ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, en ce que l'OPH n'a pas été informé des conditions du transfert des contrats de travail, l'inspectrice du travail méconnaissant ainsi le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense ;

- l'administration a commis une erreur dans la qualification juridique des faits : les conditions du transfert d'activité ne sont pas réunies, dès lors qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome, puisque les actifs et le passif du FDA ont été repris par la Polynésie française et non par l'OPH, aux termes des arrêtés relatifs à la dissolution du FDA ;

- les missions de l'OPH englobent celles du FDA qui ne peut donc lui transférer ses missions relatives à l'habitat social dans les archipels, lesquelles existent déjà à l'OPH ;

- il n'y a pas eu transfert du patrimoine du FDA qui est revenu intégralement à la Polynésie française, laquelle a ensuite affecté à l'OPH les bâtiments auparavant affectés au FDA, une partie seulement des véhicules ainsi que des kits de construction, le FDA ayant également vendu un grand nombre d'actifs dans le cadre de sa liquidation ;

- l'administration a commis une violation de la loi dès lors que le conseil des ministres, par l'arrêté n° 1756/CM du 30 novembre 2012 a clairement prévu que les salariés du FDA seraient licenciés, et ses actifs repris par la Polynésie française elle-même ;

- certains des agents licenciés ont d'ailleurs signé de nouveaux contrats de travail avec l'OPH à compter du 28 mars 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2014, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'OPH ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 30 juin 2014 et 16 juillet 2014, M. C... et Mme A..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de l'OPH à leur verser 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Ils soutiennent que :

- la requête de première instance était irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par l'OPH ne sont pas fondés ;

- ils s'associent aux écritures de la Polynésie française.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code du travail de la Polynésie française ;

- la délibération n°2011-43 du 18 août 2011 ;

- l'arrêté n° 1756/CM du 30 novembre 2012 ;

- l'arrêté n°68 MAA du 3 janvier 2013 ;

- l'arrêté n°360/CM du 26 avril 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.

1. Considérant que dans le cadre d'un plan de redressement des finances publiques, le conseil des ministres de la Polynésie française a décidé, par arrêté du 30 novembre 2012, la dissolution de l'établissement public industriel et commercial dénommé Fonds de développement des archipels (FDA) qui avait pour mission la réalisation d'opérations de construction, viabilisation et réhabilitation d'habitations collectives ou individuelles et de locaux annexes utiles à la vie sociale et économique dans le cadre de l'habitat dispersé des archipels ; que le FDA a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour motif économique M.C..., agent chargé du suivi des expéditions et membre titulaire du comité d'entreprise et MmeA..., chef de bureau chargée de l'instruction des dossiers et déléguée syndicale, autorisations refusées par deux décisions du 8 février 2013, au motif que le FDA était tenu de formuler une demande de transfert des contrats de ces salariés protégés au bénéfice de l'OPH ; que par deux décisions du 13 mars 2013, l'inspection du travail a autorisé le transfert des contrats de travail de ces deux salariés ; que l'OPH relève appel du jugement du 22 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation des quatre décisions précitées de l'inspection du travail ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que si M. C...et Mme A...soutiennent que c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé recevable une requête unique contre des décisions concernant deux salariés et ne présentant entre elles pas de lien suffisant, dès lors et en tout état de cause qu'ils n'en demandent pas l'annulation, ils ne sont pas recevables à critiquer les motifs du jugement attaqué ;

Sur la légalité des décisions de refus d'autorisation de licenciement du 8 février 2013 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article Lp 1212-5 du code du travail de la Polynésie française : " S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et les salariés de l'entreprise. " ; que les dispositions de l'article Lp 1212-5 du code du travail de la Polynésie française trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur ; que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

4. Considérant que pour rejeter la demande de licenciement pour motif économique de M. C...et MmeA..., par les deux décisions litigieuses du 8 février 2013, l'inspecteur du travail s'est fondé sur l'existence, au bénéfice de l'OPH, d'un transfert d'une entité économique du FDA à qui revenait de formuler auprès de l'administration une demande de transfert des contrats de travail des deux salariés ; que l'OPH soutient que l'administration a commis une erreur dans la qualification juridique des faits, dès lors qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome, les missions de l'OPH englobant celles du FDA et les actifs et le passif du FDA ayant été intégralement repris par la Polynésie française aux termes des arrêtés relatifs à la dissolution du FDA ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de la délibération n° 2011-43 du 18 août 2011 : " le FDA cessera son activité au 31 décembre 2011 et ses missions seront réparties entre les circonscriptions (aides à caractère économique) et l'OPH (attribution et gestion des logements) " ; qu'il ressort également des pièces du dossier que par arrêté n°68 MAA du 3 janvier 2013, les bâtiments du FDA ont été affectés à l'OPH à compter du 1er janvier 2013 et que par arrêté n° 360/CM du 26 avril 2013 les kits de construction ont été transférés à titre gracieux à l'OPH ; que la Polynésie française soutient sans être contredite qu'une partie du matériel roulant et des moyens informatiques du FDA, en particulier le logiciel SAGE de suivi des commandes, ont été transférés à l'office ; que l'ensemble de cette opération revêt ainsi les caractéristiques d'un transfert d'une entité économique autonome ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort également des pièces du dossier que les deux salariés concernés exécutent effectivement leur contrat dans l'entité transférée, l'un, M. C..., étant un agent administratif chargé du suivi des expéditions et l'autre, MmeA..., étant chef de bureau chargée de l'instruction, fonctions qui participent à la mission transférée du FDA à l'OPH d'attribution et de gestion de logements ; qu'en conséquence, l'OPH ne démontre aucune erreur dans la qualification juridique des faits de la part de l'inspection du travail qui était, par suite, fondée à constater que le transfert de l'entité économique à laquelle appartenaient les deux salariés impliquait celui de leur contrat de travail et à rejeter, en conséquence, la demande de licenciement pour motif économique présentée par le FDA, sans qu'y puisse faire obstacle l'arrêté n° 1756/CM du 30 novembre 2012 prévoyant le licenciement des salariés du FDA " dans le respect du code du travail ", ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ;

Sur la légalité des décisions d'autorisations de transfert des contrats de travail du 13 mars 2013 :

7. Considérant qu'aucune disposition du code du travail polynésien ne prévoit l'intervention de l'inspection du travail en cas de transfert du contrat de travail d'un salarié protégé ; que l'exigence constitutionnelle et l'intérêt d'ordre public qui s'attachent à la protection des salariés légalement investis de fonctions représentatives n'impliquent pas par eux-mêmes que le transfert de leurs contrats de travail soit subordonné à une autorisation administrative préalable ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions du 13 mars 2013, l'OPH est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'OPH est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions d'autorisations de transfert des contrats de travail du 13 mars 2013 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPH, qui n'est pas dans la présente instance, à titre principal, la partie perdante, la somme que M. C... et Mme A... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme que l'OPH demande sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement1300184 du 22 octobre 2013 du Tribunal administratif de Polynésie Française, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions d'autorisation de transfert des contrats de travail de M. C... et Mme A... du 13 mars 2013 et lesdites décisions, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'OPH est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de M. C... et Mme A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office polynésien de l'habitat (OPH), à la Polynésie française, à M. D... C...et à Mme F...A....

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 23 octobre 2015.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA00579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00579
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL FENUAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-23;14pa00579 ?
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