La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2015 | FRANCE | N°14PA03654

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 05 octobre 2015, 14PA03654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logistique Location Multiservices (LLM) a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 13 juillet 2012 confirmant la décision de l'inspectrice du travail en date du 30 novembre 2011 rejetant la demande de licenciement pour faute de M. A...D....

Par un jugement n° 1208105/9 du 18 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 11 août 2014 et un mémoire récapitulatif enregistré le 9 septembre 2014, la société LLM,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logistique Location Multiservices (LLM) a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 13 juillet 2012 confirmant la décision de l'inspectrice du travail en date du 30 novembre 2011 rejetant la demande de licenciement pour faute de M. A...D....

Par un jugement n° 1208105/9 du 18 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2014 et un mémoire récapitulatif enregistré le 9 septembre 2014, la société LLM, représentée par Me B...agissant en qualité de liquidateur judiciaire, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208105/9 du 18 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 13 juillet 2012 confirmant la décision de l'inspectrice du travail en date du 30 novembre 2011 rejetant la demande de licenciement pour faute de M. A...D....

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision précitée du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 13 juillet 2012, ensemble la décision de l'inspectrice du travail en date du 30 novembre 2011 rejetant la demande de licenciement pour faute de M. A...D....

Elle soutient que :

- M. D...a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 9 septembre 2011 par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 septembre 2001 et par un courrier électronique à son adresse personnelle reçu par l'intéressé le 2 septembre 2011 à 19h01 auquel il a répondu le même jour à 21h11 ;

- la responsabilité de la non communication du procès-verbal intégral de la réunion du 29 septembre 2011 de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de M. D..., avant que l'inspecteur du travail ne se prononce, incombe au secrétaire du comité ;

- la présidente du comité d'entreprise n'a jamais exigé de signer les procès-verbaux du comité d'entreprise, contrairement à ce qu'a estimé l'inspectrice du travail ;

- la clause de mobilité incluse dans le contrat de travail de M. D..., étendue à tout le territoire national et justifiée par la nature de l'activité de chauffeur routier étant valable et opposable au salarié, son refus de rejoindre sa nouvelle affectation constituait un refus d'accepter un changement de ses conditions de travail et une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement ;

- par plusieurs jugements confirmés par la Cour d'appel, les Conseils des prud'hommes ont reconnu la validité de cette clause dans le contrat de travail de deux chauffeurs routiers de la société LLM, semblable à celle de M. D... ;

- le délai de prévenance de trois semaines laissé à M. D... pour rejoindre sa nouvelle affectation était raisonnable et suffisant et cela d'autant que le salarié a pu, à sa demande, réaliser un essai sur la ligne pendant plus d'un mois et demi ;

- il n'existe aucun lien entre les mandats détenus par le salarié et la demande de licenciement ;

La requête a été communiquée à M. D... et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.

1. Considérant que M. D... a été engagé le 10 décembre 1997 en qualité de conducteur routier par la société Logistique Location Multiservices, dont le siège est à Ussel ; que saisie d'une demande de licenciement pour faute de M. D..., titulaire du mandat de délégué du personnel titulaire et membre du comité d'entreprise jusqu'au 26 mai 2011, l'inspectrice du travail a, par décision du 30 novembre 2011, refusé cette autorisation ; que la société LLM a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté par décision du ministre chargé du travail du 13 juillet 2012 ; que la société LLM relève appel du jugement 18 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées ;

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne la décision de l'inspectrice du travail du 30 novembre 2011 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. Elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise. Excepté dans le cas de mise à pied, la demande est transmise dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité d'entreprise. La demande énonce les motifs du licenciement envisagé. Elle est transmise par lettre recommandée avec avis de réception. " ;

3. Considérant, que si l'inspectrice du travail a estimé que l'absence de communication du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 29 septembre 2011 sur le projet de licenciement de M. D...était de nature à vicier la procédure de licenciement, il ressort de la décision litigieuse qu'elle vise l'avis défavorable émis par le comité d'entreprise lors de cette séance ; que s'il est constant que le procès-verbal de cette réunion, tardivement établi par le secrétaire du comité, n'a été transmis que le 20 novembre 2011 à l'inspection du travail qui n'a été destinataire que d'un document élaboré par la direction de la société, signé par le secrétaire du comité d'entreprise et dont il n'est pas allégué qu'il ne retranscrirait pas fidèlement le déroulement des débats ; que, dans ces conditions, cette circonstance ne constitue pas un vice substantiel de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie à l'encontre de M.D... ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

5. Considérant qu'en l'absence de mention contractuelle du lieu de travail d'un salarié, la modification de ce lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail, dont le refus par le salarié est susceptible de caractériser une faute de nature à justifier son licenciement, lorsque le nouveau lieu de travail demeure à l'intérieur d'un même secteur géographique, lequel s'apprécie, eu égard à la nature de l'emploi de l'intéressé, de façon objective, en fonction de la distance entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ainsi que des moyens de transport disponibles ; qu'en revanche, sous réserve de la mention au contrat de travail d'une clause de mobilité, tout déplacement du lieu de travail du salarié dans un secteur géographique différent du secteur initial constitue une modification du contrat de travail ;

6. Considérant que l'article 8 de l'avenant au contrat de travail de M.D..., conclu le 28 décembre 2009 et le 8 janvier 2010 et intitulé " Lieu de travail-Mobilité géographique ", précise que " M. G...prendra ses fonctions au lieu de prise de service qui lui sera indiqué par l'exploitation. A titre d'information, Monsieur G...prendra ses fonctions au lieu de prise de service initial suivant : 59-Lesquin (...) En outre, en cas de besoins justifiés, notamment par l'évolution de ses activités ou de son organisation, et plus généralement par la bonne marche de l'entreprise, il est expressément convenu entre les parties que Monsieur G...pourra être affecté sur tout autre lieu de prise de service à l'intérieur du périmètre géographique rattaché aux agences de l'entreprise, c'est-à-dire Ussel (19), Melun (77), Ormes (45), Chambéry (73), Moins (69) ou à venir. " ; que, d'une part, il en résulte que le contrat de M. D...ne comportait pas de lieu de travail suffisamment indentifié ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que le nouveau lieu de prise de service imposé à M. D...par courrier du 16 mars 2011 est situé dans le département de l'Essonne à Chilly-Mazarin ; que dans ces conditions, le déplacement du lieu de travail, situé à 40 kms de Melun, agence mentionnée au contrat de M.D..., peut être considéré, compte tenu en outre de la nature de ses fonctions de chauffeur routier, comme s'effectuant à l'intérieur d'un même secteur géographique ;

7. Considérant que l'inspectrice du travail a également considéré que la nouvelle affectation de M. D..., en entraînant un bouleversement de ses horaires de travail, constituait une modification de son contrat en relevant que le salarié qui prenait habituellement son service à Lesquin (59) à 22 heures 30 pour effectuer un transport jusqu'à l'aéroport de Shipool d'Amsterdam pour revenir à Lesquin à 7 heures, devait désormais prendre son service à Chilly-Mazarin à 21 heures 45 pour se rendre au Mans à 1 heure 30, y effectuer un relais impliquant un repos jusqu'à 8 heures 40 et un retour à 12 heures ; que, toutefois, le contrat de travail de M. D... ne comportait aucune clause lui garantissant un horaire fixe, mais prévoyait un planning écrit mensuel, susceptible d'être modifié ; qu'eu égard à la nature des fonctions de chauffeur routier exercées par le salarié et impliquant une certaine flexibilité horaire compensée par une prime d'amplitude, les horaires imposés à M. D... dans le cadre de la desserte de la nouvelle ligne à laquelle il était affecté, ne constituaient pas une modification de son contrat de travail ;

8. Considérant que si l'inspectrice du travail a également retenu que l'employeur n'avait pas respecté un délai raisonnable pour prévenir le salarié de la mise en oeuvre de la clause de mobilité, il ressort des pièces du dossier que si M. D... a été informé de sa nouvelle affectation par courrier du 16 mars 2011 pour une prise de poste le 4 avril 2011, il a été autorisé, à sa demande, à réaliser un essai sur la nouvelle ligne de transport à laquelle il était affecté pendant plus d'un mois et demi ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, le délai de prévenance et de préparation du salarié à sa nouvelle affectation doit être regardé comme suffisant ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le refus du salarié de ce changement dans ses conditions de travail doit être regardé, contrairement à ce qu'ont estimé tant l'inspectrice du travail que le tribunal administratif, comme fautif et de nature à justifier son licenciement ;

En ce qui concerne la décision du ministre chargé du travail du 13 juillet 2012 :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. " ;

11. Considérant que le ministre du travail a estimé que le délai minimum de cinq jours ouvrables fixé par la loi n'avait pas été respecté dès lors que la lettre de convocation à l'entretien préalable de licenciement, prévu le 9 septembre 2011, n'avait été reçue par M. D...que le 7 septembre 2011, entachant d'illégalité la procédure suivie à son encontre ; qu'il est toutefois constant qu'un courriel a été adressé le 2 septembre 2011 à l'intéressé qui y a répondu le jour même en indiquant qu'il ne serait pas présent à l'entretien ; que dans ces conditions, et dès lors que les modes de convocation n'ont pour objet que de prévenir toute contestation sur la date de réception de la convocation, M. D..., qui a disposé des cinq jours ouvrables prévus par les dispositions précitées, n'a été privé d'aucune garantie prévue par la procédure de licenciement ;

12. Considérant que les griefs retenus par le ministre tirés de l'absence de faute du salarié de refuser la modification de son contrat que constitueraient selon lui le changement de lieu et d'horaires de travail ne sont, pour les motifs exposés aux points 7 et 8, pas fondés ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le refus de M. D... d'accepter sa nouvelle affectation a constitué une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

14. Considérant qu'il n'est ni établi ni même allégué que la demande de licenciement serait en lien avec les mandats exercés par le salarié ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LLM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 30 novembre 2011 de l'inspectrice de travail et du 13 juillet 2012 du ministre chargé du travail refusant l'autorisation de licenciement pour faute de M. D... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1208105/9 du 18 juin 2014 du Tribunal administratif de Melun et les décisions du 30 novembre 2011 de l'inspectrice de travail et du 13 juillet 2012 du ministre chargé du travail refusant l'autorisation de licenciement pour faute de M. D...sont annulés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Logistique Location Multiservices (LLM), à Me F...B..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. A...D....

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

- MmeE..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 5 octobre 2015.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

F. POLIZZI

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

5

N° 14PA03654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03654
Date de la décision : 05/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET FROMONT BRIENS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-05;14pa03654 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award