Vu la requête, et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 août 2014 et 26 juin 2015, présentés pour Mme A...B...veuveC..., demeurant..., par Me Afoua Geay ; Mme B...demande à la Cour :
1º) d'annuler le jugement n° 1309021/3 du 3 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 10 septembre 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle peut être reconduite d'office ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le refus d'admission au séjour est insuffisamment motivé ;
- la procédure est irrégulière, dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire ont été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'illégalité du refus d'admission au séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le délai de départ volontaire ;
- l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue, en violation du principe général du droit de l'Union européenne du respect des droits de la défense et de la bonne administration ;
- cette mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- en octroyant un délai de départ volontaire insuffisant, le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision distincte mentionnant le pays de destination est insuffisamment motivée en droit ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête de Mme B...veuve C...a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public;
Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 22 novembre 2012, dans l'affaire C 277/11 ;
Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C 383/13 PPU ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :
- le rapport de M. Cantié , premier conseiller,
- et les observations de Me Afoua-Geay, avocate de Mme B...veuve C...;
1. Considérant que Mme B...veuveC..., ressortissante togolaise née le 31 décembre 1949, est entrée en France le 3 août 2008 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle a sollicité la régularisation de sa situation en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 10 février 2011, le préfet du Val-de-Marne a rejeté cette demande et a obligé l'intéressée à quitter le territoire ; que le recours formé par Mme B...contre cet acte a été rejeté par jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 7 juillet 2011 ; que l'appel formé contre ce jugement par l'intéressée a été rejeté par arrêt de la Cour en date du 8 mars 2012 ; que, se prévalant de ses attaches familiales en France, Mme B...a sollicité à nouveau la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet du Val-de-Marne qui, par arrêté du 10 septembre 2013, a refusé d'admettre au séjour l'intéressée et l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours ; que Mme B...relève appel du jugement en date du 3 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5 de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du même code : " L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
5. Considérant ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;
6. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
7. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeB..., qui a été mise à même d'être entendue avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'est pas fondée à soutenir qu'en omettant de lui permettre de présenter des observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne aurait méconnu le principe général du droit de l'Union européenne du respect des droits de la défense et de la bonne administration ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
10. Considérant que Mme B...se prévaut de son séjour en France depuis 2008 auprès de sa fille, de son gendre et de leurs enfants de nationalité française et de l'absence d'attaches dans son pays d'origine ; que si elle produit devant la Cour des pièces afin d'établir que ses autres enfants résident au Bénin et en Allemagne, elle ne démontre pas qu'aucun de ses enfants ne réside au Togo, ni qu'elle est dépourvue de toute autre attache familiale dans ce pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-huit ans ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressée, qui ne fournit aucun élément établissant une démarche d'intégration, résidait en France de façon irrégulière et depuis seulement cinq ans ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles il a été pris ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés ;
11. Considérant, en troisième et dernier lieu, que MmeB..., qui se borne à reprendre l'argumentation qu'elle a présentée en première instance, n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif sur les moyens tirés de l'insuffisante motivation du refus d'admission au séjour et de la décision distincte mentionnant le pays de destination, de l'irrégularité de la procédure suivie résultant de l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour, de l'illégalité du refus d'admission au séjour, invoquée par voie d'exception, de ce que l'obligation de quitter le territoire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de ce que la décision distincte fixant le délai de départ volontaire serait entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui ne sont pas critiqués en appel ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...veuve C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...veuve C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juillet 2015.
Le rapporteur,
C. CANTIÉLe président,
E. COËNT-BOCHARD
Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14PA03665