Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2014, présentée par le préfet de police de Pa ris qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1318051/5-3 du 9 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 6 juin août 2013 refusant à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence algérien portant la mention vie " privée et familiale " ;
2°) de rejeter la demande présentée le 18 décembre 2013 par Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Le préfet de police qui rappelle qu'entrée en France le 29 septembre 2009 en étant munie d'un visa Shengen, Mme C...a sollicité le 14 octobre 2009 son admission provisoire au séjour au titre de l'asile, qui a été rejetée par l'arrêté préfectoral du 28 mars 2011, après rejet de la demande du statut de réfugiée de l'intéressée par l'OFPRA puis la Cour nationale du droit d'asile ;
Il soutient que :
- MmeC..., qui a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade qui a été refusé par l'arrêté en litige, n'a apporté aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions du médecin-chef, au soutien de sa contestation de l'avis de celui-ci, selon lequel si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- les certificats médicaux produits, soit anciens, soit postérieurs à la décision préfectorale, ne permettent pas en tout état de cause, par leur caractère laconique, d'établir que la prise en charge de Mme C...dans son pays d'origine ne serait pas possible, alors que celle-ci ne fait même pas état des traitements qu'elle suit ;
- dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pu méconnaître les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, et que c'est par suite à tort que le tribunal administratif a annulé pour ce motif l'arrêté litigieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2014, présenté pour Mme C..., par Me A..., qui conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Mme C...fait valoir que :
- entrée en France le 29 septembre 2009, accompagnée de sa fille, elle a suffisamment démontré la nécessité de son traitement en France en milieu spécialisé non seulement pour ses troubles dépressifs mais aussi pour les pathologies d'hépatite, de nodules thyroïdiens, d'arthrose et de fibromyalgie dont elle souffre, dès lors qu'elle ne peut bénéficier de ce traitement en Algérie ;
- en tout état de cause, elle entend reprendre ses moyens de première instance, notamment tiré de l'irrégularité formelle de l'avis médical du 29 août 2012, qui doit permettre d'identifier son auteur, et d'être complet sur l'énoncé des précisions exigées par l'arrêté du 9 novembre 2011 ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée au regard de la loi de juillet 1979, car ne tenant pas compte de l'environnement familial de la requérante ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intéressé étant présente depuis 4 ans en France avec son fils et sa fille, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle ne peut être obligée de quitter le territoire français, en raison de la nécessité d'y suivre son traitement, le préfet a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Vu la décision n° 2014/036277 en date du 23 octobre 2014 par laquelle la section Cour administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle de Paris, a maintenu de plein droit Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, à la suite de sa demande du 26 juin 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, en application de l'article R. 312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015, le rapport de M. Privesse, premier conseiller ;
1. Considérant que le préfet de police de Paris relève régulièrement appel du jugement en date du 9 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de Mme B...C..., ressortissante algérienne née le 1er janvier 1956, tendant à l'annulation de son arrêté en date du 26 juin 2013, refusant à l'intéressée son admission au séjour sollicitée le 8 septembre 2011 au titre de son état de santé sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant le pays de destination, aux motifs que cette décision avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour demandé sur ce fondement par un ressortissant algérien, de vérifier, au vu d'un avis émis par un médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... est atteinte d'une hépatite C chronique, d'un syndrome dépressif et de nodules thyroïdiens, ces pathologies étant actuellement traitées notamment par les spécialités pharmaceutiques dénommées séroplex, lexomil et imovane, suivant le certificat médical du DrD..., médecin traitant ; que s'il n'est pas contesté que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet de police a estimé, conformément à l'avis du 29 août 2012 du médecin-chef de la préfecture, que Mme C...pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ; que le préfet a produit en première instance des éléments démontrant que l'Algérie dispose de structures médicales, notamment de 4 centres hospitaliers universitaires, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils sont susceptibles d'assurer, et cela depuis le début 2013, le suivi de Mme C... au moyen de la nouvelle approche thérapeutique dite " trithérapie " ; qu'il a également justifié que les médicaments indiqués dans le traitement de l'hépatite C, à savoir ceux précédemment cités, ainsi que ceux appartenant à la classe des anxiolytiques, des antidépresseurs et neuroleptiques, figurent sur la liste des médicaments remboursables par la sécurité sociale algérienne ; que Mme C... ne démontre pas que ces médicaments, bien qu'enregistrés en Algérie, n'y seraient pas effectivement commercialisés ; que si elle soutient qu'elle ne peut bénéficier en Algérie d'une prise en charge médicale multidisciplinaire en milieu spécialisé pour traiter ses trois pathologies, dont l'hépatite C, il résulte de ce qui précède que le préfet a suffisamment établi que quatre structures multidisciplinaires y existent, et que les dernières thérapies validées au plan mondial y ont été introduites, ce que la requérante ne contredit pas ; qu'en particulier, le certificat médical établi le 21 janvier 2011 par le docteur Véronique Vasseur, praticien hospitalier, s'il précise que la prise en charge de Mme C...ne peut être réalisée dans son pays d'origine, n'en indique pas la raison, cette formule apparaissant comme stéréotypée ; que, s'agissant des autres certificats médicaux produits devant le tribunal, les médecins concernés ne se sont pas prononcés sur la disponibilité du traitement en Algérie ; que la requérante ne produit aucun autre élément nouveau en appel ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que Mme C...aurait, au cours de l'instruction de sa demande, fait valoir auprès du préfet qu'elle ne pourrait accéder effectivement à un traitement approprié en Algérie ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a considéré que son arrêté était intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien susvisé ; qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;
6. Considérant en premier lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de la requérante ; que sa décision, qui comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait en constituant le fondement, est suffisamment motivée, notamment en ce qui concerne sa situation familiale en France ;
7. Considérant en deuxième lieu, qu'il ressort de la copie de l'avis médical du 29 août 2012 produite en première instance que celui-ci a été établi par le docteur Dufour, nommément désigné, dont la fonction de médecin-chef du service médical de la préfecture de police est clairement précisée dans ce même avis ; qu'en outre, cet avis est complet quant à ses mentions, comme il résulte de ce qui vient d'être dit ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du médecin chef de la préfecture, doit être écarté ;
8. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles ouvrant droit au regroupement familial, dont les liens personnels ou familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
9. Considérant que Mme C...est entrée sur le territoire français le 29 septembre 2009, selon ses déclarations, et s'y est ensuite maintenue irrégulièrement ; qu'elle fait valoir la présence d'un fils, majeur, de nationalité française, avec lequel elle n'établit toutefois pas de filiation, qui réside en France de même que deux de ses cousines, cependant, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'elle n'a quitté qu'à l'âge de 53 ans, où résident ses cinq soeurs et un frère ainsi que sa fille ; que son mari est décédé en 1997 ; que dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard en outre à ce qu'elle n'établit pas une présence continue et habituelle en France depuis son arrivée ; qu'ainsi, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant en quatrième lieu, que pour les mêmes raisons que celles précédemment décrites, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur son état de santé ou sur sa situation familiale ;
11. Considérant en cinquième lieu que, comme il a été dit ci-dessus, en rejetant la demande de titre de séjour formée par Mme C...au titre de son état de santé, le préfet de police n'a commis aucune illégalité ; que par suite, l'exception d'illégalité du rejet de cette demande, alléguée pour contester la légalité de la décision d'éloignement prise à son encontre, doit être écartée ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire, doit, par ailleurs, être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 26 juin 2013, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" à MmeC... et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, d'autre part, le rejet de la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif ; que, par voie de conséquence, les conclusions de Mme C...qui tendent à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1318051/5-3 du 9 avril 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller,
Lu en audience publique le 16 juillet 2015.
Le rapporteur,Le président,J-C. PRIVESSEE. COËNT-BOCHARDLe greffier,A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02037