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10/07/2015 | FRANCE | N°14PA05305

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 juillet 2015, 14PA05305


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1417595 du 26 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 13 août 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B...A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant son pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que

:

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1417595 du 26 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 13 août 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B...A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant son pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler son arrêté du

13 août 2014 ; en effet, eu égard aux conditions de séjour en France de MmeA..., qui ne justifie pas de l'ancienneté, de la stabilité et de l'intensité de ses liens privés et familiaux sur le territoire, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

- par renvoi à ses écritures de première instance, les autres moyens invoqués par l'intéressée devant le Tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2015, présenté pour Mme A..., par Me Lerein, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard si la décision est annulée pour un motif de fond, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard si la décision est annulée pour un motif de forme et à ce qu'une somme de 1 600 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A...fait valoir que :

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2015 :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- et les observations de Me Lerein, avocat de MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., ressortissante ukrainienne née le 26 juin 1965, est entrée en France le 26 décembre 1999 munie d'un visa de court séjour Schengen ; qu'elle a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 13 août 2014, le préfet de police a opposé un refus à la demande de

MmeA..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du

26 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France avec ses deux enfants mineurs au plus tard en 2001, année à partir de laquelle ils ont été scolarisés de manière continue en France ; que si le préfet de police relève la nature identique de la majorité des justificatifs de résidence produits, à savoir des factures d'électricité, cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause leur caractère probant ; que ces factures font apparaître une consommation régulière d'électricité dans les logements loués par Mme A...depuis l'année 2001 ; que si le préfet soutient que le logement de l'intéressée aurait pu être occupé par un membre de sa famille les dernières années, il ressort de l'attestation de chargement de forfaits Navigo établie le 17 septembre 2014 que Mme A...a acquitté tous les mois, à l'exception du mois

d'août 2013, son forfait mensuel de carte de transports Navigo entre le 1er septembre 2010 et le

1er septembre 2014 ; qu'ainsi, Mme A...produit des documents probants et concordants justifiant de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis 2001 ; que, par ailleurs, la fille de

Mme A...est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024 et exerce une activité indépendante de musicienne concertiste après avoir obtenu, en 2008, des récompenses du Conservatoire de Versailles où elle a suivi une formation de violoncelliste ; qu'il n'est pas contesté que le fils de MmeA..., qui a obtenu en 2006 un baccalauréat général avec la mention " assez bien " et a bénéficié de titres de séjour " étudiant " jusqu'en 2011 en raison des études supérieures qu'il a entreprises, n'a pu obtenir le renouvellement de son titre de séjour à la suite de la perte de son passeport ; que Mme A...a divorcé d'avec le père de ses enfants, ressortissant ukrainien, en 2007 ; que celui-ci est décédé en 2010 ; que sa mère et son père sont décédés respectivement en 1972 et en 1985 ; que sa soeur, qui a acquis la nationalité française, réside en France ; qu'enfin, Mme A...justifiait d'une promesse d'embauche au sein de l'association Emmaüs Défi à la date de l'arrêté litigieux ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme A...est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 13 août 2014 refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant son pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a condamné l'Etat à verser à cette dernière une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.

Le rapporteur,

F. CHEYLAN

Le président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA05305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05305
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-10;14pa05305 ?
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