Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1410799/3-2 du 5 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 mai 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Le préfet de police soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler son arrêté du 28 mai 2014 ; si M. A...établit résider habituellement en France depuis 2008, il ne démontre pas y être revenu de manière régulière en 2003, de sorte que le séjour de l'intéressé sur le territoire français a été constamment irrégulier ;
- M.A..., qui s'est marié religieusement le 30 juin 2009 avec une ressortissante marocaine, ne pouvait ignorer la précarité de sa situation compte tenu de l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet ;
- la durée de son mariage, inférieure à quatre ans à la date de l'arrêté en litige, présente un caractère récent ;
- M. A...n'a pas d'enfant et n'établit une communauté de vie effective avec sa compagne que depuis 2011 ;
- la circonstance que son épouse soit détentrice d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 17 août 2015, ne fait pas obstacle à ce qu'il poursuive sa vie privée et familiale avec cette dernière au Maroc où réside encore sa mère ;
- l'intéressé ne verse aucun document susceptible d'établir ses allégations selon lesquelles il exercerait le métier de réparateur de téléphones ;
- s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2015, présenté pour M.A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A...fait valoir que :
- l'arrêté du 28 mai 2014 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside sur le territoire français depuis plus de quinze ans et justifie d'une communauté de vie de près de cinq ans avec son épouse, titulaire d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
- le préfet de police commet une erreur de droit dans l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en lui opposant la circonstance que son couple ne justifie pas de ressources stables et suffisantes ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle dès lors qu'il s'est abstenu d'examiner sa demande de titre de séjour au regard des critères fixés par le point 2.1.2 de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2015 :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né le 17 septembre 1966, est entré en France en novembre 1999 muni d'un visa Schengen de court séjour pour assister à un stage de formation de personnels techniques d'une durée de deux semaines à l'institut universitaire de technologie de Vannes ; qu'il a sollicité le 18 juin 2013 un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 28 mai 2014, le préfet de police a opposé un refus à la demande de M.A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du 5 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que M. A...fait valoir qu'il est entré en France en 1999 et s'y est marié le 30 juin 2009 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que si l'intéressé établit être entré en France en novembre 1999, les documents qu'il fournit ne permettent pas de démontrer la continuité de son séjour sur le territoire français depuis cette date ; que les pièces produites, à savoir une promesse d'embauche et une copie des statuts de la société Univers Mobile, ne suffisent pas à établir que M. A...exerçait une activité en tant que technicien en téléphonie et multimédia à la date de l'arrêté contesté ; qu'à cet égard, la formation dont il fait état, d'une durée de deux semaines à Vannes en 1999, avait uniquement pour thème " gestion et maintenance d'un laboratoire de langues " ; que s'il soutient que son épouse poursuivait une formation d'auxiliaire de vie à la date de l'arrêté en litige, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette formation ait débouché sur un emploi ; qu'ainsi, M. A...ne justifie pas de l'insertion professionnelle dont il se prévaut ; que les pièces produites ne permettent d'établir l'existence d'une vie commune avec son épouse qu'à partir de janvier 2011 ; que M. A...fait en outre valoir que son couple est engagé, depuis 2012, dans un processus de procréation médicalement assistée ; que, toutefois, il ne ressort pas du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué que ce processus ne pourrait pas être poursuivi au Maroc ; que M. A...ne fait état d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale dans son pays d'origine avec son épouse, de même nationalité et qui n'est titulaire que d'une carte de séjour temporaire ; que par ailleurs, M. A...n'est pas dépourvu d'attache familiale au Maroc où réside sa mère ; qu'ainsi, eu égard aux conditions de séjour de
M. A...en France et au caractère relativement récent de la vie commune avec son épouse, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées pour annuler son arrêté du
28 mai 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à M.A... ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.A..., tant en première instance qu'en appel ;
Sur les autres moyens invoqués par M.A... :
5. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M.A..., aucun élément du dossier ne permet d'estimer que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
7. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait méconnu les dispositions précitées ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. A...ne peut utilement se prévaloir des dispositions des circulaires des 22 juillet 2011 et 28 novembre 2012, qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 mai 2014 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par
M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1410799/3-2 du 5 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
F. DUBUY La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA04899