Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2015, présentée pour Mme C...A..., épouseB..., demeurant..., par
Me D... ; Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1307278/3 du 8 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 25 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat ;
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour
- le préfet du Val-de-Marne a insuffisamment motivé cette décision, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'il n'a pas mentionné sa situation familiale et son intégration à la société française, ni visé la circulaire du
28 novembre 2012 ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure, le préfet s'étant abstenu de saisir la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est parfaitement intégrée au sein de la société française, qu'elle est mariée et a construit sa vie familiale en France et que la circonstance qu'elle aurait encore des attaches familiales dans son pays n'atténue pas l'intensité de ses attaches familiales en France, où résident notamment son époux et ses enfants ;
- le préfet a commis une erreur de droit en considérant qu'elle était dans l'obligation de recourir à la procédure de regroupement familial ;
- compte tenu des éléments exposés ci-dessus, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet a omis d'examiner sa demande au regard de la circulaire du
28 novembre 2012 ;
- compte tenu des éléments exposés ci-dessus, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi entaché cette décision d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il serait impossible de reconstituer la cellule familiale hors de France ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision fixant le délai de départ volontaire, ce dernier n'étant pas adapté à la situation particulière de l'intéressée, et a insuffisamment motivé sa décision sur ce point ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de sa destination :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la décision n° 2014/46935 du 27 novembre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, admettant Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;
Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2015 :
- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,
- et les observations de MeD..., pour MmeB... ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante algérienne, née le 18 janvier 1984 à Akbou Bejaia (Algérie) est entrée en France le 3 septembre 2009, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable trois mois, expirant le 22 février 2010, pour rejoindre son époux, de même nationalité, avec qui elle s'était mariée en Algérie en 2005 ; que de leur union sont nés deux enfants, les 11 juin 2010 et 26 mai 2012 ; que Mme B...a sollicité la régularisation de sa situation administrative, dans le cadre des stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par un arrêté du
25 juillet 2013, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à cette demande, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé le pays de sa destination ; que Mme B... relève régulièrement appel du jugement n° 1307278/3 du 8 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il ne ressort pas de cette motivation que le préfet n'aurait pas tenu compte de la possibilité d'une régularisation exceptionnelle ; qu'ainsi, même s'il n'a pas visé la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, ni fait référence aux critères mentionnés par celle-ci, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d' autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
4. Considérant que, si Mme B...se prévaut de la durée de sa présence en France, de la présence de son époux, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention "étudiant", régulièrement renouvelé de 2002 à 2010 puis, à partir de 2011, d'un certificat de résidence en qualité de "commerçant", et de la présence de leurs enfants nés en 2010 et en 2012, ainsi que de leur intégration à la société française, elle ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que leur vie familiale se poursuive dans leur pays d'origine ; que l'arrêté attaqué ne peut, dans ces conditions, être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que ledit arrêté ne peut être regardé comme pris en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus, ni comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en application des stipulations citées ci-dessus, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser un titre de séjour à un ressortissant étranger d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par le refus, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ; que le moyen tiré d'une erreur de droit doit donc être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge ; qu'ainsi, Mme B...ne saurait se prévaloir de la méconnaissance de certaines mentions de cette circulaire ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, s'agissant des ressortissants algériens, aux articles de portée équivalente de l'accord franco-algérien, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations ; qu'en l'espèce, Mme B...n'établit pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France ; que, par suite, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ; qu'ainsi, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception tirée de l'illégalité de cette décision invoquée par
Mme B...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement est illégale dès lors que les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord susvisé étaient remplies doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, de même que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que la vie familiale de Mme B...se poursuive avec son époux et avec leurs enfants dans leur pays ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la décision contestée n'a donc pas pour effet de séparer les deux enfants de leurs parents ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de ces stipulations doit, par conséquent, être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par lequel ont été transposées les dispositions de l'article 7 de la directive susvisée : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;
12. Considérant que, l'absence de prolongation du délai de droit commun prévu par les dispositions précitées, qui correspond d'ailleurs au délai de droit commun le plus long envisagé par la directive susvisée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle, susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile, une telle prolongation ; que, dans la présente espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...aurait demandé au préfet du Val-de-Marne à bénéficier d'une prolongation du délai accordé pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français ; que, par ailleurs, elle ne justifie pas d'éléments suffisants de nature à faire regarder le délai d'un mois prévu par la décision litigieuse comme n'étant pas approprié à sa situation personnelle ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de la motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté de même que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de sa destination :
13. Considérant que, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour et contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, les exceptions d'illégalité invoquées par Mme B...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de sa destination ne peuvent qu'être écartées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que, par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant que, l'Etat n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, les conclusions de la requérante présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Appèche, président,
Mme Tandonnet-Turot, président,
M. Niollet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 juin 2015.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET Le président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 15PA00029