La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2015 | FRANCE | N°13PA03092

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 19 mai 2015, 13PA03092


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour la société Poe-Ma Insurances, dont le siège est 3 rue Sébastopol à Nouméa (98800), par Me A... ; la société Poe Ma Insurances demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1200366 du 4 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation du marché public d'assurances conclu par la Nouvelle-Calédonie avec le groupement formé par les sociétés Gras Savoye et QBE, portant sur la responsabilité du maître d'ouvrage du fait de

s travaux de construction du bâtiment principal du médipôle de Koutio - Nouvelle...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour la société Poe-Ma Insurances, dont le siège est 3 rue Sébastopol à Nouméa (98800), par Me A... ; la société Poe Ma Insurances demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1200366 du 4 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation du marché public d'assurances conclu par la Nouvelle-Calédonie avec le groupement formé par les sociétés Gras Savoye et QBE, portant sur la responsabilité du maître d'ouvrage du fait des travaux de construction du bâtiment principal du médipôle de Koutio - Nouvelle-Calédonie, et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 2 374 701 F CFP en réparation du préjudice résultant de son éviction ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la conclusion du marché lui faisant grief, elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- son appel n'est pas tardif ;

- le marché attaqué n'est pas valide ; en effet, le système de la double enveloppe ne constitue qu'une formalité symbolique des procédures de passation des marchés publics en appel d'offres ouvert ; cette formalité a été supprimée en 2008 dans le code des marchés publics applicable en métropole ; la notion de conformité s'applique essentiellement aux offres des candidats ; la personne publique était tenue de l'inviter à régulariser son dossier qui était complet ; l'absence de demande en ce sens constitue une irrégularité procédurale constitutive d'une violation du principe d'égalité de traitement des candidats ;

- elle disposait des capacités pour concourir à l'appel d'offres et son offre était économiquement la plus avantageuse ; elle a ainsi été privée d'une chance sérieuse d'exécuter le marché ; son manque à gagner correspond au montant de sa commission, à savoir 20 % de la prime hors taxe, soit 2 374 701 F CFP ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 décembre 2013 et 10 février 2014, présentés pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président en exercice, par la Selarl Descombes et Salans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société Poe-Ma Insurances sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Il fait valoir que :

- la société requérante n'a pas été induite en erreur par le règlement de la consultation ; elle n'a pas respecté la règle dite de la " double enveloppe " qui est prévue par la règlementation spécifique applicable aux marchés conclus par la Nouvelle-Calédonie, laquelle érige en principe l'examen distinct et successif des candidatures et des offres ; le pouvoir adjudicateur ne pouvait légalement inviter la société à régulariser sa soumission ; dès lors, celle-ci n'est donc pas fondée à contester le bien-fondé du rejet de son offre ;

- l'annulation du marché porterait, en tout état de cause, une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- la société ne justifie d'aucune chance sérieuse de se voir attribuer le marché, en raison de la non-conformité de son offre ; elle n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité du pouvoir adjudicateur ; en tout état de cause, sa demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée en l'absence de liaison préalable du contentieux, s'agissant d'un marché public de services ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 février 2014, présenté pour la société Poe-Ma Insurances, qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, qu'aucun motif d'intérêt général ne fait obstacle au prononcé de l'annulation du marché contesté et qu'elle n'était pas tenue de faire précéder son recours d'une demande indemnitaire préalable de nature à lier le contentieux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Especel, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

1. Considérant que la Nouvelle-Calédonie a conclu le 10 mai 2007 avec le groupement composé des sociétés Secal et Icade Promotion une convention de délégation de missions de maîtrise d'ouvrage en vue de la construction, sur le territoire de la commune de Dumbéa, du bâtiment principal du médipôle de Koutio, destiné à accueillir le centre hospitalier territorial, l'institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, le plateau technique de cancérologie et l'association de traitement de l'insuffisance rénale ; qu'une procédure d'appel d'offres ouvert a été lancée en février 2012 par le pouvoir adjudicateur afin d'attribuer le lot n°1 " tous risques chantier " et le lot n°2 " responsabilité de la maîtrise d'ouvrage du fait des travaux " d'un marché public d'assurances couvrant les risques liés à la construction ; que la date limite de réception des plis a été fixée au 16 mai 2012 à 16 heures ; qu'après ouverture des cinq plis reçus par la commission technique de dépouillement des offres, la commission d'appel d'offres a rejeté l'offre déposée pour l'attribution du lot n°2 par la société Poe-Ma Insurances, mandataire de la société Ace European Group Limited, au motif qu'elle ne respectait pas la présentation des offres sous double enveloppe ; que, par lettre du 26 octobre 2012, le représentant du maître d'ouvrage délégué a informé la société Poe-Ma Insurances du rejet de son offre ; que le marché public d'assurances portant sur le lot n°2 a été signé avec un groupement d'entreprises constitué des sociétés Gras Savoye et QBE, pour un prix de 21 200 000 F CFP ; que la société Poe Ma Insurances relève appel du jugement 4 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de ce marché public et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 2 374 701 F CFP en réparation du préjudice résultant de son éviction ;

2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; qu'ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 26 de la délibération du 1er mars 1967, relatif aux marchés sur appel d'offres : " Lorsque la soumission est transmise sur support papier : Les offres doivent être présentées de la manière suivante : une enveloppe extérieure fermée adressée à l'autorité de qui émane l'appel d'offres, portant en suscription la référence à l'appel d'offres auquel il est répondu et la mention : "A n'ouvrir qu'en séance de dépouillement", à l'exclusion de toute désignation de l'expéditeur et contenant d'une part, les pièces prévues par les cahiers des charges, d'autre part, une seconde enveloppe fermée renfermant la soumission proprement dite (...) " ; qu'aux termes de l'article 27-1 de la même délibération : " (...) Seuls peuvent être ouverts les plis reçus dans les conditions fixées à l'article 26 de la présente délibération et au règlement particulier de l'appel d'offres ;/ Après ouverture des enveloppes extérieures, la commission technique de dépouillement porte sur son procès-verbal la liste des concurrents qui manifestement présentent une offre incomplète ou dont les capacités paraissent insuffisantes./ Les enveloppes intérieures de ces candidats ne sont pas ouvertes. Elles sont annexées au procès-verbal transmis à la commission d'appel d'offres. Les enveloppes intérieures des candidats admis à concourir sont ouvertes. La commission enregistre toutes les indications essentielles y compris les pièces jointes. Le procès-verbal, ainsi que l'analyse technique comparative des soumissions effectuée par la personne responsable du marché sont soumis à la commission d'appel d'offres dans les meilleurs délais. " ; que l'article 27-2 dispose que : " La commission d'appel d'offres arrête la liste des soumissionnaires admis à concourir, élimine les offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables, procède au classement des offres par ordre décroissant et propose d'attribuer le marché au candidat dont l'offre correspond le mieux aux besoins exprimés. " ; que selon l'article 6 du règlement de la consultation portant sur le marché litigieux : " Les offres doivent comporter les actes d'engagement dûment complétés, signés et paraphés à chacune de leur page y compris les annexes, le cahier des clauses administratives particulières, les projets de police et les options. Elles seront placées sous double enveloppe cachetée. L'enveloppe extérieure devra contenir le dossier de candidature et les documents et attestations indiqués en 6.2.1 ainsi qu'une enveloppe intérieure contenant le dossier d'offre (...) " ;

4. Considérant que, dans la procédure d'appel d'offres ouvert, la séparation de l'examen des candidatures de celui des offres garantit l'objectivité de l'attribution du marché public ; que lorsqu'un candidat ne fait pas figurer tout ou partie de son offre dans une enveloppe distincte de celle contenant les documents relatifs à sa candidature, il méconnaît formellement la règle fixée par les dispositions combinées des articles 26 et 27-1 de la délibération du 1er mars 1967 qui a pour objet d'éviter que l'organe chargé de l'examen des candidatures puisse être influencé par le contenu des offres ; que si ce vice formel ne peut être décelé qu'après l'ouverture de l'enveloppe remise par le candidat et ne fait pas obstacle, par lui-même, à l'examen séparé de la candidature et de l'offre au regard des critères qui se rapportent respectivement à chacune de ces deux phases, il résulte des dispositions combinées des articles 26, 27-1 et 27-2 de la délibération précitée, interprétées conformément à l'objectif qu'elles poursuivent, que cette irrégularité est de nature à justifier le rejet de l'offre du candidat par la commission d'appel d'offres et ne peut donner lieu à régularisation ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'offre présentée par la société Poe-Ma Insurances en qualité de mandataire de la société Ace European Group Limited ne respectait pas la règle dite de la " double enveloppe " rappelée à l'article 6 du règlement de la consultation ; que si aucune des pièces du dossier ne permet de penser que cette société aurait, ce faisant, tenté d'influencer la commission d'appel d'offres dans l'appréciation qu'il appartenait à celle-ci de porter sur la candidature présentée, l'irrégularité de sa soumission justifiait le rejet de l'offre en application des dispositions précitées de la délibération du 1er mars 1967 régissant les marchés passés par la Nouvelle-Calédonie ; que, contrairement à ce que soutient la société Poe-Ma Insurances, qui se prévaut du caractère complet de son dossier, le vice affectant l'offre présentée ne pouvait donner lieu à régularisation ; qu'il suit de là que la société Poe-Ma Insurances, qui ne peut utilement se prévaloir de l'abandon de la règle de la " double enveloppe " dans le code des marchés publics, par l'effet du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, dès lors que ce code n'est pas applicable aux marchés passés par la Nouvelle-Calédonie, n'est pas fondée à soutenir que la procédure de passation du marché est irrégulière ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce contrat et jugé que la société ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation à raison du rejet de l'offre qu'elle a présentée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Poe-Ma Insurances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Poe-Ma Insurances et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Poe-Ma Insurances le versement à la Nouvelle-Calédonie de la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Poe-Ma Insurances est rejetée.

Article 2 : La société Poe-Ma Insurances versera la somme de 2 000 euros à la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Poe-Ma Insurances, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la société Gras-Savoye/QBE.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mai 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13PA03092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03092
Date de la décision : 19/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SELARL DESCOMBES et SALANS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-19;13pa03092 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award