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30/04/2015 | FRANCE | N°14PA02151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 avril 2015, 14PA02151


Vu la requête enregistrée le 15 mai 2014, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1317666 du 9 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté en date du 21 novembre 2013 refusant à Mme E...B...le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de renvoi, lui a d'autre part, enjoint de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter

la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

L...

Vu la requête enregistrée le 15 mai 2014, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1317666 du 9 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté en date du 21 novembre 2013 refusant à Mme E...B...le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de renvoi, lui a d'autre part, enjoint de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le tribunal est erroné dans la mesure où Mme B...n'avait invoqué aucun autre fondement légal que les études à sa demande de titre de séjour et n'avait pas fait état de sa vie privée et familiale ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un refus de titre sollicité en qualité d'étudiant ;

- l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour étudiant, compte tenu de l'incohérence de son parcours, du fait qu'elle n'a obtenu aucun diplôme depuis 2004 et de ce qu'elle n'a pas été en mesure de produire des relevés de notes et des certificats d'assiduité ;

- elle n'établit pas résider depuis neuf années en France ;

- elle ne démontre pas avoir été scolarisée dès l'année scolaire 2004-2005 ;

- la durée de ses études ne lui ouvre pas de droit particulier au séjour ;

- s'étant présentée pour la première fois à ses service qu'en septembre 2008, à l'âge de 19 ans révolus, et son premier titre de séjour ayant été délivré à cette même date , elle totalise à peine cinq années de séjour régulier ;

- contrairement au tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa présence soit indispensable auprès de sa mère malade ;

- il n'a donc pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme B...;

- il se réfère à ses écritures de première instance, s'agissant des autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2015, présenté pour MmeB... ; elle conclut au rejet de la requête du préfet de police et à la condamnation de l'Etat à verser à son avocat, Me A..., la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A...renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est signée par une autorité incompétente ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des dispositions des articles L. 313-7 et L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 21 novembre 2014 accordant l'aide juridictionnelle totale à MmeB... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2015 :

- le rapport de M. Dalle, président ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante camerounaise entrée en France, selon ses dires, en 2004, a bénéficié, à compter du 28 juillet 2008 et jusqu'en 2013, de titres de séjour en qualité d'étudiant ; que, toutefois, par un arrêté du 21 novembre 2013, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre et assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire ; que le préfet de police relève appel du jugement du 9 avril 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. Considérant que, contrairement à ce que mentionne le jugement attaqué, il ne ressort ni de l'examen de la fiche de salle, ni des motifs de l'arrêté attaqué, que Mme B...aurait entendu présenter une demande de titre de séjour en raison de ses liens privés et familiaux en France, indépendamment de la demande de renouvellement de son titre de séjour étudiant ; que le tribunal ne pouvait, par suite, annuler l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2013, en tant qu'il porte refus de séjour, au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'un tel moyen est inopérant à l'encontre du refus de séjour opposé à une demande présentée en qualité d'étudiant ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...à l'encontre du refus de séjour, tant devant le tribunal administratif que devant elle ;

4. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 28 août 2013, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 3 septembre 2013, le préfet de police a donné à M. D...C..., attaché d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer affecté au 6ème bureau de la sous-direction de la police générale de la préfecture de police, délégation pour signer les arrêtés se rapportant à la police des étrangers dans les limites de ses attributions, parmi lesquelles celles se rapportant à la délivrance des titres de séjour ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant " (...) " ; que l'article L. 313-4 du même code dispose : " Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1, l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire au titre des articles L. 313-7 ou L. 313-8 depuis au moins un an ou d'un visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois octroyant à son titulaire les droits attachés aux cartes de séjour temporaire susmentionnées peut, à l'échéance de la validité de ce titre, en solliciter le renouvellement pour une durée supérieure à un an et ne pouvant excéder quatre ans (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, depuis qu'elle dispose d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, le 28 juillet 2008, Mme B...n'a obtenu aucun diplôme ; qu'après avoir suivi, de 2009 à 2013, des études de " designer textile " dans deux établissements différents, elle s'est inscrite en 2013 à un certificat d'aptitude professionnel en pâtisserie, en produisant un contrat d'apprentissage non visé par les services de la main d'oeuvre et sans fournir de justification probante quant à ce changement d'orientation ; que les explications qu'elle donne quant au décès de son compagnon qui aurait financé ses études de " designer textile " ne sont assorties d'aucune justification ; qu'il est constant qu'hormis un relevé de notes du 5 février 2010 établi par l'Ecole supérieure d'arts de Rueil-Malmaison et deux fiches d'évaluation établies pour les années 2010-2011 et 2011-2012, dont le préfet de police soutient sans être contredit qu'elles sont falsifiées, elle n'a pas produit de documents, tels que relevés de notes et certificats d'assiduité, justifiant du sérieux de ses études ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 313-7 et L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme B...soutient qu'elle est entrée en France en 2004 à l'âge de seize ans, qu'elle vit depuis dans ce pays où réside sa mère, titulaire d'un titre de séjour et où se trouve le centre de ses intérêts vitaux ; que, cependant, elle ne justifie résider en France que depuis 2005 ; que la durée de son séjour en France au titre des études ne lui ouvre aucun droit au séjour ; qu'en se bornant à produire un certificat médical précisant que le degré de dépendance de sa mère nécessite sa présence auprès de celle-ci par intermittence, elle ne justifie pas de la réalité et de l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec sa mère, dont il est constant qu'elle vit dans la Drôme et non à Paris, où réside MmeB... ; qu'elle est célibataire, sans charge de famille en France, âgée de 25 ans à la date de la décision attaquée et ne justifie pas être dépourvue de tout lien familial dans son pays d'origine ; que sa mère n'est présente en France que depuis 2008, en qualité d'étranger malade ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des conditions de son séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 9 avril 2014 et le rejet de la demande de MmeB... ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1317666 du 9 avril 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E...B.... Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Monchambert, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 avril 2015.

Le rapporteur,

D. DALLELe président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 14PA02151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02151
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CHAKRI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-30;14pa02151 ?
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