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16/04/2015 | FRANCE | N°13PA01769

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 16 avril 2015, 13PA01769


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant au..., par Me B...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1118839 du 11 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise sur le fondement des dispositions des articles R. 621-1 et suivan

ts du code de justice administrative aux fins de déterminer si le logiciel AVUER " présent...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant au..., par Me B...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1118839 du 11 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise sur le fondement des dispositions des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative aux fins de déterminer si le logiciel AVUER " présentait des fonctions originales et en tous cas différentes de celles des autres logiciels de gestion existant en 2003 " ;

4°) de condamner en tant que de besoin l'Etat à restituer la somme de 14 678 euros correspondant aux montants desdits suppléments d'impôt sur le revenu ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le logiciel litigieux remplissait en 2003 la condition d'originalité ouvrant droit au régime fiscal prévu à l'article 93 quater I du code général des impôts ;

- l'originalité prise en compte pour l'application de ces dispositions est celle prise en compte pour l'application des dispositions du paragraphe 13 de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle relatives au droit d'auteur des créateurs de logiciels ;

- au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, doit être considéré comme original, le logiciel qui, même s'il présente des fonctionnalités similaires à d'autres logiciels existants ou préexistants, est écrit dans un langage différent de nature à le rendre compatible avec d'autres matériels et systèmes ;

- le seul constat fait par l'administration que le requérant, quand bien même il aurait emprunté à des logiciels existant, les a néanmoins traduits dans un autre langage et adapté à d'autres matériels ou à des utilisations spécifiques, suffit à caractériser son apport intellectuel et par suite, l'originalité du logiciel en cause ;

- la comparaison avec les fonctionnalités d'autres logiciels n'est pas pertinente pour apprécier l'originalité d'un logiciel ;

- M. A...a effectué un véritable travail de conception du logiciel qui l'a conduit à définir le spectre fonctionnel, les structures de données, l'interface utilisateur, la navigation entre écrans et l'algorithme des tâches ;

- la protection du droit d'auteur s'étend aux oeuvres dérivées, soit les oeuvres qui bien qu'ayant emprunté à une oeuvre préexistante comportent des apports suffisamment importants pour être considérées comme originales ;

- le logiciel AVUER est un logiciel original et non la copie d'un programme prééxistant dès lors qu'il comporte de nombreuses fonctionnalités qui n'existaient pas à l'époque des faits dans les autres logiciels de gestion ;

- l'administration s'appuie sur des comparaisons avec des logiciels concurrents existants en 2006 alors que le logiciel AVUER a été édité en 2003 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le logiciel AVUER ne présentait pas un caractère original au sens des dispositions de l'article 93 quater, I, du code général des impôts ;

- à cet égard, si la conception du logiciel AVUER résulte bien d'un travail intellectuel de M.A..., sa mise en oeuvre n'a pas dépassé le cadre d'une logique automatique et contraignante dès lors que le développement de cette application répond à des normes fonctionnelles et techniques définies antérieurement et répondant aux besoins des entreprises ;

- les fonctionnalités du logiciel AVUER ne sont pas originales dès lors qu'elles lui préexistaient ;

- l'existence d'une interface internet n'est pas en soi originale dès lors qu'elle n'est qu'une spécificité logicielle adaptant à d'autres matériels ou à des utilisations spécifiques des fonctionnalités préexistantes ;

- il ressort du rapport d'expertise que le requérant n'a pas pu disposer d'une liberté suffisante par rapport aux contraintes techniques extérieures dans l'écriture de son logiciel pour caractériser celui-ci comme une oeuvre originale ;

- le vérificateur était fondé à apprécier l'originalité de ce logiciel au regard des logiciels existant à la date des opérations de contrôle dès lors qu'aucune démonstration du logiciel tel qu'il existait en 2003 n'a été fournie à l'administration ;

- eu égard aux éléments réunis par le service et approuvés par le rapport d'expertise réalisé par le service spécialisé de l'administration, l'expertise sollicitée par le requérant est dépourvue d'utilité ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 avril 2014, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- l'administration persiste à comparer le logiciel en cause avec des produits concurrents existant en 2006, soit trois ans après son édition ;

- l'administration ne lui a jamais demandé de fournir la version 2003 du logiciel AVUER et lui a seulement demandé au stade du contrôle de présenter les fonctionnalités de son programme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :

- le rapport de Mme Notarianni, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour M.A... ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...A...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité de concepteur indépendant de logiciels pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur le revenu ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment remis en cause dans le cadre de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales l'imposition des produits de la cession du logiciel de gestion AVUER par M. A...le 17 juin 2003 au taux de 16 % selon le régime des plus-values à long terme prévu par les dispositions du I de l'article 93 quater du code général des impôts et les a imposés selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que M.A... relève appel du jugement du 11 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été en conséquence assujetti au titre des années 2003 et 2004 ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 93 quater I du code général des impôts : " Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies. Ce régime est également applicable aux [...] produits des cessions de droits portant sur des logiciels originaux par leur auteur, personne physique [...] " ; que les logiciels originaux visés par lesdites dispositions sont ceux qui entrent dans le champ de la protection des oeuvres de l'esprit en application de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle et du 13° de l'article L. 112-2 du même code et portent la marque de l'apport intellectuel de leur auteur ; que pour déterminer si l'imposition de la cession du logiciel de gestion AVUER développé par M. A...intervenue en 2003 relève du régime des plus-values défini par les dispositions précitées de l'article 93 quater I du code général des impôts, il appartient au juge de l'impôt au vu de l'instruction d'apprécier si le logiciel en cause revêtait antérieurement à sa cession, le caractère d'un logiciel original au regard des éléments protégés par le régime des droits d'auteur tels que les lignes de programmation, le code source, le code objet et l'architecture du programme ;

3. Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de l'instruction que pour apprécier le caractère original du logiciel AVUER, l'administration a lors des opérations de contrôle sollicité de la brigade de vérifications des comptabilités informatiques (BVCI) une analyse du produit ; qu'il ressort de cette analyse que celle-ci a été conduite au regard de l'état du marché des logiciels de gestion existant à la date du contrôle en 2006, sans faire état d'aucun logiciel identifié similaire à celui développé par M. A...antérieurement à sa mise au point ; que si cette analyse, dans une partie intitulée aspects techniques, évoque les codes utilisés et cite une architecture de référence, elle ne comporte pas d'analyse sur les lignes de programmation et contient par ailleurs de longs développements sur les fonctionnalités comparées des logiciels de gestion existant en 2006 qui ne sont pas au nombre des éléments protégés par le régime des droits d'auteur ; que si l'administration soutient qu'elle n'aurait pas disposé lors des opérations de contrôle de la version cédée en 2003 dudit logiciel, il résulte de l'instruction et notamment des termes mêmes de la proposition de rectification que le vérificateur a seulement demandé au contribuable de lui produire la notice explicative relative au logiciel, laquelle lui a été fournie et que, d'autre part, le caractère d'originalité s'apprécie comme il a été dit au point 2 au regard de l'état antérieur à la cession ; que dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'apprécier le caractère original du logiciel AVUER développé par M. A...; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. A..., d'ordonner, comme le demande celui-ci, une expertise sur ce point ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. A..., procédé à une expertise par un expert en informatique (spécialité logiciel) désigné par le président de la Cour, avec mission pour ledit expert :

1°) de prendre connaissance de la version du logiciel AVUER telle qu'elle se présentait à la date de sa création, et le cas échéant des versions successives antérieures au 17 juin 2003 ;

2°) de convoquer et entendre les parties et tous sachants ;

3°) de réunir tous les éléments permettant d'apprécier l'originalité du logiciel AVUER et de donner son avis, au regard de l'analyse de ce logiciel ainsi que d'éléments de comparaison préexistants, sur le point de savoir si les composantes du logiciel AVUER, et particulièrement le code source, les lignes de programmations et l'architecture de ce logiciel, ont été créés par M.A... ;

4°) de déposer un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir contradictoirement leurs observations préalablement au dépôt du rapport définitif.

Article 2 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre, d'une part, M. C... A...et, d'autre part, le ministre des finances et des comptes publics.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour et en notifiera copie aux parties dans un délai de six mois à compter de sa désignation par le président de la Cour.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 2 avril 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 avril 2015.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA01769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01769
Date de la décision : 16/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : GASTAUD-LELLOUCHE-HANOUNE-MONNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-16;13pa01769 ?
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