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01/04/2015 | FRANCE | N°14PA03473

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 avril 2015, 14PA03473


Vu le recours, enregistré le 4 août 2014, et le mémoire complémentaire, enregistré le

14 août 2014, présentés par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1313386/5-1 du 15 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 juillet 2013 par laquelle il a refusé de procéder au renouvellement du contrat de travail de M. D...E..., et lui a enjoint de procéder au renouvellement du contrat de travail de M. E...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
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Vu le recours, enregistré le 4 août 2014, et le mémoire complémentaire, enregistré le

14 août 2014, présentés par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1313386/5-1 du 15 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 juillet 2013 par laquelle il a refusé de procéder au renouvellement du contrat de travail de M. D...E..., et lui a enjoint de procéder au renouvellement du contrat de travail de M. E...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. E...présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit en considérant que l'administration avait méconnu l'autorité de la chose jugée en prenant, à la suite d'un premier jugement d'annulation le 18 avril 2013, une nouvelle décision de non-renouvellement de contrat, datée du 22 juillet 2013, fondée sur les mêmes motifs que celle du 19 octobre 2011 annulée par le jugement du 18 avril 2013, alors que rien ne faisait obstacle à ce que l'administration prenne une telle décision, fondée sur les mêmes motifs que sa précédente décision, à la suite d'un changement des circonstances de droit et de fait tenant à la réorganisation du service médical ;

- il ne relevait pas de leur office de lui enjoindre de renouveler le contrat de M.E... ;

- contrairement à ce qu'ils ont estimé, la décision du 22 juillet 2013 n'était pas fondée sur les mêmes motifs que la décision du 19 octobre 2011, mais sur un nouveau motif tiré, non plus d'un projet, mais d'une restructuration effective et définitive du service médical statutaire et de contrôle de la police nationale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2015, présenté pour M. D...E..., demeurant..., par MeF... ; il demande à la Cour de rejeter le recours du ministre et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, faute d'avoir été présentée dans le délai prévu à l'article R. 811-2 du code de justice administrative et faute d'avoir été signée par une personne compétente ;

- le ministre n'a fait état d'aucun moyen sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement ;

- il a méconnu l'autorité de la chose jugée en prenant, à la suite du premier jugement d'annulation du 18 avril 2013, une nouvelle décision de non-renouvellement de contrat, datée du 22 juillet 2013, fondée sur les mêmes motifs que celle du 19 octobre 2011 annulée par le jugement du 18 avril 2013 ;

- sa décision n'est pas motivée par l'intérêt du service et est entachée d'erreur de droit ;

- l'annulation de la décision attaquée impliquait nécessairement, eu égard au comportement du ministre méconnaissant directement la chose jugée par le jugement du

18 avril 2013 qui avait lui-même prononcé une injonction à son encontre, que le ministre décide de renouveler le contrat de M.E... ;

- en se bornant à soutenir que le second refus de renouvellement repose non plus sur un projet mais sur une restructuration effective et définitive du service médical statutaire et de contrôle de la police nationale, le ministre de l'intérieur ne démontre pas que le tribunal administratif se serait mépris dans l'appréciation des faits ;

- lors de sa nouvelle décision, le ministre aurait dû se situer, non à la date de cette décision, soit le 22 juillet 2013, mais à la date d'expiration du contrat de M. E...et de la demande de renouvellement de celui-ci, soit au troisième trimestre de l'année 2011 ; à cette dernière date, aucune réorganisation du service n'était de nature à justifier la décision contestée ;

- les motifs de cette nouvelle décision n'étaient pas de nature à justifier cette décision ;

- elle n'est justifiée ni par la manière de servir, ni par le comportement de M.E... ;

- elle ne peut se justifier par la mise en place du logiciel " Delta Médical ", ni par une baisse de l'activité de M.E... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2015 :

- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de M.C..., pour le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du

19 octobre 2011, le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler le contrat de travail de

M. D...E..., médecin, précédemment employé à la direction générale de la police nationale, pour des motifs tenant à la réorganisation du service rendue possible par le développement de l'application informatique " Delta Médical " ; que, par un jugement du

18 avril 2013, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 octobre 2011 et a enjoint au ministre de statuer à nouveau sur le renouvellement du contrat de travail de M. E...dans un délai de trois mois à compter de la notification ; qu'en exécution de ce jugement, le ministre de l'intérieur a de nouveau décidé, par une décision du 22 juillet 2013, de ne pas renouveler le contrat de travail de M. E...; que le ministre a fait appel du jugement du

15 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M.E..., annulé cette nouvelle décision et lui a enjoint de renouveler le contrat de travail de M.E..., dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par M.E... :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article

R. 751-4-1 du même code : " (...) la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux administrations de l'Etat, aux personnes morales de droit public et aux organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public qui sont inscrits dans cette application. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 mai 2014 a été mis à la disposition du ministre le 28 mai 2014, et que le ministre s'est abstenu de le consulter dans le délai de huit jours à compter de cette date, prévu par les dispositions citées ci-dessus ; que le ministre doit en application de ces dispositions être regardé comme en ayant reçu la notification à l'issue de ce délai ; que M. E...n'est donc pas fondé à soutenir que le recours du ministre, enregistré le 4 août 2014, serait tardif ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " (...) les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. / Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur (...) " ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.E..., M. B...G..., chef du bureau du contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, signataire de l'appel du ministre, avait reçu régulièrement délégation aux fins de signer un tel recours en vertu des dispositions combinées du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement et de la décision du 11 avril 2014, publiée au Journal officiel

du 13 avril suivant, portant délégation de signature au sein de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de l'auteur de l'appel doit être écartée ;

Sur les conclusions du recours du ministre :

6. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour annuler la décision du

22 juillet 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a, pour la seconde fois, décidé de ne pas renouveler le contrat de travail de M.E..., le tribunal administratif a estimé qu'eu égard à ses motifs, son jugement du 18 avril 2013 impliquait nécessairement que le ministre procédât au renouvellement de ce contrat de travail, sauf à se fonder sur un motif nouveau, et qu'en prenant une nouvelle décision de non-renouvellement fondée sur les mêmes motifs que la décision annulée par le jugement du 18 avril 2013, le ministre avait méconnu l'autorité de la chose jugée dont est revêtu ce jugement ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartenait au ministre, à la suite du jugement du tribunal administratif du 18 avril 2013 annulant sa décision du 19 octobre 2011 refusant de renouveler le contrat de travail de M. E..., en raison de l'absence de réorganisation du service de nature à justifier légalement cette décision à l'époque des faits, de statuer à nouveau sur le renouvellement de ce contrat de travail sur la base de la situation de droit et de fait qui existait a la date à laquelle il était amené à se prononcer; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir qu'en se fondant sur la réorganisation du service médical statutaire et de contrôle de la police nationale réalisée après sa précédente décision pour décider, pour la seconde fois, de ne pas renouveler ce contrat de travail, il a fait une exacte interprétation de la situation de droit née du jugement du tribunal administratif sans en méconnaitre l'autorité, et que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour annuler sa nouvelle décision ;

8. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur les autres moyens soulevés par M.E... :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du

27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) " ; que la décision en litige a été signée par M. A...H..., préfet, nommé directeur des ressources et des compétences de la police nationale par décret du 1er septembre 2010 ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque donc en fait ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 45 du décret du

17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat :

" Lorsque l'agent non titulaire est recruté pour une période déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : - le huitième jour précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée inférieure à six mois ; - au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure ou égale à six mois et inférieure à deux ans ; - au début du deuxième mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure ou égale à deux ans (...) " ; que, si la méconnaissance de ces dispositions est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, elle n'entraîne pas l'illégalité de la décision de non-renouvellement du contrat ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit, faute pour le ministre de s'être prononcé sur le renouvellement de son contrat de travail sur la base de la situation de droit et de fait qui existait le 19 octobre 2011, date de sa précédente décision ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de la réorganisation, mentionnée ci-dessus, du service médical statutaire et de contrôle de la police nationale, rendue possible par le développement de l'application informatique " Delta Médical ", réalisée après la précédente décision du ministre et établie par les réductions des quotités de travail attribuées aux autres médecins de ce service, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige reposerait sur des motifs erronés ; qu'il ne saurait utilement faire état de sa manière de servir ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 22 juillet 2013 ;

Sur les conclusions du M. E...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à M. E...la somme qu'il demande sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1313386/5-1 du 15 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...E....

Délibéré après l'audience du 18 mars 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Niollet, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er avril 2015.

Le rapporteur,

J.C. NIOLLETLe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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No 14PA03473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03473
Date de la décision : 01/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP GUILLAUME ET ANTOINE DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-01;14pa03473 ?
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