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18/03/2015 | FRANCE | N°14PA01897

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 mars 2015, 14PA01897


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me C...et

MeB... ; Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301999/5-1 du 27 février 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le préfet de police a mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur

le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que ...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me C...et

MeB... ; Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301999/5-1 du 27 février 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le préfet de police a mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas d'analyse du mémoire complémentaire présenté le 5 février 2014, contrairement aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- la décision de refus de titularisation a été prise à la suite d'un stage qui ne lui a pas permis de faire preuve de son aptitude, et dans un contexte de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de loi du 13 juillet 1983, établi par les certificats médicaux prouvant la dégradation de son état de santé et son syndrome anxio-dépressif, qu'elle avait transmis à l'administration, ainsi que par les attestations produites, rédigées avant l'introduction de la demande devant le tribunal administratif ; la circonstance que les auteurs de ces attestations ont fait l'objet de sanctions disciplinaires n'est pas de nature à leur ôter leur caractère probant ;

- le tribunal administratif n'a pas pris en compte l'ensemble de son argumentation et des pièces produites pour établir les conditions de son stage et la réalité du harcèlement moral qu'elle a subi ; il n'a notamment pas fait allusion aux attestations médicales, ni aux nombreuses réunions éprouvantes au bureau des officiers de son service auxquelles elle a été convoquée et dont elle est très souvent sortie en pleurs ;

- ses congés de maladie ont systématiquement été remis en cause par l'administration, contrairement aux dispositions de l'article 24 du décret du 14 mars 1986, ce qui semble constituer le principal reproche fait à sa manière de servir, alors qu'elle a justifié chacun de ces congés par un certificat médical ;

- elle a été systématiquement chargée de fonctions particulièrement difficiles alors que les autres stagiaires bénéficiaient de possibilités de rotation ;

- la décision de refus de titularisation méconnait le principe général du droit posé à 1'article L. 1225-1 du code du travail interdisant le licenciement d'un salarié en état de grossesse, qui doit s'appliquer, conformément au principe d'égalité, non seulement aux stagiaires en état de grossesse licenciées en cours de stage, mais aussi aux stagiaires licenciées en fin de stage ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 25 du décret du 28 mai 1982, en ce qu'il vise un avis rendu par la commission administrative paritaire en date du 12 décembre 2012, alors que le procès-verbal de la réunion indique à la fois que cet avis est favorable à la décision attaquée et que la moitié des membres de la commission se sont abstenus ; ce vice de procédure est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué vise et analyse le mémoire complémentaire du 5 février 2014 ;

- il a expressément répondu aux moyens tirés du harcèlement moral et des conditions de déroulement du stage de MmeD... ;

- les témoignages produits par Mme D...ne sont pas probants ;

- Mme D...n'établit pas qu'elle aurait été désavantagée par rapport à d'autres stagiaires ou qu'elle se serait vu confier des missions autres que celles inhérentes à la fonction de gardien de la paix ;

- elle n'établit pas que ses problèmes de santé étaient directement liés à l'exercice de son activité professionnelle ;

- l'administration était en droit de contrôler ses multiples congés de maladie qui étaient pour partie injustifiés ; le médecin chef de la préfecture de police a indiqué dans un rapport du

20 décembre 2011 qu'elle était médicalement apte à l'exercice de ses fonctions alors qu'elle était absente ; le tribunal administratif a pu constater, sans remettre son droit à congé pour maladie, que plusieurs de ses arrêts maladie couvraient des périodes pour lesquelles des demandes de congés ordinaires lui ont été refusées ;

- son état de grossesse ne faisait pas obstacle à ce qu'elle soit licenciée à l'expiration de son stage, pour insuffisance professionnelle ;

- il n'a été mis à fin à son stage qu'au terme de deux années de stage et en raison d'une insuffisance professionnelle caractérisée qui n'était pas liée à son état de grossesse ; elle avait été rappelée à l'ordre à plusieurs reprises par sa hiérarchie et avait manqué à ses obligations statutaires et déontologiques, sans avoir fait montre de ses qualités professionnelles ;

- il s'en remet aux écritures produites en première instance par le préfet de police ;

- la circonstance qu'il y a eu un partage des voix lors de la réunion de la commission administrative paritaire n'est pas de nature à vicier la procédure, la proposition étant réputée, en pareille circonstance, avoir été formulée selon les dispositions de l'article 32 du décret du 28 mai 1982 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 février 2015, présenté pour Mme D...; Mme D...conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2015 :

- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a, par un arrêté du ministre de l'intérieur du 21 octobre 2010, été nommée gardien de la paix stagiaire et affectée à la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police ; que son stage a été prolongé par un arrêté du préfet de police du 25 novembre 2011 pour une période de six mois à compter du 1er novembre 2011, puis par un arrêté du préfet de police du

23 juillet 2012 pour une période de six mois à compter du 1er mai 2012, en raison de son insuffisance professionnelle ; que la commission administrative paritaire compétente a émis, le 12 décembre 2012, un avis favorable à ce qu'il soit mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle ; que, par un arrêté du 10 janvier 2013, le préfet de police a mis fin au stage de Mme D...pour ce motif ; qu'elle fait appel du jugement n° 1301999/5-1 du

27 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 de ce code : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient MmeD..., le jugement attaqué vise et analyse le mémoire complémentaire qu'elle a présenté le

5 février 2014 ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par

MmeD..., ni de préciser la teneur de l'ensemble des documents produits devant eux, ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens relatifs aux conditions de déroulement du stage de MmeD... et au harcèlement moral dont elle soutenait avoir fait l'objet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait sur ces points entaché d'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 25 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives paritaires connaissent, en matière de recrutement, des propositions de titularisation ou de refus de titularisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 32 de ce décret : " (...) En cas de partage des voix, l'avis est réputé avoir été donné ou la proposition formulée (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision refusant la titularisation de Mme D...a été soumise à la commission administrative paritaire compétente le 12 décembre 2012 ; que, si cette décision a fait l'objet d'un partage des voix, il ressort des dispositions réglementaires ci-dessus rappelées que la commission administrative paritaire doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant donné un avis favorable à la décision envisagée ; que le moyen tiré d'un vice de procédure doit donc être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du

13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel./ Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa (...) " ; qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

8. Considérant que les témoignages de certains collègues de MmeD..., qui ont eux-mêmes fait l'objet de sanctions disciplinaires, ne permettent d'établir ni la difficulté particulière des fonctions dont elle a été chargée, ni la réalité du comportement de ses supérieurs hiérarchiques à son endroit, notamment au cours des réunions auxquelles elle a pris part ; que, si elle fait également état de ses problèmes de santé, les certificats médicaux qu'elle produit ne permettent pas d'établir qu'ils seraient liés à ses fonctions ; que les agissements dont elle fait état pour soutenir qu'ils seraient constitutifs de harcèlement ne peuvent, dans ces conditions, être tenus pour établis ; qu'elle ne saurait enfin se prévaloir sur ce point de la circonstance que ses supérieurs hiérarchiques ont remis en cause certains de ses congés pour maladie ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des trois rapports rédigés préalablement aux deux arrêtés portant prolongation du stage de

Mme D...et à l'arrêté mettant fin à son stage, qu'elle a éprouvé des difficultés à respecter les consignes de vigilance dans le cadre de ses fonctions de surveillance, ce qui a justifié l'envoi de deux lettres de mise en garde, qu'elle a conduit, dans le cadre de ses fonctions, un véhicule automobile alors qu'elle se trouvait sous le coup d'une suspension de permis de conduire, dont elle n'avait pas informé sa hiérarchie, qu'elle s'est absentée de manière irrégulière de ses fonctions de surveillance sans être joignable, qu'elle a déposé des demandes de congés pour maladie pour des périodes pour lesquelles des congés ordinaires lui avaient été préalablement refusés et qu'elle a fait preuve d'un état d'esprit incompatible avec ses fonctions ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les faits dont elle fait état pour soutenir qu'elle aurait été victime de harcèlement, et que l'arrêté mettant fin à son stage pour insuffisance professionnelle reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conditions de son stage, ne peuvent être tenus pour établis ; que cet arrêté ne peut donc être regardé comme reposant sur une telle erreur ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, si le principe général posé à l'article

L. 1225-5 du code du travail, qui interdit de licencier une femme salariée en état de grossesse, s'applique aux femmes employées dans les services publics lorsqu'aucune nécessité propre au service ne s'y oppose, les décisions refusant la titularisation d'un agent stagiaire à l'expiration de son stage réglementaire pour insuffisance professionnelle et mettant fin, par suite, à ses fonctions n'entrent pas dans le champ d'application de ce principe ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Niollet, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 mars 2015.

Le rapporteur,

J.C. NIOLLETLe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA01897


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01897
Date de la décision : 18/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-18;14pa01897 ?
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