Vu la requête, enregistrée le 5 février 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée Les Films Manuel Munz, ayant son siège social 14 rue Marbeuf à Paris (75008), par Me A... ; la société Les Films Manuel Munz demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1214680 du 10 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe professionnelle qui lui ont été assignées au titre des années 2006 et 2007 ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'interlocuteur régional ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé des impositions litigieuses ;
- les impositions ont été mises en recouvrement avant que l'interlocuteur régional ne se prononce ;
- une coproduction fonctionne comme une société de fait sans constituer une société de fait ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la déduction, du chiffre d'affaires, des sommes perçues en tant que producteur délégué, et qui constituent des apports ;
- ces sommes ne sauraient être regardées comme des recettes ;
- la lettre du service de la législation fiscale en date du 5 octobre 1976 s'applique à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui demande que la Cour rejette la requête ;
Il soutient que :
- l'interlocuteur régional a confirmé les désaccords en matière de taxe professionnelle ;
- il n'était pas tenu de le faire ;
- les dispositions de la charte ne sont pas applicables pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 en l'absence de vérification de comptabilité ;
- les coproductions auxquelles la société a participé ne constituent pas des sociétés de fait ;
- la société n'établit pas qu'elle a compris dans son chiffre d'affaires des sommes perçues en tant que producteur délégué ;
- elle a réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 7 600 000 euros ;
- la lettre du service de la législation fiscale en date du 5 octobre 1976 ne s'applique pas à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 juin 2014, par lequel la société Les Films Manuel Munz maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2015 :
- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Les Films Manuel Munz, qui exerce une activité de production de films, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'année 2006 et d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2007, à l'issue desquels lui ont été assignés des rappels de cotisation minimale de taxe professionnelle ; qu'elle fait appel du jugement
n° 1214680 du 10 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen qui leur était soumis et qui n'était pas inopérant, tiré de ce qu'il convenait de déduire du chiffre d'affaires de la société requérante les sommes perçues en tant que producteur délégué, et qui constituent des apports ; que le jugement attaqué est par suite irrégulier et doit être annulé ; qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer par voie d'évocation sur la demande de la société Les Films Manuel Munz ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant que, selon les dispositions de la charte du contribuable vérifié, opposables à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, lorsque le vérificateur a maintenu en tout ou en partie les redressements envisagés à l'égard d'un contribuable, ce dernier peut demander à l'inspecteur principal de lui fournir des éclaircissements supplémentaires et si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, le contribuable a la possibilité de faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un représentant de la société Les Films Manuel Munz a été reçu le 17 décembre 2008 par l'interlocuteur régional, en présence de son conseil ; qu'il est constant que l'interlocuteur régional n'a jamais donné une suite favorable à la demande du contribuable ; qu'il résulte au contraire de la lettre du 2 septembre 2011 que l'interlocuteur régional a indiqué à la société Les Films Manuel Munz que la problématique pouvait " toujours trouver solution dans le cadre d'une procédure contentieuse " et informait l'intéressée de la mise en recouvrement des impositions en litige ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'interlocuteur régional, à qui aucune disposition ne faisait d'ailleurs obligation de faire connaître sa position par écrit, s'est nécessairement prononcé sur le bien-fondé de la demande en la rejetant, et ce alors même que, dans une lettre du 19 février 2009, il était fait état de difficultés d'interprétation de la législation applicable ayant conduit à la saisine du service de la législation fiscale ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière aux motifs que l'interlocuteur régional ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé des impositions litigieuses et que ces impositions ont été mises en recouvrement avant que l'interlocuteur régional ne se prononce doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la loi fiscale :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à
7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition. II. - Les entreprises mentionnées au I sont soumises à une cotisation minimale de taxe professionnelle. Cette cotisation est égale à la différence entre l'imposition minimale résultant du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III. La cotisation minimale de taxe professionnelle est une recette du budget général de l'État. III. - Pour l'application du II, la cotisation de taxe professionnelle est déterminée conformément aux dispositions du I bis de l'article 1647 B sexies. Elle est majorée du montant de cotisation prévu à l'article 1647 D. Elle est également augmentée du montant de cotisation correspondant aux exonérations temporaires appliquées à l'entreprise ainsi que de celui correspondant aux abattements et exonérations permanents accordés à l'entreprise sur délibération des collectivités locales. IV. - Le montant et les éléments de calcul de la valeur ajoutée définie au I, le montant des cotisations de taxe professionnelle de l'entreprise déterminées conformément au III et la liquidation de la cotisation minimale de taxe professionnelle définie au II font l'objet d'une déclaration par le redevable auprès du comptable des impôts dont relève son principal établissement l'année suivant celle au titre de laquelle les cotisations de taxe professionnelle visées au III sont dues jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai. " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que le chiffre d'affaires de la société Les Films Manuel Munz pour les années en question est supérieur à 7 600 000 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que certaines des recettes ainsi prises en compte, déclarées par l'intéressée comme son propre chiffre d'affaires, auraient été perçues, dans le cadre de l'activité de producteur délégué gérant une coproduction, pour le compte des autres coproducteurs de chacun des films produits et seraient ainsi susceptibles d'être distinguées des recettes propres de la société Les Films Manuel Munz dans le cadre de son activité de producteur, de producteur délégué ou de producteur participant à des coproductions ; qu'il suit de là que la société requérante ne saurait en tout état de cause se prévaloir de ce que les caractéristiques de fonctionnement des coproductions, qui les assimileraient selon elle à des sociétés de fait, justifieraient que son chiffre d'affaires soit apprécié par contrat de coproduction de film et donc fixé à un montant inférieur au seuil de 7 600 000 euros prévu par les dispositions précitées ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le chiffre d'affaires déclaré par la société Les Films Manuel Munz ait compris des apports effectués par d'autres coproducteurs dans le cadre de coproductions dont elle aurait assuré la gérance ; que la société requérante ne saurait en conséquence demander que soient déduites de son chiffre d'affaires les sommes perçues en tant que producteur délégué et qui constituent des apports ;
En ce qui concerne la doctrine administrative :
8. Considérant, que la lettre n° 404/76 du 5 octobre 1976 adressée par le service de la législation fiscale à la chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français, selon laquelle " Dès lors qu'elles fonctionnent comme des sociétés en participation ou des sociétés de fait, les sociétés de coproduction françaises sont imposées à la taxe professionnelle au nom du producteur délégué, seul associé connu des tiers. Cette imposition est distincte de celle qui peut être mise à la charge du producteur délégué pour son activité ", ne fait en tout état de cause pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris ; qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par l'intéressée devant les premiers juges, ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1214680 du 10 décembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de la société Les Films Manuel Munz devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Films Manuel Munz et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France Ouest.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 mars 2015.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
S. TANDONNET-TUROT
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 14PA00530