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12/03/2015 | FRANCE | N°14PA02949

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 12 mars 2015, 14PA02949


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 7 juillet 2014 et le 31 juillet 2014, présentés pour le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402782/5-3 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. D...A..., d'une part en annulant l'arrêté du 22 janvier 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressé un titre de

séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de tro...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 7 juillet 2014 et le 31 juillet 2014, présentés pour le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402782/5-3 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. D...A..., d'une part en annulant l'arrêté du 22 janvier 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois, et enfin, en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : si M. A...a soutenu être entré en France en décembre 2003, il n'a justifié ni de la date, ni des conditions de cette entrée ; le requérant ne justifie nullement d'une présence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; il n'apporte pas la preuve de l'effectivité de sa présence entre le mois de décembre 2003 et l'année 2008 ; il est célibataire, sans charge de famille en France et était âgé de 34 ans à la date de la décision attaquée ; il a vécu sans son père qui est arrivé en France en 1971 ; sa mère n'est en France que depuis 2009 ; il n'établit pas avoir un jour vécu avec son frère et sa soeur résidant en France, de sorte qu'il ne justifie pas de l'intensité et de l'ancienneté de ses liens avec eux ; s'il soutient que sa présence est nécessaire quotidiennement auprès de son père malade, il n'apporte aucune preuve à l'appui de ses allégations ; M. A...ne justifie nullement être dépourvu de liens affectifs avec son pays d'origine où réside une grande partie de sa fratrie ; si le requérant est associé dans une entreprise spécialisée dans le bâtiment, cette circonstance ne saurait suffire à établir que ce dernier est inséré dans la société, et ce d'autant plus que dépourvu d'un droit au séjour, il n'était pas sans ignorer qu'il ne pouvait légalement prendre part dans une société en qualité d'associé et qu'au demeurant, il ne disposait pas de l'autorisation pour occuper une activité salariée ; il ne verse aucun document permettant d'établir qu'il dispose des qualifications requises pour occuper un poste en qualité de chef de chantier ; il ne justifie en aucun cas d'une insertion significative en France de nature à faire obstacle à son éloignement ; ayant vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 23 ans, il ne peut être regardé comme dans l'impossibilité de s'y réinsérer tant socialement que professionnellement ; l'arrêté en litige ne prive pas M. A...de conserver des liens privilégiés avec les membres de sa famille résidant sur le territoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2014, présenté pour M. A...par Me C... qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié ", à défaut d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision implicite de rejet née de sa demande de titre de séjour effectuée le 25 avril 2013 n'est pas motivée ;

- l'arrêté du 22 janvier 2014 est entaché d'un défaut de motivation ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 7b de l'accord franco-algérien : il est titulaire d'un contrat de travail et verse l'engagement de versement de la taxe versée à l'OFII par son employeur ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a considéré à tort que les dispositions de l'article L. 313-14 ne lui étaient pas applicables ;

- l'arrêté viole les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des éléments relatifs à sa situation personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2014, le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité algérienne, né le 5 septembre 1980, serait, selon ses déclarations, entré en France le 3 décembre 2003 ; que M. A...a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence dans le cadre des stipulations des articles 6-5 et 7 b) de l'accord franco-algérien et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par une décision du 22 janvier 2014, le préfet de police a rejeté sa demande ; que par un jugement du 4 juin 2014 dont le préfet de police demande l'annulation, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que M. A... soutient être entré en France en 2003 ; que jusqu'en 2009, il ne produit que des documents insuffisamment probants attestant tout au plus d'une présence ponctuelle en France pendant six années ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui ne pouvait justifier d'une entrée régulière sur le territoire français en décembre 2003, a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière avec placement en rétention le 28 septembre 2004 ; que revenu en France, il produit pour l'année 2005 une carte d'adhérent au collectif des sans-papiers kabyles de France ; que pour l'année 2006, il verse une déclaration de revenus falsifiée et un avis d'imposition ne mentionnant aucun revenu ainsi qu'un avis de passage à l'hôpital Bichat à Paris le 19 septembre 2006 ; qu'il s'agit pour l'année 2007 d'une déclaration de revenus non accompagnée de la preuve d'envoi aux services fiscaux ; qu'il produit pour l'année 2008 un courrier de la RATP lui adressant chez son père sa carte " Navigo ", une promesse d'embauche établie par son père qui possède une entreprise dans le bâtiment, une facture de " Leroy Merlin " à son nom en date du 14 juin 2008 ainsi que sa déclaration de revenus pour 2008 ; que M. A..., âgé de trente-quatre ans à la date de la décision attaquée, est célibataire et sans charge de famille en France ; que, dans ces conditions, eu égard à de solides attaches familiales dans son pays d'origine tenant à la présence de cinq de ses frères et soeurs, et nonobstant la présence régulière en France de son père entré sur le territoire en 1971, de sa mère présente depuis 2009 ainsi que d'une soeur et d'un frère, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté :

5. Considérant, en premier lieu, que pour rejeter la demande de certificat de résidence présentée par M. A..., le préfet de police a visé les textes applicables et exposé les circonstances de fait sur lesquelles il s'est fondé ; qu'il a notamment indiqué qu'il ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes conformément à l'article R. 5221-3 14° du code du travail ; qu'il a précisé que M. A... était dépourvu de visa de long séjour et qu'il ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a mentionné que le requérant ne remplissait aucune des conditions pour pouvoir bénéficier des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'enfin, il a fait mention de ses attaches familiales en Algérie ; qu'il suit de là que l'arrêté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ; que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) " ; que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale ; que dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien susvisé : " b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du " ministre chargé de l'emploi ", un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention " salarié " ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 " (lettres c et d) ", et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) " ;

8. Considérant que si M. A..., travaillant depuis le 15 mai 2012 au sein de la société " EBD " en tant que chef de chantier, entend soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées, il est constant qu'il n'est pas entré sur le territoire français muni d'un visa long séjour et qu'il n'a pas présenté de contrat de travail visé par la direction départementale du travail et de l'emploi ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en dernier lieu, que compte tenu de ce qui a été dit au point 3, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 janvier 2014 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 4 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA02949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02949
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LIOTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-12;14pa02949 ?
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