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12/03/2015 | FRANCE | N°14PA00564

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 mars 2015, 14PA00564


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2014, présentée pour la société Peoleo, venant aux droits de la société Kuryo Communication, dont le siège est 14, avenue de la Marne à Tourcoing (59200), par Me Cloris, avocat à la Cour ; la société Peoleo demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1217190 du 10 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de trois crédits d'impôt constitués par la société Kuryo Communication au titre des années 2008 à 2010 ;

2°) de prononcer la restitution de la

somme de 257 895 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2014, présentée pour la société Peoleo, venant aux droits de la société Kuryo Communication, dont le siège est 14, avenue de la Marne à Tourcoing (59200), par Me Cloris, avocat à la Cour ; la société Peoleo demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1217190 du 10 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de trois crédits d'impôt constitués par la société Kuryo Communication au titre des années 2008 à 2010 ;

2°) de prononcer la restitution de la somme de 257 895 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la société Kuryo Communication est éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, dès lors qu'elle réalise des produits graphiques nouveaux au sens des articles 244 quater O du code général des impôts et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code ; à la différence des agences de publicité utilisant les médias traditionnels, elle dispose d'une équipe de graphistes chargés de créer des produits graphiques dont l'objectif est de véhiculer un message ;

- la circonstance qu'elle exerce une activité de publicité et de commerce ne fait pas obstacle par principe à ce qu'elle bénéficie de ce crédit d'impôt ; en lui opposant la circonstance qu'elle ne réalisait pas de produits ayant le caractère de biens meubles corporels, l'administration a procédé à une confusion avec les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée alors que l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts ne fait aucune distinction entre les productions matérielles et les productions immatérielles ; le produit vendu par la société est la conception et la réalisation de supports visuels présentant une originalité certaine pour des clients souhaitant exprimer un message ; les créations sont réalisées à partir des moyens techniques de la société, en utilisant le savoir-faire technique et créatif de ses salariés ;

- ces produits présentent un caractère nouveau, dès lors qu'ils témoignent d'un important effort d'innovation et d'une évolution substantielle par rapport aux produits existant sur le marché ; ils présentent une réelle originalité artistique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la société requérante exerce pour activité la conception de supports visuels destinés à la publicité ; elle élabore des supports de communication et réalise ainsi des productions immatérielles ; au titre de chacune des années en litige, elle a déclaré vendre des prestations de service ; il résulte d'ailleurs de ses déclarations de résultats que son chiffre d'affaires procède exclusivement de la vente de services ;

- les dispositions de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts ne visent que les productions matérielles ;

- la société requérante ne justifie pas en quoi les maquettes qu'elle a réalisées sont le résultat d'une évolution substantielle par rapport aux produits qui existaient sur le marché durant la période en litige, ni en quoi l'intervention de l'infographiste a contribué à la réalisation de nouveaux produits ; ainsi, à supposer que les réalisations constituent de nouveaux produits, il apparaît que l'infographiste n'intervient pas au stade de la conception, ni qu'il ait effectué des études approfondies afin de réaliser les productions présentées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 2 mars 2015 :

- le rapport de Mme Coiffet, président,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me Cloris, avocat de la société Peoleo ;

1. Considérant que la société Kuryo communication a, par une réclamation du 26 décembre 2011, sollicité la restitution de droits d'impôt sur les sociétés au titre de trois crédits d'impôt sur les métiers d'art, dont elle estimait qu'elle aurait dû bénéficier au titre des années 2008, 2009 et 2010, en application de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que l'administration ayant rejeté sa réclamation par une décision du 30 juillet 2012, la société Peoleo, venant aux droits et obligations de la société Kuryo communication, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la restitution de ces droits ; que la société Peoleo fait appel du jugement du 10 décembre 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater O, dans sa rédaction alors en vigueur, du code général des impôts : " I.-Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies et 44 undecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; (...) 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; (...) III.-Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Kuryo communication concevait et réalisait des supports graphiques servant de vecteur à des messages publicitaires ; que, pour l'exercice de cette activité, elle employait des graphistes et des infographistes, dont les métiers figurent, en tant que métier lié aux arts graphiques, sur la liste des métiers de 1'artisanat d'art fixée par 1'arrêté du 12 décembre 2003 auquel renvoient les dispositions précitées du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; qu'il ressort des termes de la décision portant rejet de la réclamation de la société Kuryo communication que, pour lui refuser le bénéfice du crédit d'impôt qu'elle sollicitait, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que cette société, qui se définissait elle-même comme une agence de " conseil et publicité indépendante " ou de " conseil en communication indépendante ", effectuait uniquement des prestations de services et ne réalisait pas de nouveaux produits ayant le caractère de biens meubles corporels ; que, toutefois, les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, n'excluent pas du bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent les sociétés de prestations de services ou les activités conduisant à la production de biens meubles incorporels ; que les dépenses exposées par les sociétés exerçant de telles activités peuvent ainsi, sous réserve de remplir les conditions fixées par ces dispositions et par l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts, être éligibles au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art ;

4. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics fait valoir à cet égard que les produits réalisés par la société Kuryo communication, ne présentent pas de caractère nouveau par rapport aux produits existant sur le marché et que l'infographiste, qui n'intervient que lors de la finalisation du projet, ne peut être regardé comme contribuant à la conception de nouveaux produits ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et plus précisément des exemples de produits réalisés par la société au titre de la période en litige, qu'elle concevait et réalisait des illustrations graphiques originales utilisées comme outils de communication, dont elle déterminait, en accord avec le client, les couleurs, le graphisme, les formes et la typographie ; que ces compositions graphiques sont le produit, pour chacune d'entre elles, d'un travail de création original, répondant aux besoins spécifiques de chaque client, et non du seul suivi d'un cahier des charges ou de la seule adaptation personnalisée d'un produit existant sur le marché ou d'une création déjà réalisée par la société ; qu'elles doivent, dès lors qu'elles se distinguent par leur apparence, caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs et forme, de réalisations graphiques existantes, être regardées comme des nouveaux produits au sens du 1° du I de 1'article 244 quater O du code général des impôts et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'infographiste intervient dès le stade de la conception des illustrations graphiques en réalisant les esquisses nécessaires à la création des maquettes et à la finalisation du projet ; que, par suite, c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que la société Kuryo communication ne pouvait bénéficier du crédit d'impôt des métiers d'art ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Peoleo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à demander la restitution des sommes de 56 803 euros au titre de l'année 2008, de 87 392 euros au titre de l'année 2009 et de 113 700 euros au titre de l'année 2010 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Peoleo et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1217190 du 10 décembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les sommes de 56 803 euros au titre de l'année 2008, 87 392 euros au titre de l'année 2009 et 113 700 euros au titre de l'année 2010 en ce qui concerne les crédits d'impôt découlant de l'activité de la société Kuryo communication, aux droits de laquelle est venue la société Peoleo, sont restituées à la société Peoleo.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Peoleo au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Peoleo et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 2 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00564
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CESAM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-12;14pa00564 ?
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