Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 3 mars 2014, 11 juillet 2014 et 9 janvier 2015, la CFE-CGC fédération de l'assurance, représentée par Mes Thiriez et Lyon-Caen, demande à la Cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 24 décembre 2013 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches des sociétés d'assurances ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le ministre n'a pas pris son arrêté dans les délais prescrits par l'article 11 de la loi du 20 août 2008 et par l'article L. 2122-5 du code du travail ;
- en l'absence de publication des débats du Haut conseil du dialogue social dans sa séance du 27 novembre 2013 conformément aux dispositions de l'article R. 2122-5 du code du travail, elle n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité des conditions de composition et de quorum de cette instance consultative ;
- le ministre a commis une erreur de droit en refusant de prendre en compte, pour calculer sa représentativité dans la branche, les suffrages obtenus par ses candidats régulièrement présentés dans le premier collège ; cette erreur, qui a eu pour conséquence de la priver de plus de 3 000 suffrages obtenus dans le premier collège et d'amputer sa représentativité de plus de 3 %, a un impact significatif ;
- ses règles statutaires lui permettant de présenter des candidats dans les deux collèges de la branche des sociétés d'assurances, ce qu'elle a fait, sa représentativité aurait dû être appréciée tous collèges confondus.
Par des mémoires en intervention, enregistrés les 21 novembre 2014 et 4 février 2015, la fédération CFDT des banques et assurances, représentée par Me Wasilewski, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la CFE-CGC fédération de l'assurance la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la CFE-CGC fédération de l'assurance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 décembre 2014 et 30 décembre 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la CFE-CGC fédération de l'assurance ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que, faute d'un intérêt pour agir, la CFE-CGC fédération de l'assurance n'est pas recevable à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 24 décembre 2013 en tant qu'il la reconnaît au nombre des organisations syndicales représentatives dans la branche des sociétés d'assurances.
Des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour présentées pour la CFE-CGC fédération de l'assurance ont été enregistrées le 9 février 2015, qui soutient que les conclusions dirigées contre l'articvle 1er de l'arrêté sont recevables dès lors que les articles 1 et 2 de l'arrêté sont indissociables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992, et ses annexes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dhiver,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me Lyon-Caen, avocat de la CFE-CGC fédération de l'assurance,
- les observations de Me Wasilewski, avocat de la fédération CFDT des banques et assurances,
- et les observations de M.A..., représentant le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Considérant ce qui suit :
1. La CFE-CGC fédération de l'assurance demande l'annulation de l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 24 décembre 2013, pris en application des dispositions de l'article L. 2122-11 du code du travail, fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches des sociétés d'assurances.
Sur la recevabilité des conclusions de la requête :
2. Les dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 24 décembre 2013, qui énoncent les organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches des sociétés d'assurances, sont divisibles des dispositions de l'article 2 du même arrêté, qui fixent le poids relatif de chacune des organisations syndicales reconnues représentatives. Si la CFE-CGC fédération de l'assurance justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les dispositions de l'article 2 et contre celles de l'article 1er en tant qu'elles désignent les autres organisations syndicales représentatives, elle n'a en revanche pas intérêt à agir contre les dispositions de l'article 1er en tant qu'elles reconnaissent la CFE-CGC au nombre des organisations syndicales représentatives dans la branche concernée.
Sur la légalité externe :
3. En premier lieu, aux termes du I de l'article 11 de la loi du 20 août 2008, publiée au journal officiel du 21 août 2008 : " La première mesure de l'audience au niveau des branches professionnelles et au niveau national et interprofessionnel, prévue aux articles L. 2122-5 et L. 2122-9 du code du travail dans leur rédaction issue de la présente loi, est réalisée au plus tard cinq ans après la publication de la présente loi ". Le ministre chargé du travail a décidé, pour l'application de ces dispositions, que la première mesure d'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail se ferait en tenant compte des élections professionnelles intervenues entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012 et a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans la branche des sociétés d'assurances au regard des résultats des élections professionnelles qui se sont tenues durant cette période. Par suite, quelle que soit la date à laquelle cette liste a été édictée, la CFE-CGC fédération de l'assurance n'est pas fondée à soutenir que le ministre aurait méconnu les dispositions précitées.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 2122-1 du code précité : " Le Haut Conseil du dialogue social mentionné à l'article L. 2122-11 du code du travail comprend : / 1° Cinq représentants des organisations syndicales de salariés nationales et interprofessionnelles et, en nombre égal, des représentants des organisations représentatives d'employeurs au niveau national désignés par ces organisations. Des représentants suppléants en nombre égal à celui des titulaires sont désignés dans les mêmes conditions. Ils ne siègent qu'en l'absence des titulaires ; / 2° Trois représentants du ministre chargé du travail ; / 3° Trois personnes qualifiées proposées par le ministre chargé du travail ". Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal établi à l'issue de la séance du 27 novembre 2013, que le Haut conseil du dialogue social était régulièrement composé lorsqu'il a rendu son avis préalable sur la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des sociétés d'assurances.
Sur la légalité interne :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-7 du même code : " Sont représentatives au niveau de la branche à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale et qui remplissent les conditions de l'article L. 2122-5 dans ces collèges ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 2324-11 du code du travail : " Les représentants du personnel sont élus sur des listes établies par les organisations syndicales pour chaque catégorie de personnel : - d'une part, par le collège des ouvriers et employés ; - d'autre part, par le collège des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés (...). En outre, dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement du comité, ces catégories constituent un troisième collège ". Aux termes de l'article L. 2324-12 du même code : " Le nombre et la composition des collèges électoraux ne peuvent être modifiés par une convention, un accord collectif de travail, étendu ou non, ou un accord préélectoral que lorsque la convention ou l'accord est signé par toutes les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. L'accord conclu ne fait pas obstacle à la création du troisième collège dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 2324-11 (...) ".
7. Aux termes de l'article 19 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992 : " Le nombre et la composition des collèges électoraux sont fixés comme suit, sauf accord dérogatoire au niveau de l'entreprise : - le premier collège comprend les salariés exerçant des fonctions relevant des classes 1, 2, 3 et 4 ; - le deuxième collège comprend les salariés exerçant des fonctions relevant des classes 5, 6 et 7 (...) ". Les élections aux comités d'entreprise sur la base desquelles l'audience syndicale a été mesurée dans la branche des sociétés d'assurances ont, par application de l'article L. 2324-12 du code du travail, été organisées en deux collèges électoraux composés conformément aux dispositions dérogatoires de l'article 19 de la convention collective nationale. Il ressort des pièces du dossier que les syndicats affiliés à la CFE-CGC fédération de l'assurance ont présenté des candidats dans ces deux collèges électoraux.
8. Pour mesurer l'audience électorale de la CFE-CGC, organisation syndicale catégorielle, dans la branche des sociétés d'assurances, l'administration a retenu les suffrages exprimés recueillis par les syndicats affiliés à la confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale dans le deuxième collège, ainsi que ceux exprimés dans le premier collège lorsqu'il ressortait explicitement des informations portées sur les procès-verbaux d'élections que ce collège comportait des salariés que l'organisation syndicale catégorielle a vocation à représenter. En revanche, l'administration n'a pas pris en compte 3 214,50 suffrages exprimés dans 64 procès-verbaux d'élections au motif que les mentions figurant sur ces procès-verbaux ne faisaient pas expressément apparaître que le collège était composé de salariés que la CFE-CGC fédération de l'assurance a vocation à représenter, soit que la case " 1er collège : ouvriers, employés " avait été cochée, soit que, lorsque la case " autre collège : prévu par accord collectif ou protocole d'accord préélectoral " avait été cochée, la composition précise du collège n'était pas indiquée ou était ambiguë. La CFE-CGC fédération de l'assurance fait grief au ministre chargé du travail d'avoir écarté ces 3 214,50 suffrages, représentant 3,37 % de la totalité des suffrages exprimés, pour mesurer son audience électorale dans la branche des sociétés d'assurances.
9. Selon le point 3.1 de ses statuts, la CFE-CGC fédération de l'assurance " a vocation à regrouper les syndicats de salariés dont les membres exercent ou ont exercé, du fait de leur emploi, une fonction d'encadrement ou une responsabilité ou une fonction technique ou commerciale (...) ". Il ressort du point b. 4 de l'annexe I à la convention collective nationale que les fonctions rangées dans les classes 5, 6 et 7 sont considérées comme des fonctions de cadre. Ainsi, le deuxième collège, tel qu'il est défini par l'article 19 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances, est exclusivement composé de cadres. Il s'ensuit que le premier collège au sens du même article 19 regroupe tous les autres salariés des sociétés d'assurances et inclut donc nécessairement les salariés exerçant des fonctions intermédiaires de techniciens et agents de maîtrise, lesquels représentent 90 % des non cadres, ceci quand bien même ni la convention collective nationale ni son annexe relative à la classification des fonctions ne citent ces catégories intermédiaires ni ne donnent une définition des classes 1 à 4. La CFE-CGC fédération de l'assurance ayant, selon le point 3.1 de ses statuts, vocation à représenter les salariés des sociétés d'assurances exerçant des fonctions de techniciens et agents de maîtrise et ceux-ci constituant au moins une partie du premier collège électoral des sociétés d'assurances, elle avait vocation à présenter des candidats dans ce collège, ce qu'elle a d'ailleurs fait. Par suite, la représentativité de la CFE-CGC dans la branche des sociétés d'assurances devait être déterminée en tenant compte des résultats obtenus par l'organisation syndicale dans le deuxième collège mais aussi, quelles que soient les mentions portées dans les procès-verbaux d'élections, de ceux obtenus dans le premier collège. Ainsi, en excluant une partie des suffrages exprimés en faveur de la CFE-CGC fédération de l'assurance dans le premier collège électoral tel qu'il était défini par la convention collective nationale, le ministre chargé du travail a commis une erreur de droit.
10. L'erreur de droit commise par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne modifie pas le pourcentage des suffrages exprimés obtenus par les organisations syndicales autres que la CFE-CGC pour la détermination de leur représentativité dans la branche en application des dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail. Elle n'affecte pas la légalité de l'article 1er de l'arrêté du 24 décembre 2013 en tant qu'il déclare représentatives les autres organisations syndicales. Cette erreur de droit n'est donc susceptible d'entraîner l'annulation que de l'article 2 de l'arrêté, dont les dispositions fixent le poids relatif de chacune des organisations syndicales reconnues représentatives et qui sont divisibles de celles de l'article 1er.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que la CFE-CGC fédération de l'assurance n'est fondée à demander l'annulation que de l'article 2 de l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 24 décembre 2013.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge la CFE-CGC fédération de l'assurance, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement que la fédération CFDT des banques et assurances demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CFE-CGC fédération de l'assurance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 de l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 24 décembre 2013 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches des sociétés d'assurances est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à la CFE-CGC fédération de l'assurance une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la CFE-CGC fédération de l'assurance est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la fédération CFDT des banques et assurances sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la CFE-CGC fédération de l'assurance, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à la fédération CFDT des banques et assurances, à la Confédération générale du travail (CGT), à la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et à l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).
Délibéré après l'audience du 16 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Marino, président-assesseur,
- Mme Dhiver, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mars 2015.
Le rapporteur,
M. DHIVERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
L. BARRIERE
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00961