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05/03/2015 | FRANCE | N°14PA02372

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 05 mars 2015, 14PA02372


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée Crêperie Saint-André-des-Arts, dont le siège social est situé 56 rue Saint-André-des-Arts à Paris (75006), par Me Glorieux-Kergall, avocat ; la société Crêperie Saint-André-des-Arts demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304182/2-2 du 3 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 20

07 et 2008 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée Crêperie Saint-André-des-Arts, dont le siège social est situé 56 rue Saint-André-des-Arts à Paris (75006), par Me Glorieux-Kergall, avocat ; la société Crêperie Saint-André-des-Arts demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304182/2-2 du 3 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 18 décembre 2009 est insuffisamment motivée ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que les mises en demeure d'avoir à déposer les déclarations lui ont été régulièrement notifiées ;

- elle a réitéré sa demande de saisine du supérieur hiérarchique après la réponse aux observations du contribuable, notamment par courrier du 30 avril 2010 ;

- le courrier du 30 avril 2010 dont se prévaut l'administration ne lui a pas été régulièrement notifié ;

- l'administration, qui a exercé son droit de communication auprès du fournisseur METRO, a pris en compte les achats correspondant à une " carte METRO ", qui n'était pas forcément la sienne ;

- le service n'a pas tenu compte des bandes caisse dument datés et numérotés ;

- le service n'a pas voulu tenir compte des autres fournisseurs dont le meunier ;

- la méthode de reconstitution mise en oeuvre par le service aboutit à des résultats incohérents, en ce qui concerne le prix des crêpes et les quantités de farine consommées ;

- les pertes et les consommations du personnel sont sous estimées ;

- l'administration ne justifie pas le prorata entre les ventes à consommer sur place et à emporter ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête ;

Il soutient que :

- aucun des moyens présentés par la société requérante au soutien de ses conclusions en décharge des impositions restant en litige n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2015 :

- le rapport de M. Dalle, président,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Crêperie Saint-André-des-Arts relève appel du jugement du 3 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008, à la suite d'une vérification de sa comptabilité ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 26 novembre 2014, postérieure à l'introduction de la présente requête d'appel, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, a dégrevé les majorations de 40 %, d'un montant de 42 594 euros, dont, en application du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Crêperie Saint-André-des-Arts ; que les conclusions en décharge de la société Crêperie Saint-André-des-Arts sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que la société requérante soutient que la procédure de taxation d'office selon laquelle ont été établis les compléments d'impôt sur les sociétés litigieux est irrégulière faute que lui aient été régulièrement notifiées les mises en demeure, prévues à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, d'avoir à déposer ses déclarations de résultats ; que si le ministre des finances et des comptes publics reconnaît ne pouvoir justifier de la régularité de la notification de ces mises en demeure, il demande que la procédure contradictoire de redressement soit substituée à celle de taxation d'office ; qu'il peut être fait droit à cette demande dès lors que les rectifications en cause ont, en fait, été établies selon la procédure contradictoire ; qu'en particulier, la proposition de rectification du 18 décembre 2009, qui était suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, invitait la société requérante à présenter ses observations dans le délai de trente jours ; que la société Crêperie Saint-André-des-Arts a effectivement présenté ses observations sur les redressements notifiés et l'administration a répondu à ces observations par un courrier du 19 mars 2010, précisant que le différend pouvait être soumis, en cas de désaccord subsistant, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'à la demande de la société, cette commission a examiné, le 5 juillet 2010, les faits sur lesquels le service s'était fondé pour procéder aux redressements ; qu'il suit de là que, la société Crêperie Saint-André-des-Arts n'ayant été privée d'aucune garantie de procédure, il y a lieu de maintenir l'imposition des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés sur le fondement de la nouvelle base légale invoquée par l'administration fiscale ;

4. Considérant que la proposition de rectification du 18 décembre 2009 est, ainsi qu'il a été dit au point précédent, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, y compris en ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle précise les motifs du rejet de la comptabilité, détaille la méthode de reconstitution des recettes et des résultats taxables appliquée par le service et qu'elle comporte toutes les précisions suffisantes pour permettre à la société de présenter ses observations ou faire connaître son acceptation ;

5. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que le paragraphe 5 du chapitre III de ladite charte prévoit que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur " ; qu'il résulte de ces dispositions que les demandes tendant au bénéfice des recours administratifs prévus par la charte ne peuvent être formulées par le contribuable qu'après qu'il a eu connaissance de la réponse faite par l'administration fiscale à ses observations ; que le tribunal a écarté le moyen tiré de la violation de ces dispositions au motif que la demande de saisine du supérieur hiérarchique effectuée le 1er mars 2010 par la société Crêperie Saint-André-des-Arts était antérieure à la réponse aux observations du contribuable en date du 19 mars 2010 et, par suite, prématurée ; que la société soutient avoir réitéré sa demande après la réponse aux observations du contribuable, " notamment par courrier du 30 avril 2010 " ; que, cependant, il résulte de l'instruction que ce courrier du 30 avril 2010 n'émane pas de la société, mais de l'administration ; que la circonstance que ce courrier, par lequel le supérieur hiérarchique du vérificateur proposait un rendez-vous à la société, en réponse à la demande de celle-ci du 1er mars 2010, bien que ladite demande fût prématurée, n'ait pas été régulièrement notifié à la société, n'a, à la supposer établie, aucune incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que, par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que la société Crêperie Saint-André-des-Arts a demandé à nouveau, par lettre du 3 juin 2010, le bénéfice du recours hiérarchique prévu par la charte du contribuable vérifié, le ministre soutient sans être contredit qu'en réponse à ce courrier, l'administration a proposé par lettre du 30 septembre 2010 un rendez-vous à la société et que celle-ci n'a pas retiré ce courrier adressé en recommandé ; que la société Crêperie Saint-André-des-Arts n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de la charte ont été méconnues ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ;

7. Considérant qu'il est constant que la comptabilité de la SARL Crêperie Saint-André-des-Arts comportait de graves irrégularités et que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu le 5 juillet 2010 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, la société Crêperie Saint-André-des-Arts supporte la charge de la preuve, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant que pour reconstituer les recettes de la SARL Crêperie Saint-André-des-Arts, l'administration a eu recours à la méthode dite " du coefficient de marge par plat " ; que le vérificateur, après avoir procédé à un dépouillement des récapitulatifs de caisse conservés par la société, a déterminé, par pesée de chacun des ingrédients utilisés et sur la base des factures d'achat de la période vérifiée, le prix de revient des plats consommés ; qu'un coefficient de marge global a ainsi pu être établi par rapprochement avec le prix de vente toutes taxes comprises desdits plats, permettant une évaluation du chiffre d'affaires total après prise en compte des pertes et offerts, de la consommation du personnel et de la variation de stock intégrant les achats non comptabilisés auprès de la société Metro Cash et Carry ;

9. Considérant, en premier lieu, que la SARL Crêperie Saint-André-des-Arts fait valoir que l'évaluation de ses achats non comptabilisés auprès de la société Metro Cash et Carry est dépourvue de fiabilité dès lors que son fournisseur ayant mis en circulation plusieurs " cartes ", l'identification formelle des clients facturés demeure hasardeuse ; que si, à l'appui d'une telle allégation, elle soutient qu'elle se serait ainsi vu facturer des denrées qu'elle n'avait pas commandées, elle n'en justifie pas ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la SARL Crêperie Saint-André-des-Arts, le vérificateur a pris en compte l'ensemble et la diversité des ingrédients utilisés pour chacun des plats inscrits à la carte ; qu'à cet égard, la circonstance que la méthode de reconstitution utilisée conduirait à des incohérences entre le prix de revient retenu pour chaque crêpe garnie et le coût des ingrédients des diverses garnitures en cause ne peut qu'être regardée comme dépourvue de portée dès lors qu'il n'est établi, ni au demeurant allégué, qu'une marge bénéficiaire uniforme serait appliquée à l'ensemble des plats proposés ; qu'il n'est pas non plus établi que la méthode retenue par le service aboutirait à des montants de farine consommée exagérés ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante fait valoir qu'en raison du caractère périssable des denrées utilisées, ses pertes sont voisines de 12 % et non de 5 % ainsi que l'a estimé le service ; que, cependant, elle n'apporte aucun élément probant susceptible de corroborer ses dires ; qu'elle ne justifie pas davantage que la consommation du personnel aurait été sous-estimée ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que l'administration ne justifierait pas le prorata entre les ventes à consommer sur place et à emporter manque en fait dès lors qu'il ressort de la proposition de rectification que le service a déterminé ce prorata à partir du dépouillement des bandes de caisses mensuelles ;

13. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le service n'a pas tenu compte des bandes caisse dûment datées et numérotées, ni retenu d'autres fournisseurs que la société Metro Cash et Carry, notamment le meunier, est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier la portée ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Crêperie Saint-André-des-Arts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge de la société Crêperie Saint-André-des-Arts à concurrence du dégrèvement d'un montant de 42 594 euros prononcé en cours d'instance par l'administration, en ce qui concerne les majorations, dont, en application du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 500 euros à la société Crêperie Saint André des Arts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Crêperie Saint-André-des-Arts est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Crêperie Saint-André-des-Arts et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 12 février 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Monchambert, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 mars 2015.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02372
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : GLORIEUX-KERGALL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-05;14pa02372 ?
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