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19/02/2015 | FRANCE | N°14PA03680

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 19 février 2015, 14PA03680


Vu la requête, enregistrée le 11 août 2014, présentée pour Mme B... D...épouseA..., demeurant..., par Me Fatrane ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403255/6-3 du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 euros au titre

des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de ...

Vu la requête, enregistrée le 11 août 2014, présentée pour Mme B... D...épouseA..., demeurant..., par Me Fatrane ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403255/6-3 du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte de ses salaires, ensuite, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation administrative, et, enfin, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme, à parfaire, de 7 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte de ses salaires ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'examen de sa situation administrative en vue de la délivrance d'un titre de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 521-2 2°, L. 511-4 7° et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : le préfet de police a méconnu ces dispositions en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire alors qu'elle est mariée avec un ressortissant français depuis plus de deux ans et que ce mariage n'est pas frauduleux ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement alors qu'elle travaillait comme agent de service au sein de la société " Essi Opale " depuis le 16 août 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour par un arrêté en date du 10 décembre 2012, le préfet de police s'est rendu responsable de son licenciement par son employeur le 9 juillet 2013 et que ces circonstances doivent être regardées comme constitutives de motifs exceptionnels lui permettant de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- à titre surabondant, en ne recherchant pas si son métier d'agent de nettoyage était géographiquement caractérisé par des difficultés de recrutement, le préfet de police a violé les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet ne pouvait se fonder sur l'absence de visa de long séjour pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus du préfet de police de lui délivrer un titre de séjour par un arrêté du 10 décembre 2012 a conduit à son licenciement par son employeur ce qui justifie de mettre à la charge de la préfecture de police la somme de 7 000 euros au titre des dommages et intérêts résultant de ses pertes de salaires ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller,

- et les observations de Me Fatrane, avocat de MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., ressortissante ivoirienne née le 22 décembre 1979, entrée en France le 13 février 2010, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 4° et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police a, par un arrêté du 23 janvier 2014, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ; que Mme A...relève appel du jugement n° 1403255/6-3 du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte dans ses visas et ses motifs l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que l'arrêté se réfère notamment aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'aux articles L. 313-11 4° et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels Mme A... demandait un titre de séjour ; qu'il tient compte des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de Mme A...dès lors qu'il précise, notamment, que l'intéressée ne remplit plus les conditions posées par l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle ne peut plus attester d'une communauté de vie effective avec son époux de nationalité française, qu'elle n'atteste pas de l'intensité d'une vie privée et familiale établie sur le territoire français puisqu'elle est sans charge de famille en France, qu'elle ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'elle ne dispose pas d'un contrat de travail visé par les services de la main-d'oeuvre étrangère et, enfin, qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par conséquent, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : 2° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française " ; que MmeA..., qui fait l'objet d'une obligation de territoire français et non d'une expulsion, ne peut utilement invoquer la méconnaissance par le préfet de police des dispositions susvisées ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " et qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française " ;

5. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle est mariée à un ressortissant français depuis plus de deux ans et que son mariage n'est pas frauduleux ; que, si le préfet de police, à qui il incombe la charge de prouver le caractère frauduleux du mariage de MmeA..., ne saurait être regardé comme en apportant la preuve en se bornant à faire état d'une requête en demande de divorce intervenue peu de temps après la délivrance d'un titre de séjour, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de l'ordonnance de non conciliation rendue le 1er décembre 2011 qui précise que " n'est pas contesté par les parties que la vie commune a été particulièrement brève voire inexistante ", que Mme A...ne justifiait pas à la date de l'arrêté attaqué d'une communauté de vie effective avec un conjoint ressortissant français ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la méconnaissance par le préfet de police des dispositions de l'article L. 313-11 4° précité ; que, par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre dans l'arrêté attaqué ne méconnaît pas non plus les dispositions de l'article L. 511-4 4° précité ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas davantage entaché l'arrêté attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressée ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article [R. 5221-2] du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; et qu'aux termes de l'article

R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 14° Le contrat de travail ou la demande d'autorisation de travail visés par le préfet, dans l'attente de la délivrance des cartes de séjour mentionnées aux 5°, 6°, 7°, 8° et 9° ; (...) ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions susvisées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail que le préfet de police est tenu d'exiger de l'étranger sollicitant un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 précité la production d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ; que la seule production par Mme A...d'une attestation en date du 14 septembre 2012 émanant de son employeur, l'entreprise de propreté Essi Opale, ne permet pas de regarder comme remplie la condition posée par l'article L. 313-10 susvisé ; que, par conséquent, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la violation par le préfet de police de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que Mme A...fait valoir, d'une part, que le refus du préfet de police de lui délivrer un titre de séjour par un arrêté du 10 décembre 2012 a conduit à son licenciement par son employeur et que cette circonstance doit être regardée comme constitutive d'un motif exceptionnel justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 susvisé et, d'autre part, que le préfet ne pouvait se fonder sur l'absence de visa de long séjour pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ce même article ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté attaqué du 23 janvier 2014 que Mme A...n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement des dispositions susvisées et que le préfet de police n'a pas examiné son droit au séjour au regard de ces mêmes dispositions ; que, par conséquent, Mme A...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Considérant que Mme A...reprend en appel les conclusions qu'elle avait présentées en première instance tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier consécutif à son licenciement ; qu'elle invoque l'illégalité entachant un précédent arrêté préfectoral du 10 décembre 2012 ayant donné lieu à une annulation prononcée par le Tribunal administratif de Paris le 3 juillet 2013 ; que les conclusions indemnitaires de Mme A...se rattachent à un litige distinct lié à l'exécution du jugement du 3 juillet 2013 ; qu'au surplus, la faute retenue par le tribunal administratif dans son jugement du 3 juillet 2013 ne présente aucun lien direct et certain avec le préjudice dont se prévaut Mme A... ; que les conclusions indemnitaires doivent, par conséquent, être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B...D...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 février 2015.

Le rapporteur,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA03680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03680
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : FATRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-19;14pa03680 ?
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