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19/02/2015 | FRANCE | N°13PA04002

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 février 2015, 13PA04002


Vu la décision du 13 février 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le Centre d'accueil universel, annulé l'arrêt du 31 mars 2011 de la Cour administrative d'appel de Paris, et renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu le recours, enregistré le 22 mars 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0812870 du 28 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annu

lé sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur la demande du Ce...

Vu la décision du 13 février 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le Centre d'accueil universel, annulé l'arrêt du 31 mars 2011 de la Cour administrative d'appel de Paris, et renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu le recours, enregistré le 22 mars 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0812870 du 28 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur la demande du Centre d'accueil universel tendant à la suppression de trois mentions contenues dans le document détenu par la direction centrale des renseignements généraux et justifiant le classement par l'Assemblée Nationale de l'association " Eglise universelle du Royaume de Dieu ", aujourd'hui dénommée " Centre d'accueil universel ", parmi les sectes dans son rapport n° 2468 du 22 décembre 1995 ;

2°) de rejeter la demande du Centre d'accueil universel présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- les premiers juges, en considérant que la demande du Centre d'accueil universel était fondée sur les dispositions de la loi du 17 juillet 1978, ont commis une erreur de fait dans la mesure où l'association avait présenté sa demande au titre de la loi du 6 janvier 1978 ;

- ils ont, par ailleurs, entaché leur jugement d'une erreur de droit en estimant que le droit de rectification ouvert par cette loi n'était pas applicable, alors que la demande du Centre d'accueil universel était fondée sur les dispositions de cette même loi ;

- par ailleurs, la demande du Centre d'accueil universel, établie le 31 mars 2008, devait, en application des dispositions de l'article 7 du décret du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques, gérés par les services des renseignements généraux, des dispositions de l'article 31, alinéa 3 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, être adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;

- cette demande devait, en application des dispositions des articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, être présentée par une personne physique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu mémoire en défense, enregistré le 24 août 2010, présenté pour le Centre d'accueil universel, dont le siège est 254 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris (75010), par

MeB... ; il demande à la Cour de rejeter le recours du ministre et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- dans la mesure où il s'est fondé sur les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, ainsi que sur celles de la loi du 17 juillet 1978, le tribunal n'a commis ni erreur de fait, ni erreur de droit en se fondant sur ces dernières dispositions ;

- c'est à bon droit que le tribunal a relevé que le document dont il a demandé la rectification de certaines mentions était un document administratif, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat, ne relevant pas de la compétence de la CNIL ;

- il est recevable à invoquer les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, dès lors que l'article 7 du décret du 14 octobre 1991 prévoit un droit d'accès des personnes fichées, tant physiques que morales, par application de l'article 3 dudit décret ;

- la CNIL s'est déjà prononcée sur sa demande devant le tribunal administratif lorsqu'elle lui avait été transmise ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2014, présenté pour le Centre d'accueil universel ; il conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 22 avril 2014 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux des dispositions de l'article 31 alinéa 3 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2015 :

- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeB..., pour le Centre d'accueil universel ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du

1er décembre 2005, devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision implicite du ministre de l'intérieur refusant de communiquer au Centre d'accueil universel, alors dénommé " Eglise universelle du royaume de Dieu ", le dossier détenu par la direction centrale des renseignements généraux justifiant le classement de cette association par l'Assemblée Nationale parmi les sectes dans son rapport n° 2468 du 22 décembre 1995 et enjoint au ministre de communiquer ce document ; qu'après avoir obtenu, en exécution de cet arrêt, la communication de la fiche le concernant, le Centre d'accueil universel a demandé au ministre de l'intérieur, par courrier du 31 mars 2008, la suppression des mentions " déstabilisation mentale ", " exigences financières exorbitantes " et " atteintes à l'intégrité physique " figurant dans ce document ; que, n'ayant pas obtenu de réponse, il a saisi le Tribunal administratif de Paris de conclusions tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet, à ce qu'il soit enjoint au ministre, à titre principal, de supprimer les mentions précitées et, à titre subsidiaire, de les rectifier, de les verrouiller et de lui communiquer toute information sur l'origine de ces mentions ; que, par un jugement du 28 janvier 2010, le tribunal administratif a annulé la décision attaquée et a enjoint en conséquence au ministre de supprimer les mentions litigieuses ; que, par un arrêt du 13 février 2013, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 31 mars 2011 par lequel la Cour avait annulé ce jugement et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté la demande présentée au tribunal administratif par le Centre d'accueil universel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des termes de la demande introductive d'instance présentée par le Centre d'accueil universel au Tribunal administratif de Paris qu'il concluait à l'annulation de la décision implicite du ministre refusant de supprimer des mentions figurant dans le document dont il avait obtenu communication et à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à cet effacement, en visant non seulement la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, mais également celle du 17 juillet 1978 ; que le ministre n'est donc pas fondé à soutenir qu'en retenant, pour faire droit aux conclusions du Centre d'accueil universel, un moyen relatif à l'exercice du droit de rectification dans le cadre de cette dernière loi, les premiers juges auraient statué ultra petita ;

Sur le surplus des conclusions du recours du ministre :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres I er, III et IV du présent titre, quel que soit le support utilisé pour la saisie, le stockage ou la transmission des informations qui en composent le contenu, les documents élaborés ou détenus par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions (...). Ne sont pas considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre, les actes des assemblées parlementaires (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre (...) " ;

4. Considérant, en premier lieu, que le Conseil d'Etat a définitivement jugé par un arrêt du 3 juillet 2006 que le document litigieux était un document administratif au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, et non un élément d'un fichier dont la communication et la rectification s'exerceraient dans le cadre des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, que le ministre ne saurait donc invoquer utilement ; qu'il ne saurait davantage invoquer les dispositions du décret du 14 octobre 1991 portant application des dispositions de l'article 31 de cette loi aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux ;

5. Considérant, en second lieu, qu'en application des dispositions de la loi du

17 juillet 1978, la communication du document mentionné ci-dessus à la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale lui a fait perdre le caractère de document d'ordre interne et a rendu tout intéressé recevable à demander à connaître les mentions le concernant, à en contester l'exactitude et à en obtenir, le cas échéant, la suppression ; que le ministre ne fournit aucun élément permettant de justifier les mentions " déstabilisation mentale ", " exigences financières exorbitantes " et " atteinte à l'intégrité physique " contenues dans ce document ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande du Centre d'accueil universel ;

Sur les conclusions du Centre d'accueil universel présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions mentionnées ci-dessus ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du Centre d'accueil universel présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et au Centre d'accueil universel.

Délibéré après l'audience du 4 février 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Niollet, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 février 2015.

Le rapporteur,

J.C. NIOLLETLe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA04002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04002
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : MAISONNEUVE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-19;13pa04002 ?
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