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10/02/2015 | FRANCE | N°14PA01619

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 10 février 2015, 14PA01619


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 27 avril 2014, présentés pour MmeE..., épouseC..., demeurant..., par Me A... ; Mme C...demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1316679/6-2 du 4 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 octobre 2013 du préfet de police de Paris lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet ar

rêté ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 200 e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 27 avril 2014, présentés pour MmeE..., épouseC..., demeurant..., par Me A... ; Mme C...demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1316679/6-2 du 4 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 octobre 2013 du préfet de police de Paris lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet de police, en ce qu'il s'est cru tenu par l'absence de production d'un visa de long séjour pour rejeter la demande tendant à la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement est donc irrégulier et doit être annulé ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne précise pas la nature des attaches familiales du demandeur en France et dans son pays d'origine, ni les circonstances de fait qui ont conduit le préfet à ne pas faire usage de son pouvoir de régularisation ;

- le préfet de police a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'absence de justification d'un visa de long séjour et une erreur de fait en considérant que la demande ne tendait pas à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " commerçant " sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus d'admission au séjour a été pris en violation de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; en effet, le demandeur et son conjoint justifient de ressources propres suffisantes et sont hébergés par leur famille présente en France ; la soeur de Mme C...et son époux, qui disposent de ressources suffisantes, se sont engagés à subvenir aux besoins du couple ; la mère de Mme C...est également à même de leur apporter son soutien financier ; en outre, les risques encourus tant en Syrie qu'au Liban n'ont pas permis à M. et Mme C...de solliciter et obtenir des visas de long séjour ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

M. et Mme C...ne disposent plus d'attaches familiales en Syrie et au Liban et ne pourront mener une vie familiale normale en cas de retour en Syrie, eu égard à la situation de guerre civile marquant ce pays ; ils s'occupent de la mère âgée et dépendante de MmeC... ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée, qui maîtrise le français et n'aura aucun mal à s'intégrer à la société française ;

- toutes les décisions attaquées sont par conséquent illégales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police de Paris, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2015, le rapport de M. Cantié, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeE..., épouseC..., née le 4 novembre 1957, bénéficiant de la double nationalité libanaise et syrienne, est entrée en France le 26 juillet 2013 avec son époux, né le 20 mai 1956, de nationalité libanaise, sous couvert d'un visa de court séjour d'une durée de 90 jours ; que, par arrêté en date du 23 octobre 2013, le préfet de police de Paris a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pouvait être éloignée ; que Mme C...relève appel du jugement en date du 4 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort du mémoire complémentaire présenté pour MmeC..., enregistré au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2014, que celle-ci soutenait que " le préfet de police n'a pas fait l'usage du pouvoir de libre appréciation et de discrétion dont il dispose en matière de délivrance de carte de séjour temporaire alors même que la requérante n'était pas en possession d'un visa de long séjour, au vu des circonstances exceptionnelles auxquelles elle était confrontée " ; que, ce faisant, Mme C...soulevait un moyen tiré de l'erreur de droit résultant de ce que le préfet de police s'était cru tenu de rejeter la demande présentée par l'intéressée sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de l'absence de justification du visa de long séjour mentionné à l'article L. 311-7 du même code ; que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté du 23 octobre 2013 :

4. Considérant, en premier lieu, que M. D...B..., adjoint au chef du 6ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature accordée par le préfet de police, par l'effet de l'article 8 de l'arrêté en date du 4 janvier 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 11 janvier suivant, l'habilitant à signer tous les actes dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué fait mention des motifs de droit et de fait qui constituent le fondement du refus d'admission au séjour de Mme C...et de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de police n'était pas tenu d'énoncer, dans son arrêté, l'ensemble des circonstances relatives à sa situation familiale ; qu'en faisant état de ce que " les arguments invoqués [par MmeC...] à l'appui de sa demande de titre de séjour, relatifs à la situation en Syrie où elle prétend avoir sa résidence, ne sauraient justifier une dérogation à l'exigence de visa de long séjour " et de ce que " l'intéressée, qui possède la nationalité libanaise, a la possibilité de s'établir dans le pays dont elle est ressortissante ", le préfet de police a suffisamment explicité les motifs l'ayant conduit à refuser la régularisation du demandeur ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peut être accueilli ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à produire une lettre en date du 9 juillet 2013 qui aurait été adressée à la préfecture de police et qui, en raison de l'imprécision de ses termes, ne saurait en tout état de cause valoir demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " commerçant ", Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a omis de statuer sur sa demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la délivrance d'un tel titre ; qu'en outre, eu égard à l'ensemble des mentions de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux par l'autorité administrative de la situation personnelle de l'intéressée manque en fait et doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention "visiteur" " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

8. Considérant qu'il est constant que Mme C...n'a pas été en mesure de justifier d'un visa de long séjour ; qu'ainsi, et alors même que l'intéressée n'aurait pas été à même de solliciter la délivrance de ce visa avant son arrivée en France et qu'elle justifierait de ressources suffisantes, c'est par une exacte application des dispositions précitées que le préfet de police a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté, ainsi que cela ressort de l'extrait cité au point 5 du présent arrêt, que le préfet de police a envisagé la possibilité de déroger à l'exigence liée à la justification d'un visa de long séjour et ne s'est donc pas cru tenu, dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, de refuser l'admission au séjour de Mme C...; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme C...se prévaut de sa maîtrise du français, de sa volonté d'intégration, de ce qu'elle dispose de moyens d'existence suffisants et de la présence en France de membres de sa famille dont sa mère qui souffre de problèmes de santé, son entrée sur le territoire était très récente à la date de l'arrêté contesté et il n'est pas établi qu'elle serait avec son époux le seul soutien, ni le soutien nécessaire de sa mère ; que, dans ces conditions, et alors que les risques susceptibles d'être encourus par l'intéressée en cas de retour en Syrie ou au Liban sont sans aucune portée à cet égard, le refus d'admission au séjour de Mme C...n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d' autrui " ;

11. Considérant qu'eu égard à l'entrée très récente sur le territoire, à la date de l'arrêté contesté, de Mme C...et de son époux, tous deux en situation irrégulière, et nonobstant la présence en France de certains de leurs proches et le fait que leurs trois enfants majeurs ne résideraient pas au Liban, le refus d'admission au séjour de Mme C...et l'obligation de quitter le territoire dont ce refus a été assorti n'ont pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des motifs d'intérêt public en vue desquels ces mesures ont été prises ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit, dès lors, être écarté ;

12. Considérant, en septième et dernier lieu, que MmeC..., dont les allégations ne sont pas circonstanciées, ne démontre pas la réalité des risques personnels qu'elle soutient encourir en cas de retour au Liban ; que, par suite, le moyen invoqué, qui doit être regardé comme visant la décision distincte fixant le pays de renvoi, ne peut être accueilli ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 23 octobre 2013 par lequel le préfet de police de Paris a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que, par voie de conséquence, sa demande à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1316679/6-2 du 4 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeE..., épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Sanson, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 février 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

M. SANSON

Le greffier,

A.-L. CALVAIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01619
Date de la décision : 10/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SANSON
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CRUSOE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-10;14pa01619 ?
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