Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2013, présentée pour l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est situé place
Jean Jaurès à Bonneuil-sur-Marne (94380), par la SELARL GAIA ; l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne demande à la Cour :
1º) d'annuler le jugement n° 0905523/8 du 31 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à réparer ses préjudices résultant des désordres liés aux fuites d'eaux chaude et froide et de gaz en provenance des canalisations encastrées, affectant des logements de l'immeuble " Messidor Ilot 8 ", situé 19, 20 et 21 place des Libertés et 1 rue Jacques Gilbert Collet à Bonneuil-sur-Marne, l'a condamné à verser à cette société la somme de 7 618,52 euros TTC et a mis à sa charge les dépens ;
2°) de condamner la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à lui verser la somme de 408 505,76 euros TTC, subsidiairement la somme de 263 089,25 euros TTC, au titre des travaux de réfection de l'ensemble des canalisations encastrées, en valeur août 2007 avec actualisation au jour de l'arrêt à intervenir en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction, la somme de 80 475 euros TTC au titre des travaux de réfection des canalisations encastrées d'ores et déjà engagés et la somme de 37 000 euros en réparation de son trouble de jouissance et du préjudice esthétique, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France le montant des dépens et le versement de la somme de 26 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France doit répondre, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, des désordres répétitifs et évolutifs affectant l'ouvrage, alors même que certains de ceux-ci seraient apparus après l'expiration du délai décennal ;
- l'entrepreneur doit répondre des agissements de son sous-traitant ;
- la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, à laquelle sont imputables les désordres, en l'absence de cause étrangère, n'est pas fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage doit supporter les conséquences de contraintes d'entretien inhérentes à une solution technique qu'il a acceptée par un souci d'économie ; la reprise des désordres, qui n'étaient pas apparents à la date de réception de l'ouvrage, ne relève pas de l'entretien normal de l'immeuble ;
- elle est fondée à obtenir une indemnisation au titre des travaux exécutés et de la réfection intégrale des canalisations ;
- la mise en place de canalisations apparentes, rendues nécessaires pour faire face aux fuites affectant les réseaux encastrés dans les dalles de plafond des logements, a nécessité la mobilisation répétée de moyens et a entraîné des difficultés avec les locataires ; elle est constitutive d'un trouble de jouissance et d'un préjudice esthétique ;
- la demande de l'entrepreneur tendant au remboursement de la somme de 7 618,52 euros n'est pas justifiée ; celui-ci n'était pas contraint de prendre l'initiative de mesures d'investigation ; la somme en cause doit, en tout état de cause, être comprise dans les dépens de l'instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2013, présenté pour la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, par la SELARL Fizellier et Associés, qui conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que le montant de la condamnation réclamée soit ramené à de plus justes proportions et à la condamnation de M.C..., du bureau d'études techniques BETOM et de la société Socotec à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, et à ce que le versement de la somme de 8 000 euros soit mis à la charge de l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- les désordres invoqués, en raison de leur nature et dès lors qu'ils ne sont pas généralisés, ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs ;
- ces désordres sont, en tout état de cause, exclusivement imputables à la maîtrise d'oeuvre et à l'entreprise chargée du contrôle technique ; aucune faute d'exécution n'est imputable à l'entreprise chargée des travaux qui n'est pas responsable de l'option architecturale retenue, reposant sur la mise en oeuvre de canalisations de cuivre encastrées en dalles ;
- l'office requérant ne peut valablement se référer aux résultats d'une autre expertise, au demeurant critiquable, que celle se rapportant aux vices dont il s'agit ;
- les désordres qui n'ont pas été examinés dans le cadre de l'expertise n'ont pas été constatés de façon contradictoire ;
- l'office requérant ne peut obtenir une indemnisation au titre de frais pris en charge par son assureur ;
- il n'établit pas être dans l'impossibilité de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée et ne peut donc prétendre qu'à une indemnité fixée hors taxes ;
- la demande relative aux intérêts doit être écartée dès lors qu'elle aboutirait à un enrichissement sans cause du requérant ;
- le trouble de jouissance et le préjudice esthétique ne sont pas établis ;
- les dépenses exposées pour les investigations l'ont été à la demande de l'expert ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 25 et 30 septembre 2013, présenté pour
M. E...C..., par Me Bureau, qui conclut au rejet de la requête et de l'appel en garantie présenté par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, subsidiairement à la condamnation du bureau d'études techniques BETOM et de la société Socotec à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et à ce que le versement de la somme de 5 000 soit mis à la charge de l'établissement public requérant ou de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que :
- les désordres ne sont pas généralisés et ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;
- ces désordres, qui ne lui sont pas imputables, peuvent être imputés au bureau d'études technique et à l'entreprise chargée du contrôle technique ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 février 2014, présenté pour l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne, par la SELARL GAIA qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête et porte à 41 500 euros le montant réclamé au titre de la réparation de son trouble de jouissance et du préjudice esthétique, à 91 776,24 euros TTC la somme réclamée au titre des travaux de réfection des canalisations déjà engagés et à 30 000 euros la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Il soutient, en outre, que :
- l'ensemble des immeubles construits par l'entreprise Bouygues sont affectés du même phénomène de fuites résultant de la corrosion des canalisations encastrées du faut d'une instabilité dans le temps de leur gaines en PVC ; ces désordres, qui consistent en des entrées d'eau ou de gaz en plafonds des logements, rendent l'ouvrage dont il s'agit impropre à sa destination, comme l'a admis son assureur dommages-ouvrage ;
- la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France s'était opposée à l'examen des nouveaux désordres dans le cadre de l'expertise contradictoire ;
Vu l'ordonnance du 7 juillet 2014 fixant la clôture de l'instruction au 11 août 2004 à 12:00 sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 juillet 2014, présenté pour la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, par la SELARL Fizellier et Associés, qui confirme ses précédentes écritures ;
Elle fait valoir, en outre, que l'eau infiltrée provient nécessairement des branchements dans les gaines des parties communes, l'expert n'ayant pas constaté de défauts significatifs d'arase des gaines PVC au niveau des planchers ; que l'hypothèse d'une corrosion par décomposition du PVC constituant les fourreaux des canalisations renvoie dès lors à la seule responsabilité du maître de l'ouvrage pour manquement à l'entretien des réseaux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 2014, présenté pour la société Socotec France, par MeA..., qui conclut au rejet de la requête et de l'appel en garantie présenté par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, subsidiairement à la condamnation du bureau d'études techniques BETOM, de M. C...et de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et à ce que le versement de la somme de 8 000 euros soit mis à la charge de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- la demande présentée par le maître de l'ouvrage doit être rejetée dès lors qu'il n'est pas établi que les désordres en cause présentent un caractère décennal ;
- elle doit être mise hors de cause dès lors qu'aucune faute ne lui est imputable et que les vices dont il s'agit résultent des manquements commis par les constructeurs ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction, présenté pour la société BETOM Ingénierie, par MeD... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2015 :
- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- les observations de Me Bourg, avocat de l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne, celles de Me Demarthe-Chazarin, avocat de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, celles de Me Bureau, avocat de M. C...et celles de Me Lagrenade, avocat du bureau d'études techniques BETOM Ingénierie ;
1. Considérant que, par un marché public de travaux reçu en préfecture le 17 mars 1994, la société Bouygues a été chargée par l'office public d'HLM de Bonneuil-sur-Marne, devenu l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne, de l'exécution des lots de l'opération de construction d'un immeuble, dit " Messidor Ilot 8 ", comportant quatre-vingt-trois logements, au sein de la zone d'aménagement concertée de la Fosse aux Moines à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet d'architecte SPM, assisté par le bureau d'études techniques BETOM Ingénierie ; que la société Socotec a été chargée du contrôle technique des travaux ; que la société Bouygues a sous-traité l'exécution des travaux du lot " plomberie-VMC-chauffage " à la société Delacommune et Dumont ; que la réception des travaux a été prononcée avec effet au
1er décembre 1995, les réserves alors émises ayant été levées au 30 janvier 1996 ; qu'à compter de l'année 1997, sont apparus dans certains appartements de l'immeuble des désordres consistant en des fuites d'eau et de gaz en provenance des canalisations encastrées dans les dalles de l'ouvrage ; que, par ordonnance du 3 décembre 2004, prise sur la demande du maître de l'ouvrage, le président du Tribunal administratif de Melun a missionné M.B..., expert judiciaire, aux fins, notamment, de décrire les désordres et d'en déterminer l'origine ; que l'expert a déposé son rapport le
10 septembre 2007 ; que l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne relève appel du jugement en date du 31 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à réparer ses préjudices résultant des désordres liés aux fuites d'eaux chaude et froide et de gaz en provenance des canalisations encastrées, affectant certains des logements de l'immeuble " Messidor Ilot 8 " et l'a condamné à verser à cette société la somme de 7 618,52 euros TTC ;
Sur la responsabilité de l'entreprise de travaux :
2. Considérant qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-5 du code civil que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs n'est pas subordonné au caractère général et permanent des désordres ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des appartements de l'immeuble " Messidor Ilot 8 " ont été gravement affectés par des phénomènes de fuites d'eau froide ou d'eau chaude sanitaire ou de gaz provenant des canalisations encastrées dans les dalles de plafond de ces logements ; que ces désordres évolutifs, qui ont nécessité la mise en place immédiate de canalisations apparentes permettant une alimentation par dérivation, sont apparus dans le délai d'épreuve de la garantie décennale ; qu'ils étaient, en raison de leur nature et de leur ampleur, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que, dès lors, ces vices sont susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs ;
4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que les fuites affectant les logements trouvent leur origine dans la corrosion externe des tuyaux d'alimentation en cuivre qui s'expliquerait par un dégagement de chlore résultant du vieillissement de la gaine de PVC, combiné à la présence d'eau ou d'humidité ; qu'il n'est pas établi que ce phénomène de corrosion découlerait d'un défaut d'exécution des travaux, aucun défaut significatif d'arase des gaines PVC n'ayant été relevé dans le cadre des opérations d'expertise ; qu'en outre, il n'est pas démontré que l'entreprise chargée des travaux était à même d'émettre des réserves quant au choix du procédé ou des matériaux retenus ; que, dès lors, l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne n'est pas fondé à soutenir que les désordres dont il s'agit sont imputables à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France et que la responsabilité de cette entreprise est engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
Sur le remboursement des frais avancés par l'entrepreneur :
5. Considérant que s'il ressort de la page 192 du rapport d'expertise que la société qui est devenue la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France aurait avancé des sommes au titre des premières et deuxièmes épreuves de gaz, cette dernière société ne produit aucune justification afin d'établir que la somme de 7 618,52 euros TTC qu'elle réclame a été effectivement payée et correspond à des travaux requis par l'expert ; que, par suite, l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande de remboursement présentée par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France la somme de 7 618,52 euros TTC ;
Sur la contribution pour l'aide juridique :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la requête : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...) ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces dispositions par l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne, par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, par M. E...C...et par la société Socotec France ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 0905523/8 du 31 octobre 2012 du Tribunal administratif de Melun, condamnant l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne à verser la somme de 7 618,52 euros à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France devant le Tribunal administratif de Melun tendant à la condamnation de l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne à lui verser la somme de 7 618,52 euros TTC est rejetée.
Article 3 : La contribution pour l'aide juridique est laissée à la charge de l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, par
M. E...C...et par la société Socotec France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat de Bonneuil-sur-Marne, à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, à M. E...C..., au bureau d'études techniques BETOM Ingénierie et à la société Socotec France.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Sanson, président,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 février 2015.
Le rapporteur,
C. CANTIÉLe président,
M. SANSON
Le greffier,
A.-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA00059