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06/02/2015 | FRANCE | N°14PA02984

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 février 2015, 14PA02984


Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour M. A...D..., domicilié..., par Me B... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1314748/6-1 du 31 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 juillet 2013 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet, en cas d'annulation de la déc

ision portant refus de titre de séjour, de lui délivrer une carte de séjour...

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour M. A...D..., domicilié..., par Me B... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1314748/6-1 du 31 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 juillet 2013 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet, en cas d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) en cas d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. D... soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est dans l'impossibilité de reconstituer une vie privée normale en Guinée, sa famille et sa belle-famille l'ayant explicitement menacé en cas de retour dans son pays car il refuse de faire exciser sa fille ;

- il réside de manière continue depuis plus de deux ans en France où il a fixé le centre de ses intérêts privés, il assiste à des cours de français et travaille dans le secteur du nettoyage depuis octobre 2011 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle aurait dû faire l'objet d'une motivation distincte de la décision portant refus de titre de séjour et qu'elle a été prise au visa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans que soit précisé l'alinéa sur lequel s'est fondé le préfet ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par suite de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il risque des persécutions en cas de retour en Guinée du fait de son opposition à l'excision de sa fille, qu'il est issu d'un milieu de tradition musulmane très conservatrice où l'excision est un évènement courant, les autorités guinéennes tolérant cette pratique ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu la décision n° 2014/016148 du 22 mai 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. D...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Julliard, première conseillère,

- et les observations de M. D... ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant guinéen né le 1er juillet 1983 et entré sur le territoire français le 22 avril 2011 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'une carte de résident au titre de l'asile dans le cadre des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 30 juillet 2013, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a enjoint de quitter le territoire français ; que M. D... relève appel du jugement en date du 31 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant que la décision du 30 juillet 2013, fondée sur le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne notamment que le requérant a été débouté de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et souligne qu'il n'est pas porté, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée au regard des exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que si à la date de la décision attaquée, M. D... résidait en France depuis plus de deux ans et attestait d'une participation assidue à des cours de français organisés par la mairie de Paris et s'il soutient travailler dans le secteur du nettoyage depuis octobre 2011, il ressort des pièces du dossier que l'épouse et la fille de M. D... résident en Guinée ; que l'impossibilité alléguée par l'intéressé de se rapprocher des membres de sa famille en cas de retour dans son pays n'est pas établie ; que, dès lors, la décision de refus de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre, dès lors que ce refus est lui-même motivé ; qu'il est constant que M. D... s'est vu opposer un refus à sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, il en résulte que le préfet a entendu implicitement mais nécessairement se fonder sur le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi qu'il a été dit, la décision de refus de titre de séjour opposée à M. D... étant suffisamment motivée, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision l'obligeant à quitter le territoire ne peut être qu'écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

8. Considérant qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, d'écarter le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ces dernières stipulations énoncent que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que M. D... soutient qu'en raison de son opposition à l'excision de sa fille Bintou, il craint d'être persécuté par sa famille et sa belle-famille en cas de retour en Guinée ; que, toutefois, et comme l'a relevé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans sa décision du 14 novembre 2012 refusant à l'intéressé le bénéfice de l'asile, confirmée par une décision du 23 avril 2013 de la Cour nationale du droit d'asile, s'il apparait vraisemblable que la fille du requérant risque l'excision en Guinée, l'intéressé n'explique pas les raisons pour lesquelles il a quitté son pays sans son épouse et sa fille ni ses craintes en cas de retour, alors même qu'il affirme que sa famille ignore où se trouvent les deux femmes ; que, par suite, il n'établit pas l'existence de risques actuels et personnels pour sa sécurité ou sa vie en cas de retour en Guinée ; que le moyen doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 6 février 2015.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA02984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02984
Date de la décision : 06/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-06;14pa02984 ?
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