Vu le recours et le mémoire ampliatif, respectivement enregistrés les 22 juillet et 17 septembre 2013, présentés par le préfet de police de Paris qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302449/3-3 du 18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 15 janvier 2013 refusant à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée le 20 février 2013 par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Le préfet de police soutient que :
- s'agissant de l'erreur matérielle commise dans l'arrêté en litige et relative à la date d'entrée en France de MmeB..., celle-ci ne peut avoir d'incidence sur la légalité de celui-ci ;
- au regard de l'ensemble de la situation à la fois médicale, personnelle et familiale de MmeB..., telle que soumise à l'examen des premiers juges, et des conditions de séjour en France de l'intéressée, l'arrêté en litige, en tant qu'il porte notamment refus de délivrance du certificat de résidence sollicité par l'intéressée, ne saurait être regardé comme procédant d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décison sur la situation personnelle de celle-ci, et le tribunal ne pouvait se fonder sur un tel motif pour annuler cet arrêté et enjoindre à l'administration de délivrer à Mme B...un certificat de résidence ;
- non seulement la durée, mais encore les conditions d'arrivée en France en tant qu'étudiante de l'intéressée, ne lui confèrent aucune protection contre l'éloignement ;
- s'agissant de la situation médicale de l'intéressée, l'avis du médecin-chef du 29 août 2012 n'est pas remis en cause, les justificatifs fournis confirmant la possibilité pour
Mme B...d'être soignée dans son pays d'origine, comme elle le fut déjà jusqu'à son entrée en France en octobre 2004, alors que le dernier certificat médical du 23 avril 2012 versé au dossier par l'intéressée confirme l'amélioration durable de son état de santé et sa stabilisation ;
- son intégration socioprofessionnelle n'est pas suffisamment établie par les pièces versées ;
- en outre, l'intéressée est célibataire sans charge de famille, et n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où réside sa fratrie et où elle-même a vécu de longues années avec sa mère, en étant séparée de son père, son enracinement sur le territoire n'étant pas ainsi susceptible de révéler une erreur manifeste d'appréciation de la part du préfet ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2014, présenté pour
Mme A...B..., par MeC..., qui conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien, et de mettre à la charge de l'État, en faveur de son conseil, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Elle fait valoir que :
- le préfet acquiesce à ses dires quant à la durée de son séjour en France et du caractère continu de celui-ci ;
- son état de santé ne constitue pas le fondement de sa demande, puisqu'elle a demandé un titre de séjour vie privée et familiale au regard de la durée de son séjour, et il ressort de la décision litigieuse que le préfet n'accorde pas d'importance à sa situation personnelle et familiale, à son intégration non plus qu'à sa situation professionnelle, ne se prononçant qu'au vu des documents médicaux ;
- sur ce point, elle établit qu'elle ne peut bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée dans son pays d'origine, alors que le défaut de soins pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce que le médecin-chef ne conteste pas ;
- aux termes d'un certificat médical du 19 mai 2011 d'un praticien hospitalier, elle nécessite un suivi régulier dans un centre de diabétologie spécialisé appelé centre initiateur, ce type de traitement insulinique intensifié n'étant pas envisageable en Algérie ;
- elle a été à nouveau hospitalisée en janvier 2013, et au terme de cette hospitalisation il apparaît bien qu'elle doit être prise en charge spécifiquement ; cette prise en charge n'est pas possible en Algérie d'une part, car le traitement associe plusieurs médicaments non disponibles dans ce pays, et d'autre part en raison de ce qu'elle ne pourrait y avoir accès en tout état de cause aux soins indispensables, compte tenu du système de santé algérien ;
- ainsi, le préfet, auquel il appartient d'apporter la preuve de la disponibilité du traitement dans son pays d'origine, a méconnu les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien et a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
- sa volonté d'intégration dans la société française est indéniable, reprenant une formation après un licenciement dû à son handicap physique, de même que sont indéniables ses fortes attaches familiales en France, la durée de son séjour, le suivi de ses études et de ses formations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision n° 2013/049962 en date du 19 décembre 2013 par laquelle la section Cour administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle de Paris a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 d'application de la loi n°91-647 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015, le rapport de M. Privesse, premier conseiller ;
1. Considérant que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement en date du 18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de Mme B..., tendant à l'annulation de sa décision en date du 15 janvier 2013, refusant à l'intéressée son admission au séjour, qu'elle avait sollicitée le 5 juin 2012, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant le pays de destination, au motif que cette décision, eu égard à son état de santé, à son intégration en France et à ce qu'elle y dispose de la présence de ses parents, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante algérienne née le 5 mai 1979, entrée régulièrement en France le 5 octobre 2004 s'est inscrite pour suivre un cursus de sciences politiques à l'université de Paris VIII et de ce fait, a été titulaire d'un titre de séjour en qualité d'étudiante jusqu'en 2007 ; qu'elle a alors demandé son changement de statut en vue d'occuper un emploi d'aide cuisinière, ce qui lui a été refusé en 2008 puis en 2009 ; qu'à la suite d'une annulation contentieuse, l'intéressée a obtenu un titre de séjour en raison de son état de santé valable d'avril 2010 à avril 2011 ; que de 2006 à 2011, elle a occupé un emploi en qualité d'aide cuisinière polyvalente, mais son état de santé s'étant dégradé à la suite de l'aggravation du diabète de type 1, dont elle souffre depuis l'âge de 12 ans, elle a été hospitalisée du 27 juin 2011 au 1er juillet 2011, puis du 25 juillet au 1er août 2012 et du
2 au 9 janvier 2013 ; que par un courrier du 5 avril 2011, la Maison départementale des personnes handicapées de Paris lui a reconnu la qualité de travailleur handicapée jusqu'au 4 avril 2016 ; qu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique en juin 2012 ; que toutefois, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé, dans un avis du 29 août 2012, sur lequel s'est fondé le préfet pour refuser à Mme B...le titre de séjour qu'elle sollicitait, que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si des certificats médicaux des 28 février 2012 et 25 février 2013 antérieurs ou contemporains de la décision contestée, font état de la nécessité d'une prise en charge médicale spécialisée dans un centre de diabétologie spécialisé et que ce type de traitement ne peut être envisagé dans le pays d'origine, il n'est pas établi que la poursuite du traitement en Algérie présenterait des risques pour l'état de santé de la patiente ; que d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier que celle-ci, arrivée en 2004 en France, est retournée en Algérie presque chaque année pour un séjour d'un mois chaque fois jusqu'en 2010, sans qu'il soit fait état de problèmes particuliers dans le suivi de son traitement ;
4. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'en raison du coût du traitement et de la faiblesse de ses ressources, ainsi que des conditions actuelles du système d'assurance-maladie en Algérie, elle n'aurait pas accès au traitement nécessité par son état de santé, en tout état de cause, elle ne l'établit pas, alors surtout qu'elle a pu y être soignée entre l'âge de 12 ans et l'âge de
25 ans auquel elle est entrée en France ; qu'ainsi, le préfet de police a pu estimer que l'intéressée pouvait être soignée en Algérie ;
5. Considérant, par ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a vécu éloignée de son père qui était en France depuis longtemps et a acquis la nationalité française en 2010, que sa mère est arrivée en France en 2011, qu'elle est célibataire sans charge de famille et que toute sa fratrie, composée de trois frères et trois soeurs, réside en Algérie, pays qu'elle a quitté à l'âge de 25 ans ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3, 4 et 5, que, contrairement à ce qu'on estimé les premiers juges en se fondant sur l'état de santé de MmeB..., son intégration en France et la présence de ses parents, en n'accordant pas de titre de séjour à l'intéressée et en prenant à son encontre une mesure d'éloignement, le préfet de police, comme le soutient le ministre de l'intérieur, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de MmeB... ;
7. Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
8. Considérant en premier lieu, que l'erreur de fait commise par le préfet dans l'arrêté contesté, notamment relative à sa date d'arrivée sur le territoire français, datée du 5 novembre 2012 alors qu'il s'agissait du 5 octobre 2004, ne revêt pas un caractère sérieux, le préfet ne remettant pas en cause dans ses écritures cette seconde date, et acquiesçant au demeurant aux dires de l'intéressée quant à la durée de son séjour en France ; que le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...n'a pu obtenir un diplôme en 2007 à la fin de ses études, et n'a justifié avoir travaillé en tant qu'aide-cuisinière que jusqu'au 28 juin 2012, date à laquelle elle a été licenciée pour inaptitude physique ; que, s'il ressort des attestations établies les 5 avril 2011, 2 mai, 3 juillet, 13 août et 9 octobre 2012, par les responsables de formation professionnelle d'organismes départementaux d'insertion sociale et professionnelle et notamment de la maison départementale des personnes handicapées de Paris, que l'intéressée, en dépit de son état de santé, a pu suivre des formations professionnelles valorisantes depuis son arrivée en France, et qu'elle a été admise pour une durée de 22 mois à un stage de " Technicien Réseaux et Télécommunications d'Entreprise ", ces éléments ne sont pas par eux-mêmes de nature à justifier d'une véritable intégration socioprofessionnelle de
Mme B...;
10. Considérant en troisième lieu, que, comme dit ci-dessus, la requérante a vécu éloignée de son père qui était en France depuis longtemps, que sa mère est arrivée en France en 2011, qu'elle est célibataire sans charge de famille et que toute sa fratrie, composée de trois frères et trois soeurs est en Algérie qu'elle a quittée à l'âge de 25 ans ; qu'ainsi elle ne peut prétendre que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant un titre de séjour ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de MmeB..., et à demander l'annulation du jugement qu'il conteste ;
Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1302449/3-3 du 18 juin 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- Mme Sanson, président assesseur,
- M. Privesse, premier conseiller,
Lu en audience publique le 27 janvier 2015.
Le rapporteur,Le président,J-C. PRIVESSEE. COËNT-BOCHARDLe greffier,A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA02870