Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 juillet 2014, régularisée le 23 juillet suivant par la production de l'original, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Gacon, avocat ; Mme A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1309423 du 26 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 octobre 2013 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;
- le préfet de Seine-et-Marne n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;
- en rejetant sa demande, le préfet de Seine-et-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle dispose d'attaches privées et familiales en France, qu'elle y réside depuis 2010, qu'elle est séparée de son époux, qu'elle justifie être prise en charge par ses filles, et qu'elle s'occupe de ses petits-enfants dont l'un est atteint d'autisme ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation personnelle et familiale ;
- la mesure d'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination que comporte cet arrêté reposent également sur une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation, et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2014, présenté par le préfet de Seine-et-Marne, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Coiffet, président,
- et les observations de Me Gacon, avocat de Mme A... ;
1. Considérant que MmeA..., ressortissante congolaise entrée pour la dernière fois en France le 23 janvier 2010, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 8 octobre 2013, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ; que Mme A...fait appel du jugement du 26 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France à la fin du mois de janvier 2010 sous couvert d'un visa de court séjour et y réside depuis lors de façon habituelle ; qu'elle dispose d'importantes attaches familiales sur le territoire français où vivent sa soeur, ainsi que ses deux filles, dont l'aînée est titulaire de la nationalité française ; qu'elle est hébergée et prise en charge par sa fille aînée et son gendre, qu'elle assiste en participant quotidiennement à l'éducation de leurs trois enfants ; qu'elle s'occupe plus particulièrement de son petit-fils dont il n'est pas contesté qu'il est atteint d'autisme, et qu'elle accompagne régulièrement à l'école et auprès de différents professionnels de santé, permettant ainsi aux parents d'exercer leur activité professionnelle dans des conditions normales ; qu'enfin, elle justifie être effectivement séparée de son époux ; que, dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du 26 juin 2014 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 8 octobre 2013 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Vincelet, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2015.
Le rapporteur,
V. COIFFETLe président,
S.-L. FORMERY Le greffier,
S. CHALBOT-SANTT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03226