Vu la requête, enregistrée le 13 août 2014, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1405568/3-2 du 9 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté notifié le 26 juillet 2013 refusant à
M. D...A...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'intéressé, qui affirme être entré en France le 26 mars 2006, n'a sollicité un titre de séjour que le 18 septembre 2012 ;
- la présence continue et habituelle de l'intéressé sur le territoire français n'est établie qu'à compter de l'année 2010 ;
- l'intéressé ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité des liens privés et familiaux dont il se prévaut ;
- si l'intéressé se prévaut de son pacte civil de solidarité conclu le 29 novembre 2011 avec MmeF..., de nationalité ivoirienne et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 5 octobre 2022, la communauté de vie n'est établie qu'à compter de 2012, soit depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté en litige ;
- le requérant ne démontre pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- il ne justifie d'aucune intégration, notamment professionnelle, à la société française ;
- rien ne s'oppose à ce qu'il poursuive sa vie familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, avec sa compagne de nationalité ivoirienne qui ne justifie pas davantage d'une intégration professionnelle significative en France, où elle n'est titulaire que d'un contrat de garde d'enfants pour une durée de vingt heures par mois, ainsi qu'avec l'enfant en bas âge qu'elle a eu d'une précédente union et leur enfant, également en bas âge ;
- s'agissant des autres moyens, il se réfère à ses écritures en première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2014, présenté pour M. D...A..., demeurant..., par MeE... ; il conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation de l'arrêté notifié le 26 juillet 2013 ;
3°) à titre principal, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;
4°) à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'une insuffisance de motivation au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté ne contient aucune date certaine et doit, par ce seul motif, être annulé ;
- l'arrêté méconnaît tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il se prévaut de liens familiaux et conjugaux en France, est présent sur le territoire depuis 2006, y a, en 2011, conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante ivoirienne, est dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, est père d'un enfant âgé de 3 ans, parle le français, dispose d'un logement, s'acquitte de ses obligations fiscales, recherche activement un emploi et est bien intégré à la société française ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et porte une atteinte grave à l'intérêt supérieur de son enfant scolarisé en France, qui risque de se trouver séparé de l'un de ses parents ;
- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale et personnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision n° 2014/045838 du 27 novembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2015 le rapport de M. Niollet, premier conseiller ;
1. Considérant que M.A..., de nationalité ivoirienne, né le 14 janvier 1977 à Anyama (Côte-D'ivoire), est entré en France au cours de l'année 2006 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté non daté, qui lui a été notifié le 26 juillet 2013, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 9 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.A..., a annulé cet arrêté ;
Sur les conclusions du préfet de police :
2. Considérant qu'aux termes de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l' homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté du préfet de police, les premiers juges ont considéré que M. A...justifiait résider habituellement en France depuis 2007 et établissait sa communauté de vie, depuis juillet 2011, avec une ressortissante ivoirienne titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2022, avec qui il a eu un enfant né le 25 août 2011 et a conclu un pacte civil de solidarité le 29 novembre 2011 ; qu'ils ont estimé que, dans ces conditions, l'arrêté du préfet de police avait porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus ;
4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...ne justifie de sa présence habituelle et continue en France que depuis 2010, les documents qu'il a produits, consistant en des ordonnances médicales, des attestations d'aide médicale d'État, des courriers de " solidarité transport ", des factures et un avis d'imposition ne mentionnant aucun revenu, ne pouvant établir cette présence pendant les années 2007 à 2009 ; que, ni les quelques factures EDF établies aux noms de M. A...et de sa compagne, dont la plus ancienne remonte à février 2011, ni la déclaration de vie commune du 12 septembre 2011 ne sont de nature à établir l'ancienneté et l'effectivité de la communauté de vie dont il se prévaut ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il participerait à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; qu'il ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive dans son pays, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans, avec sa compagne, également de nationalité ivoirienne, ainsi qu'avec l'enfant en bas âge qu'elle a eu d'une précédente union et leur enfant, également en bas âge ; que, dans ces conditions, eu égard notamment au caractère récent de son séjour en France et du pacte civil de solidarité dont
M. A...se prévaut, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté au motif qu'il aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale ;
5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
6. Considérant, en premier lieu, que M. B...C..., qui a signé l'arrêté en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police en date du 4 janvier 2013, régulièrement publiée au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 11 janvier 2013, à l'effet, notamment, de signer les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté manque en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en litige se réfère au 7° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne notamment que M. A...est entré en France en 2006, qu'il a contracté un pacte civil de solidarité avec une ressortissante de nationalité ivoirienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au
5 octobre 2022, qu'il est père d'un enfant de nationalité ivoirienne né en France le 25 août 2011 et qu'il n'atteste pas d'une ancienneté de vie commune suffisante avec sa compagne ; qu'ainsi, il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé ;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'absence de mention de la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris ne saurait être regardée comme l'omission d'une formalité substantielle de nature à l'entacher d'illégalité ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'il résulte de ce qui a été exposé au point 4 ci-dessus que le préfet de police n'a pas méconnu ces dispositions, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'en l'absence de toute circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive dans son pays avec sa compagne et leur enfant en bas âge, M. A...n'est pas fondé à soutenir que cet enfant pourrait se trouver séparé de l'un de ses parents en méconnaissance de ces stipulations ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté notifié le 26 juillet 2013, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 ; que, par voie de conséquence, la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1405568/3-2 du Tribunal administratif de Paris du 9 juillet 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2014 à laquelle siégeaient :
Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Niollet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 21 janvier 2014.
Le rapporteur,
J.C. NIOLLETLe président,
S. TANDONNET-TUROT
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 14PA03679