Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 juin 2013 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1310774 du 11 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme B...et annulé l'arrêté du préfet de police du 21 juin 2013.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2014, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1310774 du 11 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- MmeB..., qui ne démontre pas qu'elle souffre d'une forme sévère d'érythème polymorphe, produit des certificats médicaux insuffisamment circonstanciés et n'établit pas que le défaut des soins nécessités par son état de santé serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- l'Arménie dispose de nombreuses structures spécialisées en dermatologie et de traitements appropriés à la maladie de MmeB..., et si le médicament à base de Thalidomide n'est pas commercialisé dans ce pays, l'intéressée n'établit pas qu'il est le seul traitement approprié à sa pathologie, ce médicament n'étant d'ailleurs prescrit qu'à titre dérogatoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2014, Mme B..., représentée par Me Beyreuther Minkov, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens présentés par le préfet de police ne sont pas fondés et qu'en outre, son état de santé s'est aggravé ;
- le signataire de l'arrêté du 21 juin 2013 n'était pas compétent pour prendre un tel acte ;
- ayant désormais le centre de sa vie privée et familiale en France, où elle réside depuis cinq années et est bien intégrée, la décision du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- eu égard à la gravité de son état de santé, son retour en Arménie constituerait un traitement inhumain et dégradant.
Par une décision du 25 septembre 2014, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dhiver.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante arménienne née le 15 août 1979, a sollicité le 19 mars 2013 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 21 juin 2013, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai ; que le préfet de police fait appel du jugement du 11 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 juin 2013 ;
Sur l'appel du préfet de police :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...), à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est atteinte d'un syndrome d'érythème polymorphe cutanéomuqueux apparu à l'âge de 14 ans et qui s'est fortement aggravé depuis 2008 ; qu'elle est suivie régulièrement par le docteur Guibal, praticien hospitalier dans le service de dermatologie de l'hôpital Saint-Louis à Paris, qui lui prescrit un traitement à base de Thalidomide ; que si le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé, dans son avis du 14 mai 2013, que le défaut de prise en charge médicale de Mme B... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort des certificats médicaux établis par le docteur Guibal que l'affection dont souffre l'intéressée se présente dans sa forme majeure récidivante et se manifeste par des lésions importantes, plus particulièrement des lésions buccales l'empêchant de s'alimenter normalement ; que les extraits de publications sur des sites internet produits par le préfet ne suffisent pas à établir que, contrairement aux éléments ressortant des dires du docteur Guibal, le défaut de prise en charge de sa pathologie ne serait pas susceptible d'entraîner pour Mme B...des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis par le docteur Guibal, que la pathologie dont souffre Mme B...nécessite, eu égard à sa gravité, un traitement à vie à base de Thalidomide soumis à prescription hospitalière et nécessitant une surveillance particulière pendant la durée du traitement ; que l'intéressée produit une attestation délivrée par le ministère de la santé de la République d'Arménie indiquant que le Thalidomide n'est pas enregistré en Arménie et ne peut donc y être ni importé ni commercialisé ; que le préfet, qui se borne à produire la liste des médicaments essentiels en Arménie, sur laquelle ne figure pas le Thalidomide mais uniquement quelques médicaments traitant les maladies dermatologiques, ainsi que des extraits de publications sur des sites internet faisant référence à diverses structures spécialisées en dermatologie en Arménie, n'établit pas que le traitement approprié à la pathologie dont souffre Mme B...est disponible dans ce pays ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 juin 2013 au motif qu'il méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions incidentes aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu par les premiers juges et confirmé par le présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit délivré à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Beyreuther Minkov, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Beyreuther Minkov de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Beyreuther Minkov, avocat de MmeB..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Beyreuther Minkov renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B...et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Marino, président assesseur,
- Mme Dhiver, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2014.
Le rapporteur,
M. DHIVERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14PA01708