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31/12/2014 | FRANCE | N°14PA00460

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 décembre 2014, 14PA00460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012 autorisant son licenciement par le Centre médical de Forcilles.

Par un jugement n° 1202096 du 4 décembre 2013, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B...et annulé la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2014, le Centre médical de Forcilles, repré

senté par Mes Martin Bozzi et Bredon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012 autorisant son licenciement par le Centre médical de Forcilles.

Par un jugement n° 1202096 du 4 décembre 2013, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B...et annulé la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2014, le Centre médical de Forcilles, représenté par Mes Martin Bozzi et Bredon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202096 du 4 décembre 2013 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- M. B...a été à même de consulter l'intégralité de son dossier lors de l'enquête menée par l'inspecteur du travail en application des dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail ; plus particulièrement, l'intéressé n'a pas demandé à consulter les documents qui étaient joints à la demande d'autorisation de licenciement et le principe du contradictoire n'implique nullement que l'inspecteur du travail communique d'office ces pièces au salarié ; en outre, compte tenu du comportement violent de M.B..., une simple lecture des témoignages de salariés était de nature à protéger ces derniers ;

- le licenciement pour faute de M. B...est justifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2014, M.B..., représenté par la SCP Dumont, Bortolotti, Combes et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire de l'Etat et du Centre médical de Forcilles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail ne l'a pas mis en mesure de prendre connaissance des documents joints à la demande d'autorisation de licenciement, ni ne l'a informé de la possibilité de demander une copie de ces documents ;

- les incidents qui se sont produits en octobre et novembre 2011, au cours desquels il n'a pas été injurieux, s'expliquent par la situation de stress dans laquelle il se trouvait et ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver ;

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Martin Bozzi, avocat du Centre médical de Forcilles.

1. Considérant que M. B...a été recruté le 19 avril 1999 par le Centre médical de Forcilles, au sein duquel il exerçait les fonctions de gardien de jour et était titulaire d'un mandat de délégué du personnel suppléant depuis le 30 mars 2010 ; que, le 9 décembre 2011, le Centre médical de Forcilles a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour faute M. B...en raison de manquements au respect des consignes de sécurité et de son comportement agressif et injurieux à l'égard de sa hiérarchie, lors d'un incident qui s'est produit le 16 novembre 2011 ; que l'inspecteur du travail a, par une décision du 2 janvier 2012, autorisé le licenciement ; que, par la présente requête, le Centre médical de Forcilles relève appel du jugement du 4 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012 ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;

3. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien du 29 décembre 2011, l'inspecteur du travail s'est borné à lire à M. B...les deux courriers, qui avaient été versés par le Centre médical de Forcilles à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, rédigés par le responsable hiérarchique direct de l'intéressé et par le chef des services techniques relatant les événements qui s'étaient produits le 16 novembre 2011 ; que, s'il était reproché à M. B...un comportement agressif et injurieux, il ne résulte pas de l'instruction que ce comportement imposait, afin de ne pas porter gravement préjudice aux auteurs des deux courriers, qu'il ne puisse être donné au salarié protégé un accès plus complet aux documents ; que, lors du même entretien du 29 décembre 2011, l'inspecteur du travail n'a pas communiqué à M. B...le résumé de l'entretien préalable du 5 décembre 2011 rédigé par l'employeur ni le rapport relatif à un incident de brancardage du 28 avril 2011, qui étaient également joints à la demande d'autorisation de licenciement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail aurait mentionné l'existence de ces documents lors de l'entretien avec le salarié, ni qu'il aurait aussi fait état du témoignage d'une troisième salariée, ni non plus qu'il aurait fait connaître à M. B...le droit dont il disposait de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ; que l'inspecteur du travail n'a ainsi pas mis l'intimé à même de présenter utilement sa défense avant de prendre, le 2 janvier 2012, sa décision d'autoriser le licenciement ; qu'il a ainsi entaché sa décision d'illégalité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Centre médical de Forcilles n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le Centre médical de Forcilles demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre solidairement à la charge de l'Etat et du Centre médical de Forcilles une somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Centre médical de Forcilles est rejetée.

Article 2 : L'Etat et le Centre médical de Forcilles verseront solidairement à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Centre médical de Forcilles, à M. A...B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Marino, président assesseur,

- Mme Dhiver, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2014.

Le rapporteur,

M. DHIVERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00460
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande. Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CABINET BRL ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-31;14pa00460 ?
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