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19/12/2014 | FRANCE | N°14PA00078

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 19 décembre 2014, 14PA00078


Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2014, présentée pour Mme A... B...épouse D...et M. C... D...demeurant..., par le cabinet Remy le Bonnois ; M. et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107131/1 du 8 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête tendant, d'une part, à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 3 618 948,85 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'hospi

talisation de Mme D...à l'hôpital Henri Mondor de Créteil en août 2006...

Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2014, présentée pour Mme A... B...épouse D...et M. C... D...demeurant..., par le cabinet Remy le Bonnois ; M. et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107131/1 du 8 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête tendant, d'une part, à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 3 618 948,85 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'hospitalisation de Mme D...à l'hôpital Henri Mondor de Créteil en août 2006, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert médical spécialisé en neurochirurgie et à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à les indemniser intégralement de ces mêmes préjudices en raison de la faute dans l'organisation du service résultant de la perte du dossier médical de Mme D..., d'autre part, à la mise à la charge de l'ONIAM ou de l'AP-HP le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de dire que Mme D...a été victime d'un accident médical indemnisable par l'ONIAM ;

3°) subsidiairement, de désigner un expert médical spécialisé en neurochirurgie pour réaliser une contre-expertise ;

4°) encore plus subsidiairement, de condamner le centre hospitalier Henri Mondor de Créteil à les indemniser de leurs préjudices ;

5°) en tout état de cause, d'évaluer les préjudices de Mme D...à la somme totale de 3 305 117,05 euros et les préjudices de M. D...à la somme totale de 80 000 euros ;

6°) de leur allouer chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner toute partie succombante aux entiers dépens ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Julliard, première conseillère,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me Guyon avocat de Mme et M. D... ;

- et les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

1. Considérant que MmeD..., née le 6 mai 1973, a été admise le 12 août 2006 en urgence, pour des céphalées et cervicalgies accompagnées de vomissements apparues depuis deux mois, au centre hospitalier de Longjumeau où a été diagnostiqué un " hématome temporo-pariétal droit de 35 mm environ avec hémorragie méningée des deux scissures sylviennes, autour du tronc cérébral et en inter hémisphérique " ; qu'elle a été transférée en soins intensifs de neurochirurgie à l'hôpital Henri Mondor de Créteil où une embolisation sous anesthésie générale a été pratiquée le jour même pour traiter cet anévrisme cérébral ; que le 16 août, les suites de cette intervention sont compliquées de spasmes de la cérébrale moyenne et une angioplastie a été réalisée ; que parallèlement, Mme D...présentait un tableau infectieux évoluant depuis le 14 août, avec fièvre à 38-39° et une antibiothérapie a été mise en place à compter du 16 août et élargie, à compter du 19 août, en raison de la persistance de la fièvre, alors qu'apparaissaient des signes de distension abdominale ; que le 20 août 2006, un scanner abdominal a mis en évidence les signes d'un infarctus mésentérique avec pneumatose pancolique et du grêle ; que ce même jour elle a subi une colectomie subtotale avec une résection étendue du grêle, laissant en place 20 centimètre de jéjunum proximale mis en stomie terminale ; que l'analyse de la pièce opératoire a confirmé un infarctus du grêle et une colite nécrosante ; qu'une brutale hémorragie digestive est survenue le 4 septembre 2006 et une endoscopie oesogastroduodénale a montré une nécrose de l'anse jéjunale restante ce qui a conduit dès le 5 septembre 2006 à pratiquer une résection de 20 cm de jéjunum restante, avec mise en place d'une sonde Pezzer sur l'extrémité distale du duodénum ; que les suites de ces chirurgies ont nécessité des changements de la sonde, une hospitalisation jusqu'en décembre 2006, la mise en place d'une nutrition parentérale et une hospitalisation à domicile jusqu'en mars 2007, une nouvelle hospitalisation en avril 2007 pour insuffisances intestinales, douleurs et vomissements et remplacement de la sonde en urgence, des épisodes convulsifs à deux reprises en 2006 et 2007, un changement de la sonde tous les trois mois depuis 2008, une hospitalisation pour un bilan pré-greffe en décembre 2008 et une hospitalisation d'avril à juin 2009 pour une évaluation nutritionnelle ; que MmeD..., qui souffre d'une perte quasi-totale de l'autonomie digestive, s'est vu reconnaître un taux d'invalidité de 80% le 6 mars 2008 et un classement en 3ème catégorie à compter du 31 juillet 2009 ; que les époux D...ont saisi la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la région Ile-de-France qui a désigné deux experts, les docteurs Tadié neurochirurgien et Sollet infectiologue, qui ont déposé le 14 février 2010 leur rapport sur la base duquel la commission a rendu, le 25 mars 2010, un avis de rejet de leur demande d'indemnisation ; que par une requête en référé, les époux D...ont demandé au président du Tribunal administratif de Melun d'ordonner une nouvelle expertise, demande qui a été rejetée par ordonnance du 17 mars 2011 ; que par une requête enregistrée le 21 septembre 2011, les époux ont demandé au Tribunal administratif de Melun réparation des préjudices matériels et personnels subis par Mme D...et des préjudices personnels subis par M. D..., au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'AP-HP ; qu'ils relèvent appel du jugement du 8 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête ;

Sur la demande d'indemnisation sur le fondement de la solidarité nationale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise que la cause de la nécrose du tube digestif à l'origine des préjudices subis par Mme D... n'a pu être déterminée avec certitude ; que si les experts ont évoqué plusieurs hypothèses explicatives, à savoir les conséquences de la procédure d'embolisation pratiquée, une entérocolite d'origine médicamenteuse, une entérocolite ulcéro-nécrosante, une colite ischémique liée à l'utilisation de drogues vaso-actives comme la noradrénaline, enfin, l'état antérieur de la patiente, et notamment l'éventualité d'un lien avec le siège de son hématome cérébral, ils n'ont pu en privilégier aucune ; qu'ils en ont conclu que la survenue de la nécrose du tube digestif était une complication majeure survenue durant l'hospitalisation de Mme D..., mais dont l'étiologie ne pouvait être affirmée avec certitude et qu'il n'était donc pas possible de la relier de façon certaine à un acte thérapeutique, ni à une étiologie toxiinfectieuse, ni à son état antérieur ; que si les appelants soutiennent, en se fondant notamment sur les dires de leur conseil, le professeur Meistelman du CHU de Nancy, la thèse de la relation entre ischémie mésentérique et embolisation artérielle de l'anévrisme ou traitement par noradrénaline ou encore infection survenue à l'hôpital, ils n'apportent aucun élément déterminant à l'appui d'aucune de ces hypothèses ; que par conséquent et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, dès lors qu'il ne peut être établi de lien de causalité direct et certain entre les dommages subis par Mme D...et un acte médical, la première condition légale exigée pour ouvrir droit à une indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la solidarité nationale n'est pas remplie ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la demande d'indemnisation sur le fondement de la solidarité nationale ne peut qu'être rejetée ;

Sur la demande d'indemnisation à raison de la perte fautive du dossier médical :

5. Considérant que s'il n'est pas établi que la perte d'une partie du dossier médical de Mme D... ait fait perdre à cette dernière une chance sérieuse d'établir l'origine de ses dommages, il ressort de l'instruction que cette dernière a subi un préjudice moral certain du fait de la non communication, à laquelle elle avait droit, de ces pièces contenant notamment des informations sur les prescriptions médicamenteuses reçues et les signes cliniques qu'elle présentait avant que l'ischémie mésentérique ne soit diagnostiquée ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D...en fixant à 2 000 euros le montant de l'indemnité que devra lui verser l'AP-HP à titre de réparation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme et M. D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 2 000 euros à verser à Mme et M. D... sur le fondement des mêmes dispositions et de rejeter la demande au titres des dépens qui ne sont pas justifiés ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'AP-HP versera à Mme D... et M. D... une somme de 2 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1107131/1 du 8 novembre 2013 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'AP-HP versera à Mme D... et M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... et M. D... est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00078
Date de la décision : 19/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : TSOUDEROS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-19;14pa00078 ?
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