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23/10/2014 | FRANCE | N°14PA01596

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 octobre 2014, 14PA01596


Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour M. C... A..., demeurant à..., par Me B... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308430/12 du 12 octobre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun, après avoir annulé la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 9 octobre 2013 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui

refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l...

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour M. C... A..., demeurant à..., par Me B... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308430/12 du 12 octobre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun, après avoir annulé la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 9 octobre 2013 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et le plaçant en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014, le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité ghanéenne né le 18 août 1982, entré en France, selon ses déclarations, en février 2009, a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 9 octobre 2013 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, lui interdisant tout retour sur le territoire pour une durée d'un an et décidant son placement en rétention ; que M. A...relève appel du jugement du 12 octobre 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision portant interdiction de retour et a rejeté sa demande tendant à l'annulation des autres décisions ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entre ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 précité où le préfet peut décider d'obliger un étranger à quitter le territoire français ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) " ;

5. Considérant que la décision attaquée vise les textes dont il est fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle indique que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, qu'il est dépourvu de passeport et de visa normalement requis, conformément à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que de ce fait, il entre dans le champ d'application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code précité ; que cette décision mentionne également que l'intéressé déclare comprendre la langue française et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ; qu'elle comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, laquelle doit donc être regardée comme suffisamment motivée, alors même que toutes les indications relatives à la situation privée et familiale de M. A... ne sont pas mentionnées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.A... ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis le mois de février 2009 avec son épouse et leurs trois enfants dont deux sont nés en France, que les deux plus grands sont scolarisés à l'école élémentaire, que depuis le 17 février 2011, ils sont pris en charge de manière stable par le 115 et hébergés à l'hôtel et qu'il travaille pour subvenir à leurs besoins ; qu'il ressort toutefois de son procès-verbal d'audition qu'il a déclaré que son épouse ne possède pas de titre de séjour et qu'il n'a pas de famille sur le territoire français autre que sa femme et ses enfants ; qu'il ne fait valoir aucune circonstance qui ferait obstacle à la poursuite de sa vie privée et familiale avec ses enfants et sa conjointe dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans ; que dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A...doivent donc être écartés ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que M. A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article L. 313-14 du même code, lesquelles ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et, par conséquent, ne sont pas susceptibles de faire obstacle, le cas échéant, au prononcé d'une mesure d'éloignement ; qu'en tout état de cause, le requérant, qui invoque ses attaches familiales en France, n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 précité ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être écartés ;

10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que M. A... fait valoir que son éloignement séparera de façon brutale ses deux enfants de leur père en pleine année scolaire et portera un préjudice grave à leur équilibre, à leur bien être et à leur éducation ; qu'il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier et ainsi qu'il a été dit que, eu égard au jeune âge de ses enfants, nés en 2008 et 2010, et à la situation irrégulière de son épouse, la vie familiale ne puisse se poursuivre dans le pays d'origine de l'intéressé où il n'allègue pas qu'ils ne pourraient y être scolarisés ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;

13. Considérant que la décision contestée qui vise le II du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui mentionne qu'il existe un risque que M. A..., dépourvu de passeport, se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dans la mesure où il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté ;

14. Considérant que M. A... soutient qu'en édictant l'obligation de quitter le territoire sans l'assortir d'un délai de départ volontaire, le préfet a méconnu sa situation personnelle et invoque des garanties de représentation ; qu'il fait valoir qu'il a produit la copie de son passeport, qu'il atteste être pris en charge de façon stable par le 115 depuis le 17 février 2011, qu'il réside avec son épouse et leurs trois enfants dont deux sont scolarisés, ce qui écarte tout risque de fuite ; que toutefois et ainsi qu'il a été dit, il n'établit ni être entré régulièrement sur le territoire français, ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'au cours de son audition par les services de police, il a admis qu'il est en situation irrégulière sur le territoire français ainsi que son épouse, qu'il a été mis en cause pour des faits d'usurpation d'identité et séjour irrégulier et qu'il est sans domicile fixe ; que dans ces conditions, eu égard au risque de fuite de l'intéressé, en décidant de ne pas accorder un délai de départ du territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine n'a commis ni une erreur de droit, ni une erreur manifeste d'appréciation ;

15. Considérant, en second lieu, qu'à l'appui des moyens tirés de l'atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur des enfants, celui-ci se borne à reprendre les éléments invoqués à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, ce faisant, il n'apporte aucun élément de nature à établir que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que, par suite, les moyens soulevés doivent, en tout état de cause, être écartés, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet des Hauts-de-Seine ;

16. Considérant, qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

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N° 10PA03855

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N° 14PA01596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01596
Date de la décision : 23/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUCHENE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-10-23;14pa01596 ?
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