Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 13 novembre 2013, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1111487/7-1 du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. D... B...en annulant l'arrêté du 31 mai 2011 décidant de son expulsion du territoire français, en lui enjoignant de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et en mettant à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée le 10 octobre 2014 pour M. B..., par Me Kissangoula ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Kissangoula, avocat de M.B... ;
1. Considérant que par un arrêté du 3 mai 1995, le ministre de l'intérieur a prononcé l'expulsion du territoire français de M. B..., ressortissant marocain, né le 23 avril 1963, entré en France en 1974 selon ses déclarations ; que par un jugement n° 9512801/4 du 28 mars 1997, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ; que le 17 octobre 2000, il s'est vu délivrer un visa Schengen grâce auquel il est revenu en France le 26 octobre 2000 et a été mis en possession d'un premier titre de séjour valable du 12 février 2002 au 11 février 2003, régulièrement renouvelé jusqu'au 5 août 2010 ; que la commission spéciale d'expulsion a émis le 17 mai 2011 un avis défavorable à son expulsion ; que le préfet de police a pris à l'encontre de M. B..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté d'expulsion en date du 31 mai 2011, au motif que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour l'ordre public ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui déclare être entré en France en 1974 à l'âge d'onze ans, a été condamné, entre juillet 1985 et octobre 1994, puis entre mars 2004 et décembre 2008, pour de nombreux faits délictueux, lesquels ont donné lieu au prononcé de plusieurs peines d'emprisonnement ferme et de deux mesures d'interdiction du territoire de trois ans le 19 juin 1990 et le 16 septembre 1992, totalisant un quantum de peine de sept ans et dix mois d'emprisonnement ; que si par un précédent jugement n° 9512801/4, le Tribunal administratif de Paris a annulé le 28 mars 1997 un arrêté du 3 mai 1995 prononçant son expulsion du territoire français, M. B..., alors même qu'il est régulièrement revenu en France le 26 octobre 2000 et a pu bénéficier d'un premier titre de séjour valable du 12 février 2002 au 11 février 2003, régulièrement renouvelé jusqu'au 5 août 2010, n'a pas fait preuve de sa volonté de s'insérer dans la société mais a poursuivi son parcours délictueux en se rendant coupable de faits de vol pour lesquels il a été à nouveau condamné par cinq fois ; que par ailleurs il n'atteste pas de l'intensité et de l'ancienneté d'une vie privée et familiale en France ; qu'il est en effet reparti au Maroc en 1996 où il y a vécu au moins jusqu'en 2000 et où il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches ; que s'il se prévaut de la présence en France de son fils, de nationalité française et de sa mère, titulaire d'une carte de résident, il ne vivait ni avec son fils, majeur au jour de l'arrêté querellé, ni avec sa mère qui réside dans un établissement pour personnes âgées ; qu'il ne justifie pas des liens qu'il aurait conservés avec eux ; que dans ces conditions et compte tenu de la persistance du comportement délictueux de l'intéressé, qui ne conteste pas être célibataire sans charge de famille en France et qui ne justifie en outre d'aucun élément faisant obstacle à son retour dans son pays d'origine, le préfet de police n'a pas, nonobstant l'avis défavorable émis par la commission spéciale d'expulsion, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public en ordonnant son expulsion le 31 mai 2011 et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté comme ayant méconnu ces stipulations ;
4. Considérant, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux est signé par M. A...C..., directeur de la police générale, qui bénéficie d'une délégation de signature du préfet de police par arrêté n° 2011-00258 du 19 avril 2011, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 22 avril 2011 ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué manque en fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en cause qui vise les dispositions sur lesquelles il est fondé et expose que le comportement de l'intéressé constitue une menace grave pour l'ordre public eu égard notamment aux condamnations dont il a fait l'objet, est suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être rejeté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles
L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; que l'article L. 521-2 de ce code dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) " ; que selon l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) " ;
8. Considérant que les périodes durant lesquelles un étranger se maintient en France en méconnaissance de peines d'interdiction du territoire prononcées contre lui par le juge pénal, fussent-elles non exécutées, ne sauraient, pour la durée de celles-ci, être prises en compte au titre de la condition de résidence habituelle énoncée par les dispositions précitées ; que si le requérant est entré en France en 1974 à l'âge d'onze ans et y a résidé jusqu'au 3 mai 1995, date du premier arrêté d'expulsion le concernant, ainsi qu'il ressort des considérants du jugement précité n° 9512801/4 du Tribunal administratif de Paris en date du 28 mars 1997, il ne justifie pas, par les documents produits, d'une résidence habituelle en France depuis l'âge de treize ans, en se bornant à produire une attestation de présence établie, à posteriori, le 20 juin 2009, par le directeur du centre éducatif et technique " La Rousselière " mentionnant qu'il y a été scolarisé de novembre 1979 à avril 1981, pas plus que pendant les périodes pendant lesquelles il a été incarcéré, qui ne peuvent être prises en compte pour déterminer la durée de son séjour habituel en France ; que par ailleurs, si M. B..., retourné au Maroc en 1996, est revenu en France le 26 octobre 2000 sous couvert d'un visa Schengen et qu'il a été mis en possession d'un titre de séjour valable du 12 février 2002 au 11 février 2003, régulièrement renouvelé jusqu'au 5 août 2010, il séjourne irrégulièrement en France depuis cette date ; qu'en outre, et ainsi qu'il a été dit, il a été condamné, entre mars 2004 et décembre 2008, pour de nombreux faits délictueux, lesquels ont donné lieu au prononcé de plusieurs peines d'emprisonnement ferme ; que ces périodes ne peuvent être prises en compte pour le décompte de sa durée de résidence au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, M. B... ne relève pas des exceptions mentionnées aux 1° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni de celles du 4° précitées de l'article L. 521-2 de ce même code ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / (...) /5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi " ;
10. Considérant que le requérant fait valoir qu'il est atteint d'une pathologie chronique grave ; qu'il produit un certificat médical du 6 novembre 2008 établi par un médecin hospitalier, peu circonstancié, ne précisant pas la nature de la maladie dont il souffre et se bornant à relever que son état de santé nécessite un suivi médical continu et un courrier du 12 novembre 2010 d'une éducatrice spécialisée du centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie " Oppelia le trait d'union " attestant que l'addiction de M. B... aux produits stupéfiants a pris fin en 2010 et qu'il prend un traitement de substitution ; qu'il n'établit pas que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni même qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état au Maroc ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le premier juge aurait commis une erreur de droit au regard du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
11. Considérant, enfin, et ainsi qu'il a été dit précédemment que M. B... a vécu en situation irrégulière sur le territoire français sous onze identités différentes totalisant un quantum de peines s'élevant à sept ans et dix mois d'emprisonnement ; que ces faits délictueux ont débuté dès son premier séjour en France, le 30 juillet 1985, et qu'il a été l'auteur d'un vol à l'aide d'une escalade ; que malgré l'exécution d'une peine d'emprisonnement ferme, il a commis des vols les 6 avril et 18 juin 1990 ; que le juge pénal a assorti le prononcé d'une nouvelle peine d'emprisonnement ferme, d'une mesure d'interdiction du territoire de trois ans ; qu'en 1992 et 1993, il a été condamné pour usage illicite de stupéfiants ; que peu de temps après sa seconde entrée sur le territoire français, le 26 octobre 2000, il s'est rendu coupable à treize reprises de vols ; que l'état de neuf vols commis sur une durée de moins d'un an a été en outre constaté par le juge pénal le 3 août 2007 ; qu'à la suite de son incarcération à deux ans d'emprisonnement ferme, du 9 mars 2007 au 11 septembre 2008, il a commis dès le 22 septembre 2008 et le 1er décembre 2008 des faits de vols pour lesquels il a été dernièrement incarcéré du 4 décembre 2008 au 29 mars 2010 ; que, compte tenu de la répétition de ces faits et de la combinaison entre la dissimulation, par l'intéressé, de son identité et les nombreux délits dont il s'est rendu coupable, et alors même qu'aucune des condamnations prononcées ne concernait des atteintes physiques aux personnes, M. B... ne saurait valablement soutenir qu'en estimant que sa présence constituait une menace grave pour l'ordre public, le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 31 mai 2011 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 juin 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
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N° 10PA03855
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N° 13PA02636