Vu l'ordonnance n° 356818 en date du 8 mars 2012, enregistrée le 23 mars 2012 au greffe de la Cour, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour le jugement de la requête de MmeB... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 14 mai 2012, présentés pour Mme A...B..., demeurant..., par la SCP Tiffreau-Corlay-Marlange ; Mme B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s0907569-0917246/5-3 du 5 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du recteur de l'académie de Paris en date du 3 mars 2009 la suspendant de ses fonctions et, d'autre part, de la décision du recteur en date du 28 août 2009 prononçant à son encontre la sanction disciplinaire de déplacement d'office ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prononcer sa réintégration dans le poste de professeur certifié de mathématiques au lycée Buffon et dans la totalité de ses droits ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Sanson, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeB..., professeur de mathématiques au lycée Buffon, à la suite d'une inspection effectuée le 7 janvier 2009, a été suspendue de ses fonctions par une décision du 3 mars suivant ; que, par un arrêté du 28 août 2009 le recteur de l'académie de Paris a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office ; que Mme B...relève régulièrement appel du jugement en date du 5 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une mesure de suspension peut intervenir dès lors que les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ;
3. Considérant qu'à la suite d'une demande du proviseur du lycée Buffon Mme B..., qui assurait un enseignement de professeur certifié de mathématiques dans quatre classes, a fait l'objet d'une inspection le 7 janvier 2009 qui a donné lieu à un rapport ; qu'un second rapport a été établi le 2 février 2009 par le même inspecteur en l'absence de l'intéressée ; que, si les termes de ces rapports pouvaient révéler une certaine inaptitude de l'intéressée à exercer ses fonctions, ils n'établissaient pas que Mme B...aurait commis une faute grave nécessitant la suspension de son enseignement à titre conservatoire ; qu'en se bornant à faire état de l'inquiétude exprimée auprès du proviseur, dans des courriers non produits, par deux associations de parents d'élèves quant à la scolarité des élèves de Mme B..., laquelle dispensait ses cours depuis plusieurs années, l'administration ne justifie pas davantage la nécessité de suspendre l'activité de l'intéressée dans l'établissement ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme. / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. (...) " ;
5. Considérant que les décisions prononcées à l'encontre de Mme B...reposent sur les griefs suivants : " non-respect du devoir de préparation des cours et du devoir d'évaluation, de correction et de notation ; non-participation à une réunion parents-professeurs ; refus de reprendre en classe un élève exclu " ; " non-respect des programmes " ; absence de prise en compte des " remarques et conseils formulés par les inspecteurs depuis 1989 " ; que, toutefois, il résulte des pièces produites par l'intéressée, non critiquées en défense, que des exercices faits en classe et des devoirs à faire chez soi avaient été donnés aux élèves au cours des mois précédant l'inspection ; que Mme B...établit n'avoir pu assurer la réunion parents-professeurs que le lendemain du jour prévu, étant convoquée à un examen, et assure, sans être sérieusement contredite, avoir informé le secrétariat du proviseur de son empêchement ; qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que Mme B...n'aurait pas préparé ses cours ; qu'elle produit des témoignages d'enseignants, d'élèves et de parents d'élèves attestant au contraire de son implication dans ses missions d'enseignement et de suivi des élèves ; que, si le rapport d'inspection du 7 janvier 2009 fait état du caractère trop élitiste de l'enseignement dispensé par MmeB..., qui serait en partie contraire à la lettre et à l'esprit du programme, de tels griefs ne sont pas par eux-mêmes constitutifs d'une faute ; que, si le recteur se réfère sans le produire à un précédent rapport d'inspection, établi en 2001 par le même inspecteur, qui aurait mis en évidence les mêmes insuffisances que celles reprochées en 2009, il ressort de la fiche de notation de Mme B...au titre de l'année 2007/2008 que l'intéressée avait fait " de réels efforts pour assurer un enseignement de qualité " ; que des manquements relevés en 1990, à les supposer établis, ne peuvent davantage, eu égard à leur ancienneté, fonder la sanction disciplinaire de déplacement d'office prise le 28 août 2009 ;
6. Considérant il est vrai que MmeB..., après avoir exclu un élève de sa classe en raison de son comportement insolent, s'est refusée tant à le reprendre qu'à rédiger le rapport sur cet incident exigé par le proviseur ; que, si ce refus d'obéissance constitue une faute professionnelle, il ne revêt pas un caractère de gravité justifiant une sanction du deuxième groupe ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'elle aurait omis d'informer l'établissement de son impossibilité de participer à la réunion parents-professeurs ne peut davantage donner lieu à une telle sanction ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2009 la suspendant de ses fonctions et de l'arrêté du 28 août 2009 lui infligeant la sanction du déplacement d'office, et à demander l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que, sous réserve d'une modification dans la situation de droit ou de fait de la requérante, l'annulation par le présent arrêt des décisions attaquées implique la réintégration de Mme B...dans les fonctions qu'elle occupait au lycée Buffon avant l'édiction des décisions annulées ; qu'il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Mme B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 octobre 2011 et les décisions du recteur de l'académie de Paris en date des 3 mars et 28 août 2009 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Paris de réintégrer Mme B...dans ses fonctions au lycée Buffon dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 12PA01379