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09/10/2014 | FRANCE | N°12PA04150

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 09 octobre 2014, 12PA04150


Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2012, présentée par le préfet du Val-de-Marne ; le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108751/8 du 19 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé son arrêté du 2 août 2011, en tant que cet arrêté oblige Mme A... C...à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixe le pays à destination duquel elle sera reconduite à l'expiration de ce délai en cas de non-respect de cette obligation et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situa

tion de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification d...

Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2012, présentée par le préfet du Val-de-Marne ; le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108751/8 du 19 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé son arrêté du 2 août 2011, en tant que cet arrêté oblige Mme A... C...à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixe le pays à destination duquel elle sera reconduite à l'expiration de ce délai en cas de non-respect de cette obligation et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...présentée devant le Tribunal administratif de Melun ;

Il soutient que :

- l'appréciation du tribunal est erronée dès lors que l'exactitude matérielle des faits de violence et de viols évoqués par Mme C...devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'a pas été démontrée et que sa demande d'asile a été rejetée par décisions du 8 février 2010 et du 20 mai 2011 ;

- les certificats médicaux produits par Mme C...n'émanent pas d'un médecin agréé mais d'une association qui est aussi défenseuse de cette dernière, ne permettent pas de démontrer de façon impartiale les effets psychiques ou psychologiques de ces violences, en particulier le risque suicidaire retenu par le tribunal ;

- Mme C...ne démontre pas que ses deux filles résideraient en France ;

- l'arrêté contesté par Mme C...a été signé par une autorité compétente ;

- l'arrêté contesté par Mme C...est suffisamment motivé ;

- le pourvoi en cassation de Mme C...n'est pas suspensif ;

- Mme C... ne justifie pas avoir déposé de demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11-7 et L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle ne démontre ni la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, ni que les problèmes psychologiques dont elle souffre ne pourraient être pris en charge dans son pays d'origine ;

- le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office son droit au séjour sur un autre fondement ;

- elle ne saurait se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que si ses origines rwandaises tutsies ont été établies, ses autres affirmations concernant les persécutions dont elle aurait été victime ne le sont pas ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013, présenté pour Mme A...C..., par Me Hug, qui conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me Hug qui sera autorisée à en poursuivre directement le recouvrement ;

Elle soutient que :

- dans le cadre de ses procédures devant l'OFPRA et la CNDA, elle n'a produit qu'un certificat médical ;

- ni le préfet, ni les juridictions administratives ne sont liés par les décisions de rejet de l'OFPRA et de la CNDA refusant d'accorder le statut de réfugié à un requérant ;

- les nombreux certificats et attestations concernant son état de santé non soumis à l'OFPRA et à la CNDA sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par ces derniers sur la réalité des persécutions subies dans son pays d'origine ;

- la décision rendue par la CNDA n'est pas définitive puisqu'elle s'est pourvue en cassation et elle a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle du bureau d'aide juridictionnelle près le Conseil d'Etat, ce qui implique l'existence d'un moyen sérieux ;

- la CNDA a reconnu comme établies ses origines tutsies et le rapport d'Amnesty international de 2011 établit la réalité des pratiques de viols et violences sexuelles en République démocratique du Congo à l'encontre des Tutsies ;

- contrairement à ce que soutient le préfet du Val-de-Marne, l'association Primo Levi n'est nullement partie au litige dès lors que ni en première instance ni en appel cette association n'a représenté ses intérêts ni n'est intervenue volontairement à l'instance ;

- les certificats médicaux démontrent de manière incontestable que l'état de stress post-traumatique est lié aux événements vécus dans son pays d'origine et la jurisprudence considère que dans cette situation une victime ne pourra y être reconduite indépendamment de l'état sanitaire de ce pays ;

- sa première fille est prise en charge par l'aide sociale à l'enfance dans la mesure où elle est arrivée en France avant sa mère et alors qu'elle était une mineure isolée et est actuellement scolarisée en classe de première à Beauvais ;

- elles se voient néanmoins régulièrement et elles entretiennent des liens très forts ;

- sa seconde fille née le 4 mai 1999 réside à ses côtés, a été scolarisée en classe de 5ième à son arrivée en France et est actuellement en classe de seconde ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée est entachée d'inconventionalité en ce qu'elle méconnait l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision contestée est contraire à l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a nécessairement pour effet soit de séparer sa seconde fille de sa mère soit de mettre un terme à sa scolarité commencée en France depuis 2010 et particulièrement brillante ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le courrier du préfet des Hauts-de-Seine, enregistré le 24 avril 2014, qui informe la Cour que Mme C...va se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et demande l'annulation de l'appel de la décision du Tribunal administratif de Melun ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 mai 2014 présenté par le préfet du Val-de-Marne qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Il soutient que :

- il ressort des pièces produites par l'intimée que sa fille aînée, qui est majeure, réside chez une assistante sociale dans le département de l'Oise alors que sa mère déclare résider au secours catholique à Créteil et dès lors les relations régulières entre elles ne sont pas établies ;

- si l'intimée déclare que sa seconde fille mineure réside à ses côtés, il ressort des pièces qu'elle résidait au titre des années scolaires 2011-2012 à 2013-2014 à Chatenay-Malabry ;

- l'intimée ne démontre pas davantage participer à son entretien au sens de l'article

L. 371-2 du code civil ;

- elle n'est pas fondée à se prévaloir de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la décision litigieuse n'a pas pour effet de priver sa fille de sa présence régulière puisqu'il a été établi qu'elles ne vivaient pas ensemble et que l'intimée n'apporte aucune preuve de son implication dans l'entretien et l'éduction de son enfant ;

Vu la décision n° 2013/006928 du 6 juin 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le courrier, enregistré le 30 juin 2014, par lequel le préfet du Val-de-Marne informe la Cour du maintien de sa requête ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 28 août 2014 que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la requête du préfet du Val-de-Marne à raison de la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour par le préfet d'un autre département ;

Vu le mémoire en réponse au moyen relevé d'office, enregistré le 1er septembre 2014, présenté pour Mme C..., par Me Hug qui conclut que si la Cour devait juger qu'il n'y a plus lieu à statuer sur la requête, elle maintient ses demandes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le courrier et la pièce jointe, enregistrés le 5 septembre 2014, présentés par le préfet des Hauts-de-Seine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014, le rapport de Mme Julliard, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme C..., née le 18 juin 1963 à Kinshasa, de nationalité congolaise et d'origine tutsie, déclare être entrée sur le territoire français le 31 août 2008 ; qu'elle y a sollicité la reconnaissance du statut de réfugiée auprès de l'OFPRA ; que sa demande a été rejetée par une décision du 8 février 2010, confirmée par la CNDA le 20 mai 2011 ; que par un arrêté du 2 août 2011, le préfet du Val-de-Marne, sur le fondement des articles

L. 314-11, 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé l'admission au séjour de Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à l'expiration de ce délai en cas de non-respect de cette obligation ; que le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement du 19 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé son arrêté du 2 août 2011, en tant que cet arrêté oblige Mme C... à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixe le pays à destination duquel elle sera reconduite à l'expiration de ce délai en cas de non-respect de cette obligation et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 8 avril 2014, le préfet des Hauts-de-Seine a délivré à Mme C..., sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un titre de séjour portant la mention

" vie privée et familiale " valable jusqu'au 7 avril 2015 ; que cette décision doit être regardée comme privant d'effet l'arrêté litigieux du 2 août 2011 du préfet du Val-de-Marne ; que, par suite, la requête d'appel du ce dernier tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Melun du 19 septembre 2012 annulant son arrêté du 2 août 2011, en tant que cet arrêté oblige Mme C... à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixe le pays de destination et lui enjoignant de réexaminer la situation de Mme C..., sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

3. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Hug, avocate de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hug de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet du Val-de-Marne.

Article 2 : L'Etat versera à Me Hug une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hug renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... C...et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 octobre 2014.

Le rapporteur,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 12PA04150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04150
Date de la décision : 09/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : HUG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-10-09;12pa04150 ?
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