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25/09/2014 | FRANCE | N°13PA02311

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 25 septembre 2014, 13PA02311


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin 2013 et 31 juillet 2013, présentés pour la Caisse d'Epargne Ile de France (CEIDF), dont le siège est 26/28 rue Neuve Tolbiac CS 91344 à Paris Cedex 13 (75633), par la SCP Coutard et Munier-Apaire ; la Caisse d'Epargne Ile de France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202141/3-1 du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a autorisé le licenciement pour motif é

conomique de M. A... B... ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devan...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin 2013 et 31 juillet 2013, présentés pour la Caisse d'Epargne Ile de France (CEIDF), dont le siège est 26/28 rue Neuve Tolbiac CS 91344 à Paris Cedex 13 (75633), par la SCP Coutard et Munier-Apaire ; la Caisse d'Epargne Ile de France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202141/3-1 du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a autorisé le licenciement pour motif économique de M. A... B... ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le montant de la contribution à l'aide juridique prévue à l'article R. 761 du même code ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Julliard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me Munier-Apaire, avocat de la Caisse d'Epargne Ile de France ;

- et les observations de M.B... ;

1. Considérant que la Caisse d'Epargne Ile de France (CEIDF) relève appel du jugement du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 9 décembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé autorisant le licenciement de M. B... pour motif économique ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

3. Considérant que pour annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 9 décembre 2011 autorisant le licenciement de M. B... pour motif économique, le Tribunal administratif de Paris a considéré que le ministre ne justifiait pas avoir vérifié la pertinence économique de la suppression de l'emploi occupé par M. B... au regard des motifs allégués par l'entreprise de diminution de ses coûts d'exploitation afin de sauvegarder sa compétitivité et que sans même qu'il soit besoin pour le tribunal de se prononcer sur le bien-fondé de l'appréciation portée par le ministre sur la nécessité économique de l'ensemble des restructurations opérées par la CEIDF, M. B... était fondé à soutenir que la réalité du motif économique ayant présidé à la suppression de son emploi n'était pas établie ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort de la décision litigieuse du 9 décembre 2011, en particulier de son deuxième visa, que le ministre a pris en compte, pour apprécier la pertinence économique de la suppression de l'emploi occupé par M. B..., la circonstance que ce dernier ne consacrait que 20% de son temps de travail à l'exercice de ses fonctions d'assistant de service bancaire auprès de la direction des services bancaires des services centraux de la CEIDF, le reste de son temps de travail étant consacré à l'exercice de ses mandats syndicaux ; qu'une telle circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence économique du licenciement, dès lors que la suppression de l'emploi occupé par M. B... avait une incidence sur les coûts d'exploitation de l'entreprise ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé que M. B... était fondé à soutenir que la réalité du motif économique ayant présidé à la suppression de son emploi n'était pas établie ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler pour ce motif le jugement attaqué ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel ;

Sur la demande de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris :

6. Considérant que M. B... soutient que le licenciement a été prononcé en violant une règle de procédure qui était une garantie de fond instituée par l'article 2.2.5 de l'accord collectif national du 22 décembre 1994 sur les instances paritaires nationales, la commission paritaire nationale n'ayant pas été saisie par la CEIDF et n'ayant pas rendu d'avis sur son licenciement économique ; qu'il ressort des pièces du dossier que si l'article 2 de l'accord précité, qui énumère les sept domaines dans lesquels la commission paritaire nationale est compétente, inclut au point 7 le " licenciement pour motif économique prononcé en cas de difficultés sérieuses mettant en cause la pérennité de l'entreprise " et que le licenciement économique est développé sous l'article 2.2.5, l'article 2.2 intitulé " compétence en matière individuelle ", qui englobe donc l'article 2.2.5, réserve la saisine de cette commission " pour examiner les cas de licenciements individuels et les situations prévus dans le présent accord " ; que l'article 2.2.6 précise en outre que la procédure décrite sous cet article " s'applique dans tous les cas de saisine liés à un contentieux individuel, tels qu'ils sont décrits aux paragraphes 2.2.1, 2.2.2, 2.2.3, 2.2.4 et 2.2.5 " ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance qu'une indemnité conventionnelle lui ait été attribuée par lettre du 10 janvier 2012, M. B... n'est pas fondé, à l'appui de la contestation de la décision autorisant son licenciement, à invoquer la violation d'une règle de procédure prévue par une convention mais inapplicable au cas des licenciements collectifs ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " (...) Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises. " ; qu'il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié protégé, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

8. Considérant qu'au titre de son obligation de reclassement, l'employeur doit s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, portant, si possible, sur un emploi équivalent ; que si, pour juger de la réalité des efforts de reclassement de l'employeur, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement écrites, précises et personnalisées ont été effectivement exprimées, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte ;

9. Considérant que M. B..., dont le poste d'assistant services bancaires (niveau de classification TM4) au sein de la direction des services bancaires a été supprimé dans le cadre de la réorganisation de la CEIDF, soutient que les efforts de reclassement à son égard ne peuvent être regardés comme suffisants ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un poste de conseiller financier commercial multimédia au département CRC d'Evry (niveau de classification TM4) lui a été proposé par courrier du 27 août 2010 et que deux postes de conseiller financier à l'agence de Montgeron (niveau de classification TM4) et de conseiller commercial à l'agence de Corbeil Essonne (niveau de classification T3) lui ont été proposés par courriers du 22 novembre 2010 et 13 décembre 2010 ; qu'il n'est pas contesté que deux de ces postes correspondaient à sa qualification exacte et que tous permettaient un rapprochement de son lieu de travail d'avec son domicile ; que la circonstance alléguée par M. B..., qui n'a donné suite à aucune de ces propositions, tirée de ce qu'une reconversion à l'âge de 56 ans dans des fonctions commerciales, alors qu'il justifiait de 35 années de carrière dans des fonctions administratives, aurait nécessité une formation lourde et difficilement compatible avec l'exercice normal de ses activités syndicales n'est pas de nature à faire regarder comme insuffisants les efforts de reclassement à son égard dès lors qu'il n'allègue pas qu'une formation d'adaptation à ses nouvelles fonctions aurait été par principe exclue par son employeur et qu'il n'établit pas que celles-ci auraient été incompatibles avec l'exercice de ses mandats ; que, par suite, en l'espèce, l'employeur de M. B... doit être regardé comme s'étant acquitté de son obligation de reclassement ;

10. Considérant que M. B... soutient que le motif économique du licenciement n'est pas établi, dès lors que les difficultés invoquées par la CEIDF ne sont pas contemporaines de la décision de licenciement, les résultats de l'entreprise et du groupe étant très bons en 2011 ;

11. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que si le groupe BPCE a remboursé en mars 2011, intégralement et par anticipation, le prêt qui lui avait été consenti par l'Etat en 2009, ce remboursement est intervenu avec retard par rapport à certains des concurrents du groupe, en considération du taux d'intérêt élevé qu'il avait à supporter et de l'avantage présenté par un refinancement par les marchés financiers, sur lesquels il a levé 1 milliard d'euros ; que si le président du directoire de BPCE déclarait après la publication, le 4 août 2011, des résultats du groupe pour le 1er et le 2ème trimestres 2011 que " Dans un environnement difficile, le groupe continue de progresser, ses revenus croissent (+2,4% par rapport au deuxième trimestre 2010) avec un produit net bancaire trimestriel qui, à 6,1 milliard d'euros est le plus important que nous ayons jamais réalisé ; cela atteste du dynamisme commercial de toutes nos activités. Le résultat net progresse également dans les mêmes proportions (+2,4 %) (...) Nous sommes aujourd'hui dans une meilleure situation qu'il y a deux ans pour affronter ces vents contraires : plus solides financièrement (avec un ratio de solvabilité de 8,5% au 30 juin), plus puissants commercialement (...) ", il ressort également de ce communiqué de presse que, malgré cette amélioration, le groupe BPCE a connu une forte baisse de ses résultats en 2011, le résultat net part du groupe marquant un recul de 26,6 % par rapport à 2010 et le résultat avant impôt étant en baisse de 18,7 %, le groupe se situant ainsi en net retrait par rapport à ses principaux concurrents avec un produit net bancaire en 4ème position après celui de BNP Paribas, du Crédit Agricole et de la Société Générale ; que si le coefficient d'exploitation s'était amélioré de 0,5 point en 2011, il restait plus important que celui de ses concurrents ; que les résultats du début de l'année 2012 confirment la persistance de ces difficultés, le résultat net part du groupe étant en recul de 27,6 % et de 33,5 % pour les métiers coeurs par rapport au 2ème trimestre 2011, comme en atteste également la baisse de la note attribuée au groupe BPCE par les agences internationales de notation dès janvier 2012, au vu des résultats de l'année 2011 par l'agence Standard and Poors, puis en juin 2012 par l'agence Moddy's ; qu'il en résulte que la réalité du motif de la décision litigieuse tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe BPCE est établie ;

12. Considérant que M. B... soutient que la demande de licenciement présentait un lien avec ses mandats de membre suppléant du comité d'entreprise et de délégué syndical ; que, d'une part, s'il soutient avoir été pénalisé par l'absence d'évaluation réelle et objective de ses compétences professionnelles, il ressort des pièces du dossier que, si M. B... n'a pas eu d'entretiens d'évaluation du fait " de sa faible présence liée à un mandat syndical " selon la mention portée par l'employeur dans son dossier professionnel, rien ne permet d'établir que cette absence d'entretien lui ait été préjudiciable, que ce soit pour déterminer l'ordre des licenciements que les critères de son reclassement, dès lors qu'il ne conteste pas avoir bénéficié, lors de la procédure collective de licenciement, de la note 3 au lieu de la note 2 habituellement attribuée aux salariés n'ayant pu être évalués ; qu'en outre M. B... n'établit ni même n'allègue avoir jamais contesté la note qui lui a été attribuée dans le cadre de cette procédure ; que, d'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait, comme il le prétend, été victime d'un traitement inégalitaire par rapport à d'autres militants syndicaux ; qu'enfin, le climat social tendu et son implication personnelle dans l'opposition au plan d'optimisation puis au PSE mis en place par la direction de la CEIDF ne suffisent pas, eux seuls, à établir l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et les mandats détenus par M. B... ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Caisse d'Epargne Ile de France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 9 décembre 2011 autorisant le licenciement de M. B... pour motif économique ; que, par voie de conséquence, la demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au remboursement de la contribution à l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du même code :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la CEIDF, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CEIDF sur le fondement des mêmes dispositions ;

15. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de condamner M. B... à rembourser à la CEIDF la contribution à l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 avril 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par la Caisse d'Epargne Ile de France est mise à la charge de M. B....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Caisse d'Epargne Ile de France est rejeté.

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N° 10PA03855

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N° 13PA02311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02311
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. MOREAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-25;13pa02311 ?
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