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22/09/2014 | FRANCE | N°13pa00704

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 septembre 2014, 13pa00704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D..., et M. B... E...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser une somme totale de 85 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison de la faute commise par l'AP-HP.

Par un jugement du 21 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à leur verser une somme totale de 2 250 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enr

egistrés le 20 février 2013 et le

25 avril 2014, Mme D...et M. E..., agissant en leurs noms...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D..., et M. B... E...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser une somme totale de 85 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison de la faute commise par l'AP-HP.

Par un jugement du 21 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à leur verser une somme totale de 2 250 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 20 février 2013 et le

25 avril 2014, Mme D...et M. E..., agissant en leurs noms personnels et au nom de leur enfant mineur C...E...D..., représentés par Me Boizard, demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1017391/6-1 du 21 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme globale de 2 250 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ;

2°) de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à leur verser une somme totale de 85 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

.........................................................................................................

Vu

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marino, président assesseur,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me A... substituant Me Boizard, avocat de Mme D... et de M. E... ;

1. Considérant que Mme D...et M. E...font régulièrement appel du jugement du 21 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déclaré l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) responsable à concurrence de 30 % des conséquences dommageables ayant résulté pour eux de la prise en charge de Mme D...lors de l'accouchement de son premier enfant le 18 août 2004 et a limité le montant de la réparation demandée à la somme totale de 2 250 euros ; que l'AP-HP présente un appel incident contre ce jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité du service public hospitalier à hauteur de 30 % ;

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que le 18 août 2004, Mme D...a donné naissance à son premier enfant à l'hôpital franco-britannique, établissement de santé privé ; que l'intéressée étant de rhésus négatif alors que son conjoint, M. E... est de rhésus positif, un prélèvement sanguin a été effectué sur le cordon ombilical que l'hôpital a envoyé au centre national de référence d'hémobiologie périnatale (CNRHP) de l'hôpital Saint Antoine relevant de l'AP-HP, pour que soit déterminé le groupe sanguin de l'enfant afin de prévenir tout risque d'incompatibilité future materno-foetale, dans l'hypothèse où cet enfant serait de rhésus positif, par l'administration d'une injection de gammaglobuline anti-D dans les 72 heures suivant l'accouchement ; que le CNRHP qui n'a pas retrouvé le prélèvement dont il est établi par les pièces du dossier qu'il lui a été adressé par ambulance à la demande de l'hôpital franco-britannique, n'a pas pratiqué les analyses permettant de déterminer le groupe rhésus de l'enfant ; qu'en l'absence de réponse du CNRHP, les médecins de l'hôpital franco-britannique ont estimé que l'enfant était de rhésus négatif et n'ont pas administré à Mme D...d'injection de gammaglobuline anti-D ; qu'au cours de la seconde grossesse de Mme D...débutée en février 2009, les examens pratiqués ont mis en évidence la présence d'agglutinines irrégulières et le fait que Mme D...avait développé une incompatibilité rhésus irréversible ; qu'il a alors été découvert que le premier enfant des requérants était de rhésus positif ; que le taux d'agglutinines ayant augmenté, l'accouchement a été déclenché à 36 semaines d'aménorrhées ; que le second enfant de M. E...et

Mme D...a présenté à sa naissance une anémie sérieuse qui a nécessité deux transfusions, ainsi qu'un ictère traité par photothérapie intensive pendant six jours ; que l'incompatibilité rhésus et les conséquences qui en ont découlé sont directement imputables à l'absence d'injection de gammaglobuline anti-D ;

3. Considérant que la faute commise par le CNRHP en ne procédant pas aux analyses qui lui avaient été demandées a privé Mme D...de la possibilité de recevoir l'injection de gammaglobuline anti-D ; que si l'hôpital franco-britannique ne s'est pas inquiété de l'absence de réponse du CNRHP et n'a entrepris aucune démarche pour s'assurer de la compatibilité rhésus de Mme D...et de son premier enfant, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les requérants demandent au juge administratif la condamnation de l'AP-HP à réparer l'intégralité de leurs préjudices, sans qu'une telle condamnation fasse obstacle à ce que l'AP-HP introduise éventuellement devant le juge compétent une action récursoire contre l'hôpital franco-britannique ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a limité la responsabilité de l'AP-HP à 30 % des conséquences dommageables ; qu'en revanche, l'appel incident formé par l'AP-HP doit être rejeté ;

Sur l'évaluation du préjudice :

5. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il résulte du rapport d'expertise, ainsi que de la littérature médicale émanant notamment du collège national des gynécologues et obstétriciens français que la prévention de l'immunisation rhésus réduit de façon très important l'incidence de l'incompatibilité rhésus après la naissance d'un enfant rhésus positif lors d'une grossesse ultérieure, mais qu'il persiste toutefois des échecs de la prévention ; qu'il y a lieu, par suite, d'évaluer l'ampleur de la perte de chance résultant de l'absence d'injection de gammaglobuline anti-D à 90 % et de mettre à la charge de l'AP-HP la réparation de cette fraction du dommage ;

En ce qui concerne les préjudices de MmeD... :

6. Considérant que les souffrances endurées par Mme D...ont été évaluées à trois sur une échelle de sept par l'expert ; qu'il y a lieu de tenir compte, au titre de ce préjudice, des souffrances psychologiques éprouvées par Mme D...résultant de l'anxiété suscitée chez la mère du jeune C...par l'état de santé de son enfant, né prématurément, qui a nécessité dans les jours suivant sa naissance une photothérapie intensive pendant six jours et une transfusion, puis une seconde transfusion un mois après la naissance ; que, par ailleurs, s'il résulte des conclusions de l'expert, d'une part, qu'il n'existe pas de contre indication physiologique et que d'autres grossesses sont possibles avec détermination précoce du rhésus foetal, surveillance spécialisée et éventuellement, si nécessaire, traitement in utero et accouchement plus précoce avec les risques toutefois liés à une naissance prématurée, et, d'autre part, que le risque d'incompatibilité rhésus est nul si le foetus est rhésus négatif, Mme D...est néanmoins fondée soutenir que les craintes liées à une grossesse future lui causent un préjudice moral ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des préjudices de Mme D...en les évaluant à la somme de 4 500 euros ;

En ce qui concerne le préjudice subi par M.E... :

7. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. E...résultant pour lui de l'anxiété suscitée par l'état de santé de son épouse et celui de son fils et des craintes liées à une grossesse future, en les évaluant à la somme de 2 000 euros ;

En ce qui le préjudice de l'enfant C...E... :

8. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, qu'en raison de l'incompatibilité rhésus développée par Mme D...au cours de sa seconde grossesse, le jeune C...est né prématurément et a souffert d'un ictère qui a dû être traité par photothérapie intensive et d'une anémie sérieuse nécessitant deux transfusions ; que l'expert a évalué les souffrances endurées par l'enfant à trois sur une échelle de sept ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 3 000 euros ; qu'en revanche, les requérants n'établissent pas que le jeuneC..., qui n'a conservé aucune séquelle, aurait subi d'autres préjudices ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, eu égard à la fraction de 90 % précitée, l'AP-HP doit être condamnée à verser à Mme D...la somme de 4 050 euros, à M. E... la somme de 1 800 euros et à M. E... et à MmeD..., représentants légaux de leur filsC..., une somme de 2 700 euros ;

Sur les frais d'expertise :

10. Considérant que les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 730 euros par l'ordonnance du 15 octobre 2012 du vice-président du Tribunal administratif de Paris, sont mis à la charge de l'AP-HP ;

Sur l'appel en garantie formé par l'AP-HP :

11. Considérant que l'hôpital franco-britannique est un établissement de santé privé ; que, par suite, l'appel en garantie formé par l'AP-HP contre cet établissement a été introduit devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme D...et de M.E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que l'AP-HP demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros à verser à

Mme D...et M.E... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera à Mme D..., la somme de 4 050 euros, à M. E..., la somme de 1 800 euros et à Mme D...et à M.E..., en leur qualité de représentants légaux d'C... E...D..., la somme de 2 700 euros.

Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 730 euros, sont mis à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Article 3 : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera à Mme D...et à M. E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...et de M.E..., ainsi que l'appel incident et l'appel en garantie présentés par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, sont rejetés.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 13PA00704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13pa00704
Date de la décision : 22/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : TSOUDEROS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-22;13pa00704 ?
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