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01/07/2014 | FRANCE | N°13PA04564

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 01 juillet 2014, 13PA04564


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2013, présentée pour la société JP E...Studio Ltd, dont le siège social est situé 4 rue Chapon à Paris (75003), prise en la personne de son représentant légal en exercice, par la SELAS d'avocats Arcole, représentée par

Me A...B...; la société JP E...Studio Ltd demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210012/3-1 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 16 février 2012 déclarant M. C... D.

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Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2013, présentée pour la société JP E...Studio Ltd, dont le siège social est situé 4 rue Chapon à Paris (75003), prise en la personne de son représentant légal en exercice, par la SELAS d'avocats Arcole, représentée par

Me A...B...; la société JP E...Studio Ltd demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210012/3-1 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 16 février 2012 déclarant M. C... D...inapte à occuper tout poste au sein de l'entreprise, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail sur le recours hiérarchique présenté par la société ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Thiers, avocat de la société JP E...Studio Ltd ;

1. Considérant que M.D..., salarié de la société JP E...Studio Ltd en qualité d'architecte d'intérieur depuis 2008, a été placé en arrêt de travail pour raison médicale du

24 mai au 24 novembre 2011 ; qu'à l'issue des deux examens médicaux prévus à l'article

R. 4624-31 du code du travail pratiqués les 28 novembre et 12 décembre 2011, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude de l'intéressé à son poste de travail, daté du

12 décembre 2011, en précisant toutefois que " le salarié pourrait occuper un emploi similaire dans un autre contexte relationnel et organisationnel " ; que, le 20 décembre 2011, en application de l'article L. 4624-1 du code du travail, M. F...E..., en sa qualité de président de la société J.-P. E...Studio Ltd, a contesté cet avis médical d'inaptitude devant l'inspection du travail ; que, après avoir recueilli le 14 février 2012 l'avis du médecin inspecteur régional du travail, l'inspectrice du travail, par une décision en date du 16 février 2012, a confirmé l'avis d'inaptitude définitive de M. D...émis le 12 décembre 2011 par le médecin du travail, en déclarant le salarié " inapte à tous postes dans l'entreprise, y compris les postes en télétravail " ; que la société JP E...Studio Ltd a formé un recours hiérarchique contre cette décision devant le ministre du travail qui l'a implicitement rejeté ; que la société JP E...Studio Ltd relève régulièrement appel du jugement en date du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées de l'inspectrice du travail et du ministre du travail ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " ;

3. Considérant qu'il appartient à l'inspecteur du travail, saisi d'un recours sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail en cas de désaccord concernant les propositions du médecin du travail, de se prononcer, éclairé le cas échéant par l'avis du médecin-inspecteur du travail, sur l'aptitude à son poste de travail du salarié concerné et de prendre ainsi la décision finale, qui se substitue à l'avis du médecin du travail ; que, par ailleurs, il résulte de ces mêmes dispositions que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue des visites médicales prévues à l'article R. 4624-31 du code du travail, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre indications ; qu'une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical ; qu'elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié ;

4. Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 16 février 2012 par laquelle l'inspectrice du travail a déclaré M. D...inapte à tout poste dans l'entreprise ne se borne pas à confirmer simplement l'avis d'inaptitude médicale émis le

12 décembre 2011 par le médecin du travail dès lors qu'elle exclut même que l'intéressé puisse occuper un poste en télétravail ; que sa portée est donc partiellement différente de celle de l'avis d'inaptitude ; que, par ailleurs, si cette décision se réfère aux avis d'inaptitude émis par le médecin du travail les 28 novembre et 12 décembre 2011, objet du recours formé par l'employeur, elle mentionne également l'avis émis par le médecin inspecteur régional du travail le 14 février 2012 ; qu'enfin, cette décision, qui vise l'article L. 4624-1 du code du travail, fait état des difficultés relationnelles et des conditions de travail dégradées de M. D...et indique que celles-ci ont eu un retentissement sur la santé du salarié ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort de l'examen de cette décision, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée, que l'inspecteur du travail s'est dûment prononcé, ainsi qu'il lui incombe, sur l'aptitude médicale de M. D... à occuper un poste de travail au sein de la société JP E...Studio Ltd, sans s'estimer lié par l'avis d'inaptitude du médecin du travail qui lui était déféré ; que le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail statuant sur le recours formé par la société JP E...Studio Ltd en application de l'article L. 4624-1 du code du travail aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence doit, par suite, être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la matérialité des considérations d'ordre médical ayant justifié la décision litigieuse est établie par les pièces du dossier, notamment par l'avis émis par le médecin inspecteur régional du travail le 14 février 2012 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse reposerait sur des faits matériellement inexacts ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la décision contestée se fonde, notamment, sur l'avis émis le 14 février 2012 par le médecin inspecteur régional du travail qui, après avoir rencontré l'intéressé et consulté son dossier médical, a conclu à l'inaptitude médicale définitive de M. D...à occuper tout poste au sein de l'entreprise, y compris les postes en télétravail ; qu'il ressort de la motivation de cet avis qu'une série d'évènements ont altéré la santé mentale de M.D..., notamment le décès accidentel, au mois d'avril 2011, d'un ouvrier intervenant sur un chantier auquel participait l'intéressé, ainsi qu'une charge de travail très importante et des pratiques managériales vécues comme anormalement agressives et violentes ; que l'incidence de ces différents évènements sur l'état de santé du salarié est établie par les arrêts de travail successifs dont il a bénéficié à partir d'avril 2011, le dernier étant d'une durée supérieure à

six mois ; qu'en outre, le médecin inspecteur du travail a confirmé la dégradation de son état de santé ; que, dans ces conditions, en se bornant à rappeler la position du médecin du travail selon laquelle M. D..." pourrait occuper un emploi similaire dans un autre contexte relationnel et organisationnel " et à faire état de propositions de reclassement sur un poste en télétravail adressées à l'intéressé, ainsi que de déclarations d'autres salariés de l'entreprise attestant de bonnes conditions de travail au sein de cette dernière, la société appelante ne démontre pas, eu égard aux éléments médicaux sus rappelés, que l'inspecteur du travail a entaché d'erreur manifeste d'appréciation sa décision déclarant M. D...inapte médicalement à tout poste dans l'entreprise, y compris les postes en télétravail ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JP E...Studio Ltd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société JP E...Studio Ltd et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société JP E...Studio Ltd une somme de 1 500 euros à verser à

M.D... sur le fondement des mêmes dispositions ;

D ÉC I D E :

Article 1er : La requête de la société JP E...Studio Ltd est rejetée.

Article 2 : La société JP E...Studio Ltd versera à M.D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA04564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04564
Date de la décision : 01/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SELAS ARCOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-07-01;13pa04564 ?
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