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19/06/2014 | FRANCE | N°13PA00614

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 19 juin 2014, 13PA00614


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Ferstenbert, avocat ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1218531/5-4 du 21 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2012 par lequel le président et les questeurs de l'Assemblée Nationale ont décidé son admission à la retraite à compter du 10 novembre 2012 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de condamner l'Assemblée Nationale à l

'indemniser des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de cette mesu...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Ferstenbert, avocat ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1218531/5-4 du 21 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2012 par lequel le président et les questeurs de l'Assemblée Nationale ont décidé son admission à la retraite à compter du 10 novembre 2012 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de condamner l'Assemblée Nationale à l'indemniser des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de cette mesure ;

4°) de condamner l'Assemblée Nationale à compléter rétroactivement ses cotisations de retraite et autres cotisations obligatoires jusqu'à la date du 1er décembre 2015 ;

5°) d'enjoindre à l'Assemblée Nationale de le réintégrer dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Assemblée Nationale le versement de la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;

Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

Vu le règlement intérieur sur l'organisation des services portant statut du personnel de l'Assemblée Nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 :

- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,

- les observations de Me Ferstenbert, avocat de M.A...,

- et les observations de Me Matuchansky, avocat de l'Assemblée Nationale ;

1. Considérant que M. B...A...a été recruté à compter du 1er février 1996 et titularisé à compter du 1er février 1997 dans le cadre extraordinaire d'ingénieur en chef des bâtiments de l'Assemblée Nationale, devenu le corps des ingénieurs en chef et architectes en chef de l'Assemblée Nationale ; que, par un arrêté du 14 mai 2012, le président et les questeurs de l'Assemblée Nationale ont décidé son admission à la retraite à compter du 10 novembre 2012, à l'âge de soixante-trois ans compte tenu du report de la limite d'âge d'une année prévu par les dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 ; que M. A... fait appel du jugement du 21 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que M. A...a soulevé devant le tribunal administratif une exception tirée de la méconnaissance, par les dispositions de l'article 53 du règlement intérieur susvisé de l'Assemblée Nationale, qui prévoient deux limites d'âge de départ à la retraite différentes pour les administrateurs selon qu'ils ont ou non atteint le grade de conseiller, du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps ; qu'en s'abstenant d'y répondre, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité dès lors que M. A...n'étant pas membre du corps des administrateurs, un tel moyen était inopérant ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, visée ci-dessus : " (...) Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel (...) " ; qu'aux termes de l'article 53 du règlement intérieur sur l'organisation des services portant statut du personnel de l'Assemblée Nationale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " 1. La limite d'âge des secrétaires généraux, des directeurs généraux, des directeurs de service et des conseillers est fixée à soixante-cinq ans / 2. La limite d'âge des autres fonctionnaires est fixée à soixante-deux ans (...) " ;

4. Considérant que M.A..., qui n'est pas au nombre des fonctionnaires visés au 1 de ces dispositions, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être maintenu en activité jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans ; qu'il ne résulte ni des dispositions de l'arrêté du 1er juin 1994 du bureau de l'Assemblée Nationale, qui a crée le corps des ingénieurs en chef de l'Assemblée Nationale, ni des termes du compte rendu du comité technique du 6 mai 1994, qui en a précédé l'adoption, ni encore de la décision d'ouverture du concours du 27 octobre 1995, ni enfin du témoignage de l'agent en charge du recrutement de l'ingénieur en chef, invoqués par le requérant qu'il devait, par assimilation aux conseillers, se voir appliquer la limite d'âge que les dispositions de l'article 53 prévoyaient en leur faveur ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 53 du règlement susvisé, dans leur rédaction modifiée par l'arrêté du bureau de l'Assemblée Nationale du 17 décembre 2008, qui fixent, à compter du 1er janvier 2013, à soixante-cinq ans la limite d'âge de l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée Nationale ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M.A..., qui n'est pas membre du corps des administrateurs, ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article 53 du règlement susvisé, en ce qu'elles prévoient deux limites d'âge de départ à la retraite différentes pour les administrateurs selon qu'ils ont ou non atteint le grade de conseiller, méconnaissent le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si le principe de l'égalité de traitement s'applique aux agents appartenant à un même corps, il n'impose pas que différents corps de fonctionnaires, même présentant entre eux des analogies, soient soumis à des règles uniformes ; qu'ainsi, c'est sans méconnaître ce principe que les dispositions de l'article 53 du règlement susvisé ont prévu que les secrétaires généraux, les directeurs généraux, les directeurs de service et les conseillers, visés au 1, pouvaient exercer leurs fonctions jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans, alors que les autres fonctionnaires de l'Assemblée Nationale, visés au 2, au nombre desquels figurent les membres du corps des ingénieurs en chef et architectes en chef, devaient prendre leur retraite dès l'âge de soixante-deux ans ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " 1. Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier par son arrêt n° C-411/05 du 16 octobre 2007 et ses arrêts n° C-159/10 et n° C-160/10 du 21 juillet 2011, qu'au nombre de ces objectifs légitimes figure, compte tenu de la marge d'appréciation dont disposent les Etats membres en matière de politique sociale, la politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations ; que, pour justifier la fixation de l'âge légal de départ à la retraite des fonctionnaires de l'Assemblée autres que les secrétaires généraux, les directeurs généraux, les directeurs de service et les conseillers, à soixante-deux ans, l'Assemblée Nationale fait état d'un souci de renouveler ses personnels par l'embauche de jeunes fonctionnaires ; qu'un tel objectif justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge telle que celle qui résulte, pour les fonctionnaires visés par les dispositions du 2 de l'article 53 du règlement visé ci-dessus, de l'application de ces mêmes dispositions ; que, par ailleurs, la mesure édictée par l'Assemblée Nationale est appropriée dès lors que les dispositions du 4 et du 5 du même article prévoient un dispositif permettant d'en atténuer les effets en faveur des agents parents d'au moins trois enfants à l'âge de cinquante ans et des agents recrutés après l'âge de quarante cinq ans ne remplissant pas les conditions pour obtenir une pension, qui peuvent bénéficier d'un report de l'âge de départ à la retraite d'une à trois années selon le cas ; que la circonstance que cet âge a été fixé à soixante-cinq ans pour l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée Nationale à compter du 1er janvier 2013, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère approprié et nécessaire de cette mesure ; qu'enfin, si M. A...soutient également que les conseillers de l'Assemblée Nationale, qui ont un niveau de responsabilité équivalent au sien, ne sont pas soumis à une limite d'âge inférieure au droit commun, il est constant qu'ils n'exercent pas les mêmes fonctions que lui ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la directive précitée doit être écarté ;

9. Considérant, en sixième et dernier lieu, que M. A...ne se prévaut d'aucun acte individuel créateur de droit concernant son départ à la retraite, antérieur à l'arrêté du 14 mai 2012, que les autorités de l'Assemblée Nationale auraient remis en cause en adoptant cet arrêté ; qu'il n'est dès lors pas fondé à invoquer le principe de non rétroactivité des actes administratifs ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par l'Assemblée Nationale :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions de M. A... tendant à l'indemnisation des préjudices que lui aurait causé l'arrêté contesté, et à la condamnation de l'Assemblée Nationale à compléter rétroactivement ses cotisations de retraite et autres cotisations obligatoires jusqu'à la date du 1er décembre 2015, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M.A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assemblée Nationale, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Assemblée Nationale tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Assemblée Nationale présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N°13PA00614

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00614
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : Mme COIFFET
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : FERSTENBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-19;13pa00614 ?
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