Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée Le Chinois Gourmet, ayant son siège social 4, rue de Rivoli à Paris (75004), par Me A... ; la société Le Chinois Gourmet demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1017147 en date du 14 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et en 2005, ainsi que des pénalités correspondantes, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant ces exercices, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et rappels litigieux, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2014 :
- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Le Chinois Gourmet, qui exploite à Paris un restaurant et exerce une activité de traiteur en spécialités asiatiques, relève appel du jugement en date du 14 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et en 2005, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant ces exercices, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé des impositions et rappels litigieux :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) " ;
3. Considérant que la société Le Chinois Gourmet ne conteste pas que sa comptabilité présentait de graves irrégularités permettant au service vérificateur de reconstituer ses résultats et chiffres d'affaires à l'aide d'une méthode extra-comptable ; qu'en outre, il est constant que l'administration s'est conformée à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département de Paris en date du 10 avril 2008 ; qu'ainsi, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il incombe à la société Le Chinois Gourmet d'établir l'exagération des impositions et rappels litigieux ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 27 juin 2007, que, pour reconstituer les résultats et chiffres d'affaires de la société Le Chinois Gourmet, le service vérificateur a d'abord déterminé de manière contradictoire la quantité totale de riz cru utilisée lors de chaque exercice pour l'accompagnement des plats, en se fondant sur les inventaires des stocks présentés lors des opérations de contrôle et sur le dépouillement des factures d'achats établies par les fournisseurs au cours des exercices vérifiés ; qu'il a ensuite déterminé la quantité de riz cuit utilisée, en se fondant sur le rapport riz cru / riz cuit résultant de la pesée du riz avant et après cuisson réalisée contradictoirement lors du contrôle, dans le cadre des conditions normales d'exercice de l'activité ; que le service a par ailleurs déduit des quantités de riz cuit utilisées des pertes, estimées à 2 % de ces quantités, ainsi qu'une estimation de la consommation du personnel et des membres de la famille de la gérante de la société requérante ; qu'il a ensuite calculé la part de la vente de riz dans le chiffre d'affaires total ; que, pour ce faire, il a d'abord retenu la quantité de riz cuit vendue sur la période du 5 mai au 3 juin 2007, telle qu'elle résultait de constatations opérées sur place, et notamment d'un dépouillement des commandes réalisées, puis, eu égard aux prix du riz au détail, déterminé le prix du riz au kilogramme, avant d'en déduire le chiffre d'affaires correspondant, ainsi que sa part dans le chiffre d'affaires total réalisé sur cette même période du 5 mai au 3 juin 2007 ; que le service vérificateur a enfin reconstitué le chiffre d'affaires total des exercices litigieux en se fondant sur le prix des quantités de riz cuit vendu et la part de la vente de riz dans le chiffre d'affaires ;
5. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 27 juin 2007, que, pour déterminer la quantité de riz cuit vendue sur la période du 5 mai au 3 juin 2007, le service a tenu compte, sur la base des résultats d'un recensement réalisé sur cette période par la gérante de la société Le Chinois Gourmet, de la quantité de riz correspondant aux menus vendus, calculée sur la base du nombre de menus vendus et de la quantité de riz par portion, ainsi que de la quantité de riz vendue au détail ; que si la société requérante soutient que la période de référence n'est pas représentative, elle ne l'établit pas en se bornant à faire valoir que cette période comprenait trois jours fériés, au cours desquelles la fréquentation n'était pas représentative de la fréquentation habituelle, et que la consommation de riz, aliment " bourratif et calorique ", est plus importante en automne et en hiver qu'au printemps et en été ; qu'elle n'établit pas davantage que la méthode de reconstitution retenue par le service serait excessivement sommaire en l'absence de prise en compte du chiffre d'affaires correspondant à la vente de nouilles, alors qu'il est constant qu'au cours des exercices vérifiés, les achats revendus de riz se sont respectivement élevés à 2 294 kilogrammes et à 2 042 kilogrammes, alors que les achats revendus de nouilles se sont respectivement élevés à 451 et 524 kilogrammes seulement ; qu'à cet égard, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que la part du chiffre d'affaires correspondant à la vente de riz ne représente que 9, 97 % du chiffre d'affaires total, le riz n'étant qu'un aliment d'accompagnement, et alors qu'il est constant qu'il est majoritairement servi dans les repas vendus ;
6. Considérant, d'autre part, que si la société Le Chinois Gourmet soutient que le pourcentage de pertes de 2 % est insuffisant, elle ne l'établit pas en se bornant à faire valoir qu'il " n'est conforme ni aux usages, ni à la réalité " ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du document établi contradictoirement le 10 mai 2007, annexé à la proposition de rectification du 27 juin 2007, qu'au cours des opérations de contrôle, le cuisinier de la société Le Chinois Gourmet a précisé au vérificateur que " le taux de perte [était] très faible ", " les cas de pertes dues à la cuisson (riz collé) [étant] très exceptionnelles et le riz restant en fin de journée [étant] réemployé le lendemain " ; que si la société requérante soutient que le taux de 2 % retenu n'est pas suffisant pour prendre en compte, outre les pertes dues à la cuisson du riz, les pertes liées à la casse ou à la chute des plats, ainsi qu'au renversement ou au déchirement des paquets de riz, elle ne l'établit pas ; qu'elle ne saurait par ailleurs se prévaloir, pour contester le taux de perte de 2 %, des quantités de riz retenues par le vérificateur au titre de la consommation du personnel et des membres de la famille de sa gérante, aucune corrélation n'ayant été établie entre ces deux paramètres de la méthode de reconstitution ;
7. Considérant, enfin, que la société Le Chinois Gourmet conteste le prix du kilogramme de riz retenu par le service vérificateur, fixé à 10 euros ; que s'il est exact, ainsi qu'elle le fait valoir, que ce prix ne correspond pas à la moyenne arithmétique - qui s'élève à 8, 58 euros - des prix du riz au détail, lesquels diffèrent selon la variété de riz et, s'agissant spécifiquement du riz blanc nature, selon la taille de la barquette commandée, elle ne justifie pas, alors que les prix du kilogramme de riz cantonnais et de riz thaï sont respectivement de 10 euros et de 10, 25 euros, et que le prix du kilogramme de riz blanc nature est inférieur à 7 euros, que la part de riz blanc nature dans ses ventes serait telle, en comparaison avec la part des ventes de riz cantonnais et de riz thaï, que ce prix moyen retenu par le service serait excessif eu égard à ses propres conditions d'exploitation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que la société Le Chinois Gourmet n'établit pas que la méthode de reconstitution de ses résultats et chiffres d'affaires retenue par l'administration était radicalement viciée ou excessivement sommaire ou aurait abouti, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que si la société Le Chinois Gourmet soutient que la prise en compte des ventes de nouilles permettrait de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que la méthode retenue par le service, qui s'est fondé sur les seules ventes de riz, il n'est pas établi que la méthode qu'elle propose aboutirait à des résultats plus précis que ceux obtenus par le service vérificateur, alors surtout qu'il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 5, qu'au cours des exercices vérifiés, les achats revendus de riz se sont respectivement élevés à 2 294 kilogrammes et à 2 042 kilogrammes, alors que les achats revendus de nouilles se sont respectivement élevés à 451 et 524 kilogrammes seulement, la vente de nouilles étant ainsi nettement moins significative que la vente de riz ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 27 juin 2007, que, pour liquider les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, et en l'absence de tout élément comptable de justification, le service vérificateur a déterminé les parts respectives des ventes à emporter, soumises au taux réduit de taxe de 5, 5 %, et des ventes à consommer sur place, soumises au taux normal de 19, 6 %, en se fondant sur le dépouillement des commandes réalisées au cours de la période du 14 mars au 3 juin 2007 ; que, pour contester la clé de répartition ainsi déterminée, la société requérante ne saurait se prévaloir des parts respectives des ventes à emporter et des ventes à consommer sur place telles qu'elles résultent de la déclaration qu'elle a déposée pour la liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période couvrant l'année 2007, dès lors qu'elle ne justifie pas que les conditions d'exploitation n'auraient pas évolué entre les exercices vérifiés et l'exercice clos en 2007 ; que si elle soutient que " les conditions de réception de la clientèle sur place ont été améliorées, de sorte que le nombre de ventes à consommer sur place a largement progressé entre les deux périodes ", elle ne l'établit pas ;
Sur le bien-fondé des pénalités infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts :
11. Considérant qu'en vertu de l'article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraînent l'application d'une majoration de 40 % si le contribuable a délibérément entendu se soustraire à l'impôt ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;
12. Considérant que l'administration, eu égard à l'importance, au regard des chiffres d'affaires reconstitués, et au caractère systématique de la minoration de ses recettes par la société Le Chinois Gourmet, dont elle fait état et qu'elle a établis à l'issue de la vérification de sa comptabilité, ainsi qu'au caractère non probant de la comptabilité, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de cette société de se soustraire à l'impôt et, par suite, du bien-fondé des pénalités litigieuses ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Chinois Gourmet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Le Chinois Gourmet est rejetée.
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N° 12PA02101