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05/06/2014 | FRANCE | N°13PA02846

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 05 juin 2014, 13PA02846


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2013, présentée pour M. C... D...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202270/7 du 13 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 8 février 2012 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de

lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familial...

Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2013, présentée pour M. C... D...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202270/7 du 13 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 8 février 2012 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer un récépissé avec autorisation provisoire de travail, et enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014, le rapport de Mme Julliard, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C... D...A..., ressortissant ghanéen né le 16 mars 1964, entré régulièrement en France le 18 juillet 1999, a été convoqué le 10 octobre 2011 devant la commission du titre de séjour qui a émis un avis défavorable à sa demande de régularisation sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 8 février 2012, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail./ Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail, antérieurement codifié à l'article L. 341-2 du même code : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

3. Considérant, d'une part, que si le requérant produit un certificat de travail de la société Dodu Sa, une attestation de travail de la société 3K services et devant la Cour des nouvelles fiches de paie correspondant à ses activités d'agent d'entretien depuis 2002, il ne justifie ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ni d'un visa d'une durée supérieure à trois mois comme l'exigent les dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, d'autre part, que, saisie d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présente pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité professionnelle ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

5. Considérant que si M. A... fait valoir qu'il justifie d'une ancienneté de séjour de plus de douze années sur le territoire français et que l'ancienneté de ce séjour doit être prise en compte pour juger du caractère exceptionnel de sa demande d'admission au séjour, qu'il vit en concubinage depuis 2008 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et qui est mère d'un enfant français, ces circonstances ne sont pas suffisantes, à elles-seules, pour justifier la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si M. A... se prévaut de deux contrats émanant de deux entreprises pour lesquelles il travaille depuis plus de dix ans en qualité d'agent d'entretien, cet emploi ne présente en lui-même aucune caractéristique particulière susceptible de constituer un " motif exceptionnel " ; que, dans ces conditions, en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas davantage au regard de motifs exceptionnels, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision de refus de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'établit, ni même n'allègue, avoir présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que M. A... fait valoir qu'entré régulièrement en France le 15 juillet 2000, il y réside habituellement depuis plus de douze ans, que la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à sa demande de régularisation uniquement dans la mesure où il n'a fourni aucun justificatif de ressources, qu'il travaille depuis plus de dix ans chez le même employeur, qu'il est bien inséré dans la société française et est francophone, qu'il vit en concubinage depuis 2008 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en janvier 2023 avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité depuis 2012, qui est mère d'un enfant français et avec laquelle il a eu en 2012 un enfant ; que toutefois, le requérant, qui déclare être séparé de son ancienne épouse, ne conteste pas avoir conservé de fortes attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses quatre enfants et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 36 ans ; qu'il s'est maintenu en situation irrégulière en France en dépit de plusieurs décisions de refus de séjour et d'une mesure d'éloignement ; que dans ces conditions, et nonobstant sa volonté d'intégration dans la société française et la durée de son séjour en France, la décision litigieuse ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les circonstances précitées ne sont pas davantage de nature à faire regarder la décision querellée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

9. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, développé par M. A... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de séjour ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que si le requérant fait valoir, ainsi qu'il a été dit au point 8, qu'il vit en concubinage depuis 2008 et qu'il est le père d'un enfant né sur le territoire français à la fin de l'année 2012, il ne justifie pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de ce dernier, né d'ailleurs postérieurement à la date de la décision litigieuse ; qu'il suit de là que la décision contestée n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

13. Considérant que le préfet du Val-de-Marne a accordé un délai d'un mois à M. A... pour quitter volontairement le territoire français ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que, comme en l'espèce, l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Considérant que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en droit et en fait par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par la mention portée dans ses motifs que l'intéressé est de nationalité ghanéenne, et qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2012 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N° 10PA03855

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N° 13PA02846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02846
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : DEVILLERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-05;13pa02846 ?
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