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27/05/2014 | FRANCE | N°13PA01844

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 mai 2014, 13PA01844


Vu l'ordonnance n° 366747 du 7 mai 2013, enregistrée le 15 mai 2013, par laquelle le Président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du recours, enregistré le 11 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre de l'éducation nationale demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006421 du 23 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun, faisant partiellement droit à la demande de Mme A...C..., a, d'une pa

rt, annulé la décision du 20 juillet 2010 du recteur de l'académie de ...

Vu l'ordonnance n° 366747 du 7 mai 2013, enregistrée le 15 mai 2013, par laquelle le Président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du recours, enregistré le 11 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre de l'éducation nationale demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006421 du 23 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun, faisant partiellement droit à la demande de Mme A...C..., a, d'une part, annulé la décision du 20 juillet 2010 du recteur de l'académie de Créteil refusant à Mme C...le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement au titre de l'année scolaire 2009/2010 et, d'autre part, a condamné l'État à verser à Mme C...la somme de 3 542,40 euros au titre de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement qui lui est due pour la période allant du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, l'indemnité portant intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2010 ;

2°) de rejeter la requête présentée par MmeC... ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

Vu le décret n° 89-825 du 9 novembre 1989 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales de remplacement aux personnels assurant des remplacements dans le premier et le second degré ;

Vu le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2014 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeE..., pour MmeC... ;

1. Considérant que, par un courrier du 20 juillet 2010, le recteur de l'académie de Créteil a rejeté la demande de MmeC..., professeur certifiée d'anglais, tendant au versement de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement au titre de l'année scolaire 2009/2010 ; que le ministre de l'éducation nationale relève appel du jugement du 23 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun, faisant partiellement droit à la demande de MmeC..., a annulé la décision du recteur de l'académie de Créteil du 20 juillet 2010 refusant à Mme C...le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement au titre de l'année scolaire 2009/2010 et condamné l'État à verser à Mme C...la somme de 3 542,40 euros au titre de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement qui lui est due pour la période allant du

1er septembre 2009 au 31 août 2010, l'indemnité portant intérêts au taux légal à compter du

20 juillet 2010 ;

Sur l'appel du ministre de l'éducation nationale :

2. Considérant que, si Mme C...soutient que, faute de comporter des moyens d'appel, le recours du ministre n'est pas motivé, il ressort des termes même de ce recours que le ministre critique le jugement attaqué au motif que les premiers juges ont fait une inexacte application de la réglementation instituant l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement ; que le moyen manque donc en fait et doit être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 novembre 1989 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales de remplacement aux personnels assurant des remplacements dans le premier et le second degré : " Peuvent bénéficier d'une indemnité journalière de sujétions spéciales de remplacement pour les remplacements qui leur sont confiés (...) les instituteurs et les professeurs des écoles chargés des remplacements, rattachés administrativement aux brigades départementales et aux zones d'intervention localisées ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " L'indemnité prévue à l'article 1er (...) est due aux intéressés à partir de toute nouvelle affectation en remplacement, à un poste situé en dehors de leur école ou de leur établissement de rattachement. / Toutefois, l'affectation des intéressés au remplacement continu d'un même fonctionnaire pour toute la durée d'une année scolaire n'ouvre pas droit au versement de l'indemnité (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du

17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré : " Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation (...) peuvent être chargés (...) d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la notion de remplacement, au sens du décret du 9 novembre 1989, doit s'entendre, non seulement de la suppléance d'un fonctionnaire momentanément absent, mais également de l'affectation sur un poste provisoirement vacant ; que, par suite, si l'affectation sur un poste provisoirement vacant doit être regardée comme un remplacement ouvrant en principe droit au bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement - laquelle est, en vertu de l'article 5 de ce décret, " exclusive de l'attribution de toute autre indemnité et remboursement des frais de déplacement alloués au même titre " - ce bénéfice est exclu, en application du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret, lorsque le remplacement s'effectue pour toute la durée de l'année scolaire, quand bien même l'affectation en cause ne porte pas sur un temps plein et engloberait des heures supplémentaires effectuées dans le ou les établissements d'affectation ; que le fonctionnaire qui assure un tel remplacement peut alors prétendre, non à l'indemnité prévue par le décret du

9 novembre 1989, mais, le cas échéant, à un défraiement sur le fondement du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État ; que, par suite, ne peut prétendre au bénéfice de cette indemnité le fonctionnaire qui conserve pendant la totalité de l'année scolaire, de manière continue, un même poste de remplacement en dehors de son établissement de rattachement, qu'il ait ainsi assuré le remplacement continu d'un seul fonctionnaire à temps complet ou le remplacement continu de plusieurs fonctionnaires à temps non complet, ce service incluant le cas échéant des heures supplémentaires ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., professeur certifiée d'anglais, titulaire sur la zone de remplacement du Val-de-Marne, a été rattachée administrativement à compter du 1er septembre 2009 et jusqu'au 31 août 2010 au collège Nicolas Boileau de Chennevières-sur-Marne (94430), par un arrêté du 16 juillet 2009 du recteur de l'académie de Créteil ; que, par un arrêté du 5 octobre 2009 de la même autorité, remplaçant un précédent arrêté du 13 juillet 2009, Mme C...a été affectée, du 1er septembre 2009 au

31 août 2010, au collège Dulcie September à Arcueil (94110) pour y effectuer 9 heures hebdomadaires ; que, par le même arrêté, elle a reçu une première affectation secondaire dans le même lycée pour y effectuer 3 heures hebdomadaires et une deuxième affectation secondaire au collège Albert Cron au Kremlin-Bicêtre (94270) pour y effectuer 6 heures hebdomadaires ; qu'il est constant que Mme C...a exercé ses fonctions pendant toute la durée de l'année scolaire 2009/2010 en dehors de son établissement de rattachement, dans le collège Dulcie September à Arcueil, ainsi que dans le collège Albert Cron au Kremlin-Bicêtre pour y assurer le remplacement continu de fonctionnaires à temps non complet ; que les heures supplémentaires qu'elle a pu assurer dans ces établissements ont également été effectuées pendant toute la durée de l'année scolaire ; qu'il suit de là que Mme C..., dès lors qu'elle avait conservé pendant la totalité de l'année scolaire, et de manière continue, les mêmes postes de remplacement de fonctionnaires à temps non complet en dehors de son établissement de rattachement, ne pouvait prétendre au versement de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement pour l'année scolaire 2009/2010, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les postes de remplacement aient été situés dans des communes autres que celle de son établissement de rattachement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 janvier 2013, le Tribunal administratif de Melun, pour annuler la décision du recteur de l'académie de Créteil refusant à Mme C...le versement de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement pour l'année scolaire 2009/2010, a considéré que la circonstance que l'intéressée avait assuré sur toute la durée de l'année scolaire non pas le remplacement continu d'un même fonctionnaire, mais le remplacement d'au moins deux fonctionnaires lui ouvrait droit au bénéfice de ladite indemnité ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal et la Cour ;

7. Considérant que Mme C...soutient, tant devant les premiers juges que devant la Cour de céans, que l'interprétation faite par l'administration des dispositions du décret du 9 novembre 1989 est constitutive d'une inégalité de traitement selon que les enseignants assurent un remplacement pendant toute la durée de l'année scolaire ou non ; que, toutefois, dès lors que les enseignants qui assurent un remplacement pendant toute la durée de l'année scolaire ne se trouvent pas dans une situation strictement équivalente à celle des enseignants qui n'assurent pas un remplacement pendant toute la durée de l'année scolaire, l'atteinte au principe d'égalité de traitement ne peut être utilement invoquée ; que, pour le même motif, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision du ministre serait contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à son protocole additionnel, ni à exciper de l'illégalité de l'alinéa 2 de l'article 2 du décret du 9 novembre 1989 susvisé ;

8. Considérant cependant que Mme C...soutient également que la décision lui refusant le bénéfice de l'indemnité sollicitée a été prise par une autorité incompétente ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 8 janvier 2010, le recteur de l'académie de Créteil a donné, en cas d'absence ou d'empêchement, délégation de signature à MmeD..., chef de la division des personnels enseignants, pour signer, dans la limite de ses attributions et compétences, des actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figuraient pas les décisions relatives aux indemnités, autres que les frais de changement de résidence, liées au mouvement et à l'affectation des personnels enseignants ; que, dans ces conditions, alors même qu'aux termes dudit arrêté, il avait reçu, en sa qualité de chef de service, délégation de signature à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et compétences, tous actes relatifs à la gestion courante notamment des personnels enseignants, M. F...n'a pas pu régulièrement refuser, par la décision du 20 juillet 2010 en litige, pour le recteur et, par délégation, pour le chef de la division des personnels enseignants, le versement à Mme C...de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement pour l'année scolaire 2009/2010 ; qu'il suit de là que cette décision a été prise par une autorité incompétente et doit, pour ce motif, être annulée ;

9. Considérant, toutefois, que, la décision refusant à Mme C...le bénéfice de l'indemnité sollicitée était justifiée au fond, ainsi qu'il ressort de ce qui a été dit plus haut ; que, dans ces conditions, son annulation pour un motif de légalité externe n'ouvre pas droit à réparation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'État à verser à Mme C...la somme de 3 542,40 euros, au titre de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement réclamée par celle-ci pour la période allant du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, indemnité portant intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la voie de l'appel incident :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recteur de l'académie de Créteil, s'il a entaché sa décision du 20 juillet 2010 d'un vice d'incompétence, n'a en revanche pas entaché ladite décision d'une erreur de droit en refusant d'appliquer la réglementation comme le soutient Mme C...et n'a dès lors pas commis de faute à ce titre ; que, par suite, la seule faute commise par le recteur n'a pas été en l'espèce de nature à causer à Mme C...le préjudice moral qu'elle prétend avoir subi ;

12. Considérant, en tout état de cause, que Mme C...n'apporte aucun élément de nature à permettre à la Cour d'apprécier la réalité des préjudices qu'elle invoque, qu'il s'agisse de l'atteinte portée à ses intérêts professionnels et moraux ou des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'elle n'établit pas plus la réalité des préjudices qui résulteraient selon elle de l'altération de l'idée qu'elle se faisait de l'impartialité de l'État ou des efforts qu'elle a dû déployer pour ester en justice ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État une somme au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1006421 du 23 janvier 2013 du Tribunal administratif de Melun condamnant l'État à verser à Mme C...la somme de 3 542,40 euros au titre de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement qui lui est due pour la période allant du

1er septembre 2009 au 31 août 2010, cette indemnité portant intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2010, est annulé.

Article 2 : Le surplus du recours du ministre de l'éducation nationale est rejeté.

Article 3 : Les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme C...par la voie de l'appel incident et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du CJA sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 13PA01844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01844
Date de la décision : 27/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP WEYL et PORCHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-27;13pa01844 ?
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