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23/05/2014 | FRANCE | N°13PA04648,13PA04869

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 23 mai 2014, 13PA04648,13PA04869


Vu, I, sous le n° 13PA04648, l'ordonnance en date du 12 décembre 2013, enregistrée le 18 décembre 2013 au greffe de la Cour, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la Cour administrative d'appel de Paris le recours présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 31 octobre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) à titre

principal, d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° ...

Vu, I, sous le n° 13PA04648, l'ordonnance en date du 12 décembre 2013, enregistrée le 18 décembre 2013 au greffe de la Cour, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la Cour administrative d'appel de Paris le recours présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 31 octobre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 0302571 en date du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé la restitution à la société anonyme Havas de la somme de 7 358 516 euros correspondant au versement effectué par celle-ci au titre du précompte mobilier dû pour l'année 2002 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Havas devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, et, à titre subsidiaire, de limiter les prétentions de la société Havas aux montants correspondant à la différence entre les sommes dont elle revendique la restitution et celles résultant de la limitation de la restitution du précompte acquitté à due proportion des dividendes à raison desquels ce précompte a été payé et qui, s'ils avaient été payés par une filiale établie en France, auraient ouvert droit à un avoir fiscal, ou ont été distribués à des actionnaires qui n'ont pu bénéficier du remboursement du précompte, ou de la limitation de l'avoir fiscal aux seuls dividendes payés à la société Havas à raison de bénéfices réalisés par des sociétés établies sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou de la limitation de l'avoir fiscal en fonction du montant et du taux de l'impôt sur les sociétés payé par chaque filiale étrangère à raison des bénéfices distribués lorsque le taux de l'impôt étranger est inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés français, et d'ordonner un supplément d'instruction à raison des points précités ;

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Vu, II, sous le n° 13PA04869, l'ordonnance en date du 12 décembre 2013, enregistrée le 18 décembre 2013 au greffe de la Cour, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la Cour administrative d'appel de Paris le recours présenté le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Vu le recours, enregistré le 8 décembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 0306780 en date du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé la restitution à la société anonyme Havas des sommes de 7 960 194 euros et de 18 221 158 euros correspondant aux versements effectués par celle-ci au titre du précompte mobilier dû pour les années 2000 et 2001 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Havas devant le Tribunal administratif de Paris, et, à titre subsidiaire, d'une part, de limiter la restitution au montant du précompte qu'elle a payé, soit 10 522 629 euros, et, dans la limite de cette somme, de réduire les prétentions de la société Havas aux montants correspondant à la différence entre les sommes dont elle revendique la restitution et celles résultant de la limitation de la restitution du précompte acquitté à due proportion des dividendes à raison desquels ce précompte a été payé et qui, s'ils avaient été payés par une filiale établie en France, auraient ouvert droit à un avoir fiscal, ou ont été distribués à des actionnaires qui n'ont pu bénéficier du remboursement du précompte, ou de la limitation de l'avoir fiscal aux seuls dividendes payés à la société Havas à raison de bénéfices réalisés par des sociétés établies sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou de la limitation de l'avoir fiscal en fonction du montant et du taux de l'impôt sur les sociétés payé par chaque filiale étrangère à raison des bénéfices distribués lorsque le taux de l'impôt étranger est inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés français, et d'ordonner un supplément d'instruction à raison des points précités, et, d'autre part, en tout état de cause de limiter à la somme de 4 170 527 euros le montant du précompte mobilier dont la restitution a été accordée par les premiers juges au titre du précompte mobilier acquitté en 2000 afin de tenir compte du remboursement partiel dont a d'ores et déjà bénéficié la société Havas par décisions des 8 novembre 2004 et 12 janvier 2005 ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêt C-310/09 de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 15 septembre 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2014 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- les observations de M.A..., pour le ministre des finances et des comptes publics,

- et les observations de Me Zoubritzky, avocat de la société Havas ;

1. Considérant que la société Havas, qui a perçu des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne que la France, a acquitté, lors de la distribution de dividendes à ses propres actionnaires, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 146 et des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts, un précompte s'élevant à 7 960 194 euros au titre de l'année 2000, à 18 221 158 euros au titre de l'année 2001 et à 7 358 516 euros au titre de l'année 2002 ;

2. Considérant, d'une part, que, par le recours n° 13PA04648, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relève appel du jugement en date du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ordonné la restitution à la société Havas de l'intégralité du précompte versé au titre de l'année 2002 ;

3. Considérant, d'autre part, que, par le recours n° 13PA04869, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relève appel du jugement en date du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a ordonné la restitution à la société Havas de l'intégralité des précomptes versés au titre des années 2000 et 2001 ;

4. Considérant que les recours susvisés n° 13PA04648 et n° 13PA04869, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant les années d'imposition en litige : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué /: a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; / b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères (...), touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 223 sexies du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant ces années d'imposition : " (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (...), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au montant du crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires " ; qu'aux termes du 2 de l'article 146 du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant ces années d'imposition : " Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l'application du précompte prévu à l'article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d'impôts qui sont attachés aux produits des participations (...) encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts que, sous réserve d'une quote-part de frais et charges, une société mère française n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu'elle reçoit de ses filiales, quelle qu'en soit la provenance ; qu'en application des dispositions de l'article 223 sexies du même code, lorsqu'elle redistribue ces dividendes à ses propres actionnaires, elle est tenue d'acquitter à ce titre un précompte, quelle que soit la provenance des dividendes qui lui ont été distribués et qu'elle a ainsi redistribués ; que le montant de l'avoir fiscal dont la société mère bénéficie au titre de dividendes distribués par une filiale établie en France en vertu des dispositions de l'article 158 bis du même code s'impute sur le montant de ce précompte en application du 2 de l'article 146 du même code alors que les dispositions de l'article 158 bis font obstacle à l'attribution à cette société mère d'un avoir fiscal au titre de dividendes en provenance de filiales implantées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et, par suite, à toute imputation sur le montant du précompte exigible lorsque cette société mère redistribue ces dividendes ;

Sur la compatibilité du dispositif de l'avoir fiscal et du précompte avec le droit communautaire :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres (...) sont interdites " ; qu'ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, une législation nationale ayant vocation à s'appliquer aux seules participations permettant d'exercer une influence déterminante certaine sur les décisions d'une société et de déterminer les activités de celle-ci relève des stipulations du traité relatives à la liberté d'établissement ; qu'en revanche, des dispositions nationales qui trouvent à s'appliquer à des participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d'influer sur la gestion et le contrôle de l'entreprise doivent être examinées exclusivement au regard de la liberté de circulation des capitaux ; que, pour apprécier si une législation relève de l'une ou l'autre de ces libertés, il y a lieu de prendre en compte l'objet de la législation en cause ;

8. Considérant qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011, la législation française sur l'avoir fiscal et le précompte était susceptible de s'appliquer non seulement aux sociétés percevant des dividendes sur la base d'une participation conférant une influence certaine sur les décisions de la filiale distributrice et permettant d'en déterminer les activités, mais également à celles percevant des dividendes sur la base d'une participation minoritaire ne conférant pas une telle influence ; qu'en l'état de l'instruction, la société Havas n'a pas apporté d'éléments utiles à l'appréciation de la participation détenue dans le capital de ses filiales européennes distributrices des dividendes, et permettant de savoir, pour chacune de ces filiales, si cette participation lui confère une influence certaine sur leurs décisions et lui permet d'en déterminer les activités ; que, par suite, la compatibilité de la législation sur l'avoir fiscal et le précompte avec le droit communautaire doit, dans le présent litige, être examinée au regard de la liberté d'établissement et de la liberté de circulation des capitaux ;

9. Considérant que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté d'établissement et l'article 63 de ce traité relatif à la liberté de circulation des capitaux s'opposaient à la législation d'un Etat membre, telle que la législation française, ayant pour objet d'éliminer la double imposition économique des dividendes et qui permet à une société mère d'imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l'avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s'ils proviennent d'une filiale établie dans cet Etat membre, mais n'offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d'une filiale établie dans un autre Etat membre, dès lors que cette législation n'ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l'octroi d'un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale ;

10. Considérant que, par suite, les dispositions régissant l'avoir fiscal et le précompte alors en vigueur, en tant qu'elles n'avaient pas autorisé une société mère française à imputer, sur le précompte dont elle était redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales établies dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, un crédit d'impôt ouvert sur le Trésor public français à raison de l'impôt effectivement acquitté par les filiales au titre des bénéfices réalisés et qu'elles ont distribués, méconnaissaient la liberté d'établissement et la liberté de circulation des capitaux garanties par le traité ; que, dès lors, une telle société est, sur le principe, fondée à se prévaloir d'un droit à la restitution du précompte calculée de telle sorte que ces dispositions soient neutres au regard de ces libertés ; qu'une atteinte à ces libertés existe lorsque les sommes versées par la société au titre du précompte sont supérieures à celles qu'elle aurait dû verser si un tel crédit d'impôt lui avait été octroyé ; qu'il y est remédié par la restitution des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de la société mère établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, lorsque ces dividendes ont donné lieu à redistribution par cette société mère ;

11. Considérant que, par suite, la société Havas est fondée à se prévaloir de l'incompatibilité de la législation française avec le droit communautaire ;

Sur les règles applicables et leur application en l'espèce :

En ce qui concerne les conditions d'attribution d'un crédit d'impôt :

12. Considérant que, pour la détermination du montant du précompte effectivement supporté, la société Havas ne peut bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de dividendes provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne qu'autant que ces distributions rempliraient les conditions posées par le droit interne à l'attribution d'un avoir fiscal ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 158 bis et 158 ter du code général des impôts, alors en vigueur et relatives à l'avoir fiscal, que celui-ci était exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; que l'octroi d'un crédit d'impôt est ainsi subordonné à la condition que les produits distribués par la filiale établie dans un autre Etat membre de la Communauté européenne aient le caractère de dividendes alloués en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société ;

14. Considérant que le ministre ne conteste pas que les dividendes versés à la société Havas par ses filiales européennes satisfont aux conditions auxquelles l'attribution de l'avoir fiscal était subordonnée en droit interne ;

En ce qui concerne l'existence en l'espèce d'un crédit d'impôt :

15. Considérant, en premier lieu, que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les principes d'équivalence et d'effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, donnant lieu à redistribution par cette société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu'il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres Etats membres, alors même que, à l'égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l'administration, ne sont pas exigés ; que la Cour a précisé que la production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu'il ne se révèle pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation de ces Etats se rapportant à la prévention de la double imposition et à l'enregistrement de l'impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu'à la conservation des documents administratifs ; que la Cour de justice de l'Union européenne indique qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont satisfaites ;

16. Considérant, d'une part, qu'il appartient à une société ayant présenté une réclamation tendant à la restitution du précompte de disposer de tous les éléments de nature à justifier le bien fondé de sa demande pendant toute la durée de la procédure ; que l'expiration du délai légal de conservation de tels documents ne peut la dispenser de cette obligation ; qu'il en va notamment ainsi pour la conservation des documents fiscaux dans les pays concernés par cette demande ;

17. Considérant, d'autre part, que le caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres s'apprécie pour chaque dividende en litige et, le cas échéant, en fonction de circonstances exceptionnelles invoquées par le redevable, de nature à justifier l'impossibilité matérielle de produire les éléments requis ;

18. Considérant, en deuxième lieu, que lorsque le redevable produit des éléments ou se prévaut de l'impossibilité matérielle de les produire, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire ; qu'il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour le dividende en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution ;

19. Considérant, en troisième lieu et au demeurant, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard au pouvoir propre conféré au juge dans la conduite de l'instruction, il lui appartient d'apprécier s'il convient, le cas échéant, de faire suite aux mesures sollicitées par l'une des parties à l'instance ; que, si le ministre demande à la Cour, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'instruction afin d'inviter la société Havas à produire les éléments permettant de justifier du montant du crédit d'impôt auquel elle peut prétendre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à une telle demande, dès lors que tant la nature de ces éléments que le fait que c'est à elle qu'il incombe de les produire sont connus de la contribuable ;

21. Considérant qu'ainsi que le fait valoir le ministre la société Havas n'apporte aucun élément relatif, pour chaque dividende en litige, au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par ses filiales installées dans les autres Etats membres de la Communauté européenne ; que la société Havas, qui ne se prévaut d'aucune circonstance exceptionnelle, n'allègue pas sérieusement que la preuve du paiement de l'impôt par ses filiales établies dans les autres Etats membres est pratiquement impossible ou excessivement difficile à apporter ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de statuer sur la recevabilité des demandes de première instance, ni de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le Tribunal administratif de Paris ont ordonné la restitution de l'intégralité des précomptes versés par la société Havas au titre des années 2000 à 2002 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0302571 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 10 juillet 2008 et le jugement n° 0306780 du Tribunal administratif de Paris en date du 14 octobre 2008 sont annulés.

Article 2 : Les précomptes mobiliers auxquels la société Havas avait été assujettie au titre des années 2000 à 2002 et dont elle a été déchargée par les jugements mentionnés à l'article 1er sont remis à sa charge.

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Nos 13PA04648, 13PA04869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04648,13PA04869
Date de la décision : 23/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-23;13pa04648.13pa04869 ?
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