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23/05/2014 | FRANCE | N°08PA01454

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 23 mai 2014, 08PA01454


Vu le recours, enregistré le 20 mars 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer, le jugement n° 0312496 en date du 28 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé la restitution à la société anonyme Valeo de la somme de 21 609 999 euros correspondant au versement effectué par celle-ci au titre du précompte mobilier dû pour l'année 2000 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée pa

r la société Valeo devant le Tribunal administratif de Paris, et, à titre subsidi...

Vu le recours, enregistré le 20 mars 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer, le jugement n° 0312496 en date du 28 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé la restitution à la société anonyme Valeo de la somme de 21 609 999 euros correspondant au versement effectué par celle-ci au titre du précompte mobilier dû pour l'année 2000 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Valeo devant le Tribunal administratif de Paris, et, à titre subsidiaire, de limiter les prétentions de la société Valeo aux montants correspondant à la différence entre les sommes dont elle revendique la restitution et celles résultant de la limitation de la restitution du précompte acquitté à due proportion des dividendes à raison desquels ce précompte a été payé et qui, s'ils avaient été payés par une filiale établie en France, auraient ouvert droit à un avoir fiscal, ou ont été distribués à des actionnaires qui n'ont pu bénéficier du remboursement du précompte, ou de la limitation de l'avoir fiscal aux seuls dividendes payés à la société Valeo à raison de bénéfices réalisés par des sociétés établies sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou de la limitation de l'avoir fiscal en fonction du montant et du taux de l'impôt sur les sociétés payé par chaque filiale étrangère à raison des bénéfices distribués lorsque le taux de l'impôt étranger est inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés français, et d'ordonner un supplément d'instruction à raison des points précités ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêt C-310/09 de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 15 septembre 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2014 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de M. A..., pour le ministre des finances et des comptes publics ;

1. Considérant que la société Valeo, qui a perçu des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne que la France, a acquitté, lors de la distribution de dividendes à ses propres actionnaires, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 146 et des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts, un précompte s'élevant à 21 609 999 euros au titre de l'année 2000 ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relève appel du jugement en date du 28 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a ordonné la restitution à cette société de l'intégralité du précompte qu'elle avait versé au titre de cette année ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Valeo :

2. Considérant qu'une partie a toujours intérêt à relever appel d'un jugement d'un tribunal administratif qui lui fait grief ; que si, pour contester la qualité de l'Etat à attaquer le jugement du tribunal, fondé sur le fait que la législation alors en vigueur constituait une restriction au principe de la libre circulation des capitaux prohibée par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, la société Valeo soutient qu'il se serait " contredit au détriment de la partie adverse " en se prévalant lui-même devant le Parlement de l'incompatibilité de cette législation avec le droit communautaire pour justifier, sur ce seul motif, son abrogation, un tel moyen manque en tout état de cause en fait ;

3. Considérant que la société Valeo ne peut, pour les mêmes motifs, en se fondant sur la même argumentation, invoquer ni le principe " nemo auditur propriam turpitudinem allegans ", ni les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, ni le principe de l'unité de l'Etat, ni un principe communautaire selon lequel un Etat membre ne peut se prévaloir des avantages qu'il a pu ou pourrait tirer d'une violation du droit communautaire, ni, en tout état de cause,

le 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la société Valeo ne peut qu'être écartée ;

Sur le droit à restitution du précompte acquitté au titre de l'année 2000 :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant l'année d'imposition en litige : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué / : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; / b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères (...), touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 223 sexies du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant cette année d'imposition : " (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (...), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au montant du crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires " ; qu'aux termes du 2 de l'article 146 du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant cette année d'imposition : " Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l'application du précompte prévu à l'article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d'impôts qui sont attachés aux produits des participations (...) encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts que, sous réserve d'une quote-part de frais et charges, une société mère française n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu'elle reçoit de ses filiales, quelle qu'en soit la provenance ; qu'en application des dispositions de l'article 223 sexies du même code, lorsqu'elle redistribue ces dividendes à ses propres actionnaires, elle est tenue d'acquitter à ce titre un précompte, quelle que soit la provenance des dividendes qui lui ont été distribués et qu'elle a ainsi redistribués ; que le montant de l'avoir fiscal dont la société mère bénéficie au titre de dividendes distribués par une filiale établie en France en vertu des dispositions de l'article 158 bis du même code s'impute sur le montant de ce précompte en application du 2 de l'article 146 de ce code, alors que les dispositions de l'article 158 bis font obstacle à l'attribution à cette société mère d'un avoir fiscal au titre de dividendes en provenance de filiales implantées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et, par suite, à toute imputation sur le montant du précompte exigible lorsque cette société mère redistribue ces dividendes ;

En ce qui concerne la compatibilité du dispositif de l'avoir fiscal et du précompte avec le droit communautaire :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres (...) sont interdites " ; qu'ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, une législation nationale ayant vocation à s'appliquer aux seules participations permettant d'exercer une influence déterminante certaine sur les décisions d'une société et de déterminer les activités de celle-ci relève des stipulations du traité relatives à la liberté d'établissement ; qu'en revanche, des dispositions nationales qui trouvent à s'appliquer à des participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d'influer sur la gestion et le contrôle de l'entreprise doivent être examinées exclusivement au regard de la liberté de circulation des capitaux ; que, pour apprécier si une législation relève de l'une ou l'autre de ces libertés, il y a lieu de prendre en compte l'objet de la législation en cause ;

8. Considérant qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011, la législation française sur l'avoir fiscal et le précompte était susceptible de s'appliquer non seulement aux sociétés percevant des dividendes sur la base d'une participation conférant une influence certaine sur les décisions de la filiale distributrice et permettant d'en déterminer les activités, mais également à celles percevant des dividendes sur la base d'une participation minoritaire ne conférant pas une telle influence ; qu'en l'état de l'instruction, la société Valeo n'a pas apporté d'éléments utiles à l'appréciation de la participation détenue dans le capital de ses filiales européennes distributrices des dividendes, et permettant de savoir, pour chacune de ces filiales, si cette participation lui confère une influence certaine sur leurs décisions et lui permet d'en déterminer les activités ; que, par suite, la compatibilité de la législation sur l'avoir fiscal et le précompte avec le droit communautaire doit, dans le présent litige, être examinée au regard de la liberté d'établissement et de la liberté de circulation des capitaux ;

9. Considérant que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté d'établissement et l'article 63 de ce traité relatif à la liberté de circulation des capitaux s'opposaient à la législation d'un Etat membre, telle que la législation française, ayant pour objet d'éliminer la double imposition économique des dividendes et qui permet à une société mère d'imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l'avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s'ils proviennent d'une filiale établie dans cet Etat membre, mais n'offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d'une filiale établie dans un autre Etat membre, dès lors que cette législation n'ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l'octroi d'un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale ;

10. Considérant que, par suite, les dispositions régissant l'avoir fiscal et le précompte alors en vigueur, en tant qu'elles n'avaient pas autorisé une société mère française à imputer, sur le précompte dont elle était redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales établies dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, un crédit d'impôt ouvert sur le Trésor public français à raison de l'impôt effectivement acquitté par les filiales au titre des bénéfices réalisés et qu'elles ont distribués, méconnaissaient la liberté d'établissement et la liberté de circulation des capitaux garanties par le traité ; que, dès lors, une telle société est, sur le principe, fondée à se prévaloir d'un droit à la restitution du précompte calculée de telle sorte que ces dispositions soient neutres au regard de ces libertés ; qu'une atteinte à ces libertés existe lorsque les sommes versées par la société au titre du précompte sont supérieures à celles qu'elle aurait dû verser si un tel crédit d'impôt lui avait été octroyé ; qu'il y est remédié par la restitution des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de la société mère établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, lorsque ces dividendes ont donné lieu à redistribution par cette société mère ;

11. Considérant que, par suite, la société Valeo est fondée à se prévaloir de l'incompatibilité de la législation française avec le droit communautaire ;

En ce qui concerne les règles applicables et leur application en l'espèce :

S'agissant des conditions d'attribution d'un crédit d'impôt :

12. Considérant que, pour la détermination du montant du précompte effectivement supporté, la société Valeo ne peut bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de dividendes provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne qu'autant que ces distributions rempliraient les conditions posées par le droit interne à l'attribution d'un avoir fiscal ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 158 bis et 158 ter du code général des impôts, alors en vigueur et relatives à l'avoir fiscal, que celui-ci était exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; que l'octroi d'un crédit d'impôt est ainsi subordonné à la condition que les produits distribués par la filiale établie dans un autre Etat membre de la Communauté européenne aient le caractère de dividendes alloués en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société ;

14. Considérant que le ministre ne conteste pas que les dividendes versés à la société Valeo par ses filiales européennes satisfont aux conditions auxquelles l'attribution de l'avoir fiscal était subordonnée en droit interne ;

S'agissant de l'existence en l'espèce d'un crédit d'impôt :

15. Considérant, d'une part, que les dispositions régissant l'avoir fiscal et le précompte ont pour objet, compte tenu de l'objectif de neutralité fiscale du régime des sociétés mères, de permettre à de telles sociétés d'imputer les avoirs fiscaux attachés aux dividendes reçus de leurs filiales sur le précompte dont elles sont redevables lorsqu'elles redistribuent ces derniers dans un délai de cinq ans ; que ces dispositions ne sauraient, en revanche, être regardées, compte tenu de l'objectif mentionné ci-dessus, comme ayant pour objet ou pour effet d'autoriser les sociétés mères à imputer tout autre crédit d'impôt attaché aux produits de participation qu'elles ont perçus depuis cinq ans, mais qu'elles n'ont pas redistribués, sur le précompte dû ; qu'ainsi, la société Valeo ne saurait obtenir de restitution excédant le montant du précompte mobilier qu'elle a versé au titre de l'exercice 2000 à l'occasion de la redistribution effective des dividendes perçus de ses filiales implantées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, ni se prévaloir de ce qu'elle disposerait d'une créance sur le Trésor public à raison de dividendes qu'elle aurait perçu de source étrangère, indépendamment de cette redistribution ;

16. Considérant, d'autre part, que la déclaration de précompte souscrite par une société en sa qualité de redevable précise, pour la redistribution des dividendes, les montants des distributions reçues notamment de ses filiales établies hors de France au titre de l'un ou de plusieurs des cinq exercices précédant cette déclaration ; que, si elle mentionne des sommes globales pour chacun de ces exercices, une telle déclaration révèle nécessairement le rattachement effectif de cette redistribution à des distributions par filiale, effectuées et perçues au titre de ces exercices ; que par suite, eu égard aux principes rappelés par la Cour de justice de l'Union européenne et mentionnés aux points 9 et 10 du présent arrêt, et sans que la société puisse soutenir qu'il est ainsi porté atteinte au principe d'égalité, au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi qu'aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention, la société ne peut demander le bénéfice d'un crédit d'impôt qu'à raison de ces distributions ;

17. Considérant, dès lors, que la déclaration de précompte souscrite par la société Valeo lui est opposable ;

18. Considérant qu'il résulte de la déclaration de précompte souscrite par la société Valeo le 11 juillet 2000, qui lui est opposable, ainsi qu'il vient d'être dit, et dont il n'est pas allégué qu'elle serait erronée, que la somme acquittée par cette société au titre du précompte de l'année 2000 a été liquidée sur la base de distributions de dividendes à ses propres actionnaires provenant de produits mentionnés au cadre C de cette déclaration, intitulé : " Sommes désinvesties par prélèvement sur une réserve spéciale " et de produits mentionnés au cadre D, intitulé " Autres bénéfices, provisions ou réserves " ; qu'il s'ensuit que les dividendes distribués par la société Valeo à ses propres actionnaires ne proviennent pas des dividendes qu'elle a elle-même reçus de ses filiales européennes non françaises au cours des cinq derniers exercices, qui doivent être mentionnés au cadre A, s'il s'agit de produits du dernier exercice clos, ou au cadre B, s'il s'agit de produits des quatre exercices antérieurs à celui-ci ; qu'ainsi, les dividendes reçus par la société requérante de ses filiales européennes non françaises n'ayant pas donné lieu à des redistributions soumises au précompte en litige, elle n'est pas fondée à solliciter le bénéfice d'un crédit d'impôt au titre de ces dividendes ;

19. Considérant, au surplus, en premier lieu, que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les principes d'équivalence et d'effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, donnant lieu à redistribution par cette société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu'il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres Etats membres, alors même que, à l'égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l'administration, ne sont pas exigés ; que la Cour a précisé que la production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu'il ne se révèle pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation de ces Etats se rapportant à la prévention de la double imposition et à l'enregistrement de l'impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu'à la conservation des documents administratifs ; que la Cour de justice de l'Union européenne indique qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont satisfaites ;

20. Considérant, d'une part, qu'il appartient à une société ayant présenté une réclamation tendant à la restitution du précompte de disposer de tous les éléments de nature à justifier le bien fondé de sa demande pendant toute la durée de la procédure ; que l'expiration du délai légal de conservation de tels documents ne peut la dispenser de cette obligation ; qu'il en va notamment ainsi pour la conservation des documents fiscaux dans les pays concernés par cette demande ;

21. Considérant, d'autre part, que le caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres s'apprécie pour chaque dividende en litige et, le cas échéant, en fonction de circonstances exceptionnelles invoquées par le redevable, de nature à justifier l'impossibilité matérielle de produire les éléments requis ;

22. Considérant, en deuxième lieu, que lorsque le redevable produit des éléments ou se prévaut de l'impossibilité matérielle de les produire, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire ; qu'il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour le dividende en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution ;

23. Considérant, en troisième lieu et au demeurant, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ;

24. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard au pouvoir propre conféré au juge dans la conduite de l'instruction, il lui appartient d'apprécier s'il convient, le cas échéant, de faire suite aux mesures sollicitées par l'une des parties à l'instance ; que, si le ministre demande à la Cour, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'instruction afin d'inviter la société Valeo à produire les éléments permettant de justifier du montant du crédit d'impôt auquel elle peut prétendre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à une telle demande dès lors que tant la nature de ces éléments que le fait que c'est à elle qu'il incombe de les produire sont connus de la contribuable ;

25. Considérant qu'ainsi que le fait valoir le ministre, la société Valeo n'apporte aucun élément relatif, pour chaque dividende en litige, au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par ses filiales installées dans les autres Etats membres de la Communauté européenne ; que la société Valeo, qui ne se prévaut d'aucune circonstance exceptionnelle, n'allègue pas que la preuve du paiement de l'impôt par ses filiales établies dans les autres Etats membres est pratiquement impossible ou excessivement difficile à apporter ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a ordonné la restitution de l'intégralité du précompte versé par la société Valeo au titre de l'année 2000 ;

27. Considérant que les conclusions présentées par la société Valeo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0312496 du Tribunal administratif de Paris en date du 28 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : Le précompte mobilier auquel la société Valeo avait été assujettie au titre de l'année 2000 et dont elle a été déchargée par le jugement mentionné à l'article 1er est remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Valeo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 08PA01454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA01454
Date de la décision : 23/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : SCP BAKER et MCKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-23;08pa01454 ?
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