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30/04/2014 | FRANCE | N°13PA02988

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 avril 2014, 13PA02988


Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2013, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par Me A...Vercheyre-Grard ;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1202506, 1205777, 1208900, 1220150/3-3 du

18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la société Culturespaces, la décision du 16 août 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de délivrer à cette dernière l'autorisation de transfert du contrat de travail la concernant à la société " L'Alsacienne de Restauration ", ainsi que la

décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique de ...

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2013, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par Me A...Vercheyre-Grard ;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1202506, 1205777, 1208900, 1220150/3-3 du

18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la société Culturespaces, la décision du 16 août 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de délivrer à cette dernière l'autorisation de transfert du contrat de travail la concernant à la société " L'Alsacienne de Restauration ", ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique de la société Culturespaces contre la décision de l'inspecteur du travail ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Culturespaces devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner la société Culturespaces à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- les observations de MeD..., substituant Me Vercheyre-Grard, avocat de MmeE... ;

- et les observations de MeB..., substituant Me Czernichow, avocat de la société Culturespaces ;

1. Considérant qu'à compter du 19 juin 1999, Mme E...a été recrutée par la société Culturespaces, exploitante du Musée national de l'automobile de Mulhouse, en qualité d'aide cuisinière affectée au restaurant du musée ; qu'elle a été élue à la délégation unique du personnel de cette société le 16 février 2010 ; que, dans le cadre des opérations d'extension et de restructuration du musée, la société Culturespaces, elle-même concessionnaire de l'exploitation de ce musée en vertu d'un contrat la liant à l'association municipale de gestion dudit musée, a, par une " convention d'occupation de local à titre temporaire " conclue le 26 mai 2011, sous-concédé à la société " L'Alsacienne de restauration ", filiale du groupe Elior, l'activité de restauration du musée qu'elle assurait auparavant ; qu'à cette occasion, un bâtiment neuf a été construit, d'une capacité de 336 couverts dont 38 couverts réservés à la restauration servie à table, les autres étant en self, et comportant une nouvelle cuisine alors que le précédent était doté d'une capacité d'environ 200 couverts destinés au fonctionnement d'un self-service ; que, le

16 juin 2011, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'employeur initial de

Mme E...a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de transférer son contrat à la nouvelle exploitante du restaurant, la société " L'Alsacienne de restauration ", à compter du

1er juillet 2011 ; que, par une décision du 16 août 2011, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande aux motifs qu'eu égard au contrôle étroit exercé par la société Culturespaces sur la société sous-concessionnaire, le service de restauration géré transféré à celle-ci ne constituait pas une entité économique autonome et que, par ailleurs, la demande de transfert du contrat n'était pas exempte de lien avec les mandats de Mme E...; que, par un courrier du

12 octobre 2011, la société Culturespaces a formé contre cette décision un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui l'a implicitement rejeté ; que, par le jugement attaqué en date du 18 juin 2013, le Tribunal administratif de Paris, à la demande de la société Culturespaces, a annulé la décision de l'inspecteur du travail, ainsi que celle du ministre la confirmant, aux motifs, d'une part, que l'opération litigieuse entre bien dans le champ d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail dès lors que l'activité de restauration du musée peut être regardée comme une entité économique autonome transférée au nouvel employeur et que, d'autre part, ladite opération a une visée discriminatoire ; que Mme E...interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux. " ; qu'aux termes de l'article R. 221-3 de ce même code : " Le siège et le ressort des tribunaux administratifs sont fixés comme suit : [...] Paris : ville de Paris " ; qu'il est constant que la décision litigieuse refusant le transfert du contrat de travail de Mme E...émane de l'inspecteur du travail rattaché à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France, Pôle travail, Section d'inspection 8F, Unité territoriale de Paris ; que cette autorité a donc son siège dans le ressort du Tribunal administratif de Paris ; que si, à l'appui de son moyen tiré de l'incompétence territoriale de ce tribunal pour connaître de la légalité de la décision litigieuse, Mme E...fait valoir que celle-ci aurait dû être prise par l'inspecteur du travail de Mulhouse, dès lors qu'elle était employée par le restaurant " Le Grand Prix " du musée national de l'automobile sis à Mulhouse, dont elle estime qu'il constitue un établissement distinct et autonome, cet argument, qui serait opérant à l'appui d'un moyen dirigé contre la légalité de la décision de l'inspecteur du travail est, en tout état de cause, sans incidence sur la compétence territoriale du Tribunal administratif de Paris ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. " ; qu'aux termes de l'article L. 2414-1 de ce code : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu' il est investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical et ancien délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant au moins un an ; 2° Délégué du personnel (...) " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2421-9 du même code : " Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de transfert, en application de l'article L. 2414-1, à l'occasion d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, il s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. " ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés protégés bénéficient d'une protection exceptionnelle instituée dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, afin d'éviter que ces salariés ne fassent l'objet de mesures discriminatoires dans le cadre d'une procédure de licenciement ou d'un transfert partiel d'entreprise ; que, dans ce dernier cas, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, d'une part, que sont remplies les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail ; que cette dernière disposition, interprétée à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 susvisée, ne s'applique qu'en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; qu'il incombe, d'autre part, à l'autorité administrative de s'assurer que le transfert envisagé est dépourvu de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale du salarié transféré et que, ce faisant, celui-ci ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, eu égard à la spécificité de son objet, l'activité de restauration assurée au sein du musée de l'automobile de Mulhouse, qui dispose d'une finalité propre et de moyens adaptés à celle-ci, se distingue de la gestion globale dudit musée qui porte sur une activité exclusivement culturelle ; qu'en outre, il résulte des stipulations de l'avenant n° 4 au contrat d'exploitation conclu entre l'association gestionnaire et Culturespaces ainsi que des stipulations de la convention d'occupation de local du 26 mai 2011 signée entre cette dernière et " L'Alsacienne de restauration " que la sous-concession litigieuse porte sur un ensemble organisé de moyens matériels, dont des locaux mis à sa disposition contre rémunération, de personnels spécialement affectés à cette activité, ainsi que, pour l'essentiel, de la clientèle du musée, peu important à cet égard qu'une grande partie des locaux et des équipements et matériels soient constitués d'éléments neufs et que le cessionnaire ait ensuite décidé de développer la dimension gastronomique du restaurant en recrutant du personnel supplémentaire ; qu'en particulier, il résulte de l'exposé préalable de la sous-concession que " la gestion du service relève de la seule responsabilité de l'occupant, tant sur le plan technique que financier. L'occupant perçoit les recettes d'exploitation, supporte les charges et assume à ses risques et périls l'exploitation." ; que, dès lors, la société " L'Alsacienne de restauration " dispose d'une autonomie dans la gestion de l'activité de restauration qui, à l'occasion du transfert, conserve son identité ; que si Mme E...soutient que la société Culturespaces exerce des prérogatives de contrôle de la bonne exécution de ses obligations par sa sous-concessionnaire, s'agissant notamment des horaires d'ouverture, des tarifs et de l'agencement des locaux, l'existence d'une entité économique autonome est indépendante des règles d'organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique ; qu'ainsi le transfert opéré par la société Culturespaces en faveur de la société " L'Alsacienne de restauration " peut être regardé comme entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

6. Considérant, en second lieu, que le lien allégué entre la mesure de transfert du contrat de travail de Mme E...et ses mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise suppléant, ne ressort pas des pièces du dossier alors qu'il est constant que

Mme E...était, avant le transfert de l'activité restauration, affectée au restaurant du musée en qualité d'aide cuisinière et que les contrats de travail des quatre autres salariés affectés jusqu'alors à cette activité sont compris de même dans l'opération de transfert entreprise dans le cadre d'une restructuration et d'une extension du musée décidées par l'Association de gestion du musée ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'est aucunement établi par les pièces du dossier que la décision de transfert de l'activité de restauration ait été motivée par la volonté de la société cédante de " se débarrasser " de deux salariés exerçant un mandat syndical ; que, dans ces circonstances, Mme E...ne peut être regardée comme ayant fait l'objet d'une mesure discriminatoire ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Paris aurait commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en estimant, d'une part, que l'activité de restauration transférée constituait une entité économique autonome entrant dans le champ d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail et, d'autre part, que le transfert litigieux était dépourvu de toute visée discriminatoire à son encontre ; que, dans ces conditions, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé le refus de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail d'autoriser le transfert de son contrat de travail à la société " L'Alsacienne de restauration " et a enjoint à ces autorités de délivrer ladite autorisation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Culturespaces, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme E...et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme E...une somme de 1 500 euros à verser à la société Culturespaces sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Mme E...versera à la société Culturespaces une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA02988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02988
Date de la décision : 30/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : CABINET BRL ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-30;13pa02988 ?
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