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17/02/2014 | FRANCE | N°13PA02058

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 17 février 2014, 13PA02058


Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2013, présentée pour M. B... C...et Mme A... C...néeD..., demeurant à..., par Me Lubaki ; M. et MmeC..., agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de leurs cinq enfants mineurs, demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1204572/6-1 du 28 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme de 2 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme C...et rejeté le surplus des conclusions ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 26 0

00 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2011, ...

Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2013, présentée pour M. B... C...et Mme A... C...néeD..., demeurant à..., par Me Lubaki ; M. et MmeC..., agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de leurs cinq enfants mineurs, demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1204572/6-1 du 28 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme de 2 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme C...et rejeté le surplus des conclusions ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 26 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2011, en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de relogement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement au profit de leur avocat, de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 relative au droit au logement opposable et la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2014 :

- le rapport de M. Marino, président assesseur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Lubaki, avocat de M. C... et Mme C... ;

1. Considérant que Mme C...a été déclarée prioritaire et devant être relogée en urgence par une décision de la commission de médiation de Paris en date du 24 septembre 2010 au motif qu'elle était menacée d'expulsion ainsi que son époux et leurs cinq enfants mineurs ; qu'en l'absence de proposition de relogement dans les six mois suivant cette décision, la requérante a saisi le Tribunal administratif de Paris pour que son relogement soit ordonné en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ; que par un jugement du 28 juin 2011, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer le relogement de l'intéressée et de sa famille, sous une astreinte de 570 euros par mois de retard à compter du 1er juillet 2011 ; que le préfet n'a pas pris les mesures propres à exécuter ce jugement ; que par courrier du

28 novembre 2011, M. et Mme C...ont adressé au préfet une demande d'indemnisation du préjudice qu'ils avaient subi du fait de l'absence de relogement ; que cette demande indemnitaire préalable est restée sans réponse ; que M. et Mme C...agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de leurs cinq enfants mineurs, ont alors introduit devant le Tribunal administratif de Paris une requête tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme globale de 26 000 euros, soit 10 000 euros pour M. et Mme C...et 1 000 euros pour chacun de leur six enfants, le dernier étant né en décembre 2012, avec intérêts au taux légal ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C...la somme de 2 000 euros tous intérêts compris et rejeté le surplus des conclusions de la demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte du jugement attaqué qu'il n'a pas rejeté les conclusions indemnitaires de M. C... et de ses enfants pour irrecevabilité en raison de leur défaut d'intérêt à agir, mais sur le fond, au motif que l'Etat n'avait commis à leur égard aucune faute, dans la mesure où ils n'avaient pas personnellement exercé les recours amiables ou contentieux prévus à l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal a opposé cette fin de non-recevoir aux requérants ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en revanche, qu'en considérant " qu'il résulte de l'instruction que

Mme C...est seule fondée à demander l'indemnisation des troubles de toute nature ayant résulté de leur maintien dans ces conditions de logement ", sans préciser les raisons pour lesquelles les autres membres de sa famille ne pouvaient prétendre à une indemnisation, le Tribunal administratif de Paris n'a pas suffisamment motivé son jugement ; que celui-ci doit ainsi être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par M. C...ainsi que les conclusions présentées par les époux C...pour le compte de leurs cinq enfants mineurs ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour administrative d'appel de se prononcer sur cette partie de la demande par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par Mme C...en son nom personnel ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. C...ainsi que les conclusions présentées par les époux C...pour le compte de leurs cinq enfants

mineurs :

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l'Etat à toute personne qui (...) n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. / Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et

L. 441-2-3-1. " ; qu'aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du même code : " (...) Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement (...) / La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. / (...) Le représentant de l'Etat dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. En Ile-de-France, il peut aussi demander au représentant de l'Etat d'un autre département de procéder à une telle désignation. (...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) " ; que selon les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code précité : " I.-Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. " ; qu'aux termes de l'article

R. 441-16-1 du même code : " A compter du 1er décembre 2008, le recours devant la juridiction administrative prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 peut être introduit par le demandeur qui n'a pas reçu d'offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités passé un délai de trois mois à compter de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence. Dans les départements d'outre-mer et, jusqu'au 1er janvier 2014, dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de six mois. " ;

6. Considérant que les dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, fixent pour l'Etat une obligation de résultat dont peuvent se prévaloir les demandeurs ayant exercé les recours amiable ou contentieux prévus à l'article

L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ainsi que les personnes qui subissent un préjudice résultant de l'absence de respect par l'Etat d'une telle obligation ; que pour rendre effectif le droit à un logement décent et indépendant, dont l'Etat est le garant, le législateur a, d'une part, prescrit que le représentant de l'Etat dans le département du demandeur, ou des autres départements en ce qui concerne la région Ile-de-France, saisisse les bailleurs sociaux en vue du relogement de ce dernier dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de la commission de médiation et, en cas de refus de ces organismes, procède à l'attribution d'un logement sur ses droits de réservation, et, d'autre part, institué un recours spécifique en faveur des demandeurs prioritaires n'ayant pas reçu d'offre, devant un juge doté d'un pouvoir d'injonction et d'astreinte pour que leur relogement soit assuré ;

7. Considérant que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ne conteste pas que les époux C...et leurs cinq enfants mineurs n'ont reçu aucune offre de relogement par un organisme bailleur et qu'aucun des préfets des départements de la région Ile-de-France n'a procédé à l'attribution d'un logement correspondant à ses besoins sur ses droits de réservation ; que si la décision de la commission de médiation du 24 septembre 2010 ne fixait au préfet une obligation de résultat qu'en ce qui concerne MmeC..., le jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 juin 2011 enjoignait au préfet d'assurer également le relogement de son époux et de ses cinq enfants mineurs ; qu'il est constant que ce jugement n'a pas été exécuté ; que cette carence est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de MmeC..., ainsi que dans la limite de leur propre préjudice, de M. C...et de ses cinq premiers enfants mineurs ;

En ce qui concerne les préjudices :

8. Considérant que M. C...est fondé à demander la réparation de son préjudice personnel ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la prolongation de sa situation qui persiste depuis le 1er juillet 2011, date à laquelle le préfet était tenu d'assurer son relogement en application du jugement du 28 juin 2011, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par lui, y compris son préjudice moral, en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

9. Considérant que M. et MmeC..., agissant pour le compte de leurs cinq premiers enfants mineurs, nés les 7 mai 1999, 4 mars 2002, 26 novembre 2004, 21 septembre 2006 et

7 mars 2009, sont fondés à demander la réparation du préjudice subi par ces derniers ; qu'en revanche, ils ne sont pas fondés à invoquer le préjudice de leur dernier enfant né en

décembre 2012, postérieurement à la décision de la commission de médiation et du jugement du magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris enjoignant au préfet de région de procéder au relogement de Mme C...de son époux et de leurs cinq enfants et qui n'a ainsi pas été reconnu éligible au droit opposable au logement ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la prolongation de leur situation qui persiste également depuis le 1er juillet 2011, il sera fait une juste appréciation de leurs troubles de toute nature, y compris leur préjudice moral, en condamnant l'Etat à leur verser à chacun une somme de 500 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme C...en son nom personnel :

10. Considérant qu'en condamnant l'Etat à verser à Mme C...une somme de

2 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence, le tribunal a entendu notamment indemniser le préjudice moral subi par celle-ci du fait de son absence de relogement ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du motif retenu par la commission de médiation de Paris pour la déclarer prioritaire pour son relogement et eu égard à la prolongation de sa situation qui persistait depuis le 24 avril 2011, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice subi par la requérante en évaluant celui-ci à la somme de 2 000 euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Considérant que les requérants ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lubaki, avocat de M. et MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lubaki de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1204572/6-1 du 28 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires présentées par M. C...ainsi que les conclusions présentées par les époux C...pour le compte de leurs cinq enfants mineurs.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. C...une somme de 1 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à chacun des cinq premiers enfants mineurs E...C...une somme de 500 euros chacun tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement n° 1204572/6-1 du 28 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Lubaki une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lubaki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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N° 13PA02058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02058
Date de la décision : 17/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-07-01 Logement.


Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : LUBAKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-02-17;13pa02058 ?
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