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05/02/2014 | FRANCE | N°13PA01485

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 février 2014, 13PA01485


Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2013, présentée par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1220407/3-1 du 19 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 octobre 2012 refusant de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme E...en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois et a rejeté ses concl

usions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du co...

Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2013, présentée par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1220407/3-1 du 19 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 octobre 2012 refusant de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme E...en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois et a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant ledit tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2014 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., pour MmeC... ;

1. Considérant que le préfet de police de Paris fait appel du jugement

n° 1220407/3-1 du 19 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, annulé son arrêté du 26 octobre 2012 refusant de délivrer une carte de séjour temporaire à

Mme E...en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois et a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions du préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à

l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., née en 1986 et de nationalité béninoise, est entrée en France le 16 septembre 2003 ; qu'elle est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Bénin, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans et où réside sa mère ; qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante, régulièrement renouvelée jusqu'au 15 décembre 2010 ; que, si elle a obtenu dans ce cadre un brevet de technicien supérieur d'assistant de direction, un "bachelor of business administration" et un master spécialisé en management du tourisme et hôtellerie, a effectué des stages et occupé des emplois durant sa scolarité, ce statut d'étudiant ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que, si elle bénéficie d'une promesse d'embauche dans le secteur de l'hôtellerie, elle ne dispose pas du droit d'exercer une activité salariée en France, l'autorisation de travail correspondante lui ayant été refusée le

28 février 2011 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'elle n'a d'ailleurs pas sollicité de titre de séjour en qualité de salariée ; que, par suite, et alors même que l'intéressée, qui était majeure à la date de l'arrêté du 26 octobre 2012, avait été placée, lors de son entrée en France, sous la tutelle de sa tante, ressortissante française, par une ordonnance du Tribunal de première instance de Cotonou du

30 décembre 2002, homologuée par un jugement du Tribunal de grande de instance de Créteil du 18 novembre 2003, qu'une procédure d'adoption simple a été engagée en sa faveur par sa tante en 2011, que son frère, qui s'était également installé en France pour y poursuivre des études, y réside désormais régulièrement sous couvert d'un titre de séjour portant la mention "salarié", qu'un oncle, des cousins et des cousines résident également en France, qu'elle vivrait en France depuis neuf ans, dont huit en situation régulière et qu'elle y aurait noué des relations amicales, l'arrêté en litige n'a pas porté aux droits de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels il a été pris ; que c'est par suite à tort que les premiers juges ont annulé cet arrêté au motif que le refus du préfet de police de délivrer à

Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

5. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'indiqués précédemment, la décision de refus de titre de séjour ne peut être regardée comme entachée d'erreur manifeste dans son appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeC... ;

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours./ (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1 de la même directive : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde à un étranger, en application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, un délai de trente jours pour satisfaire à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point dès lors que, comme en l'espèce, aucune circonstance propre au cas de l'intéressé ne ressort des pièces du dossier et que l'étranger n'a présenté aucune demande tendant à la prolongation dudit délai de départ volontaire en faisant état de circonstances propres à son cas ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation à cet égard de l'arrêté en litige doit être écarté ; que le défaut de motivation du choix d'un délai d'un mois et l'absence de prolongation de ce délai par le préfet de police ne sauraient donc suffire, contrairement à ce que soutient MmeC..., à établir que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à cet égard à un examen particulier de sa situation personnelle ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du

livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre des modalités de mise en oeuvre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que Mme C... soutient que le délai de départ volontaire aurait été décidé en méconnaissance du principe général énoncé

au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui dispose que toute personne a le droit d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; que l'article 52 de ladite charte précise que :

" Les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l'Union, et par des actes des États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, dans l'exercice de leurs compétences respectives " ;

10. Considérant que MmeC..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour et ne pouvait, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus, elle ne pourrait légalement se maintenir sur le territoire français et serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, a été mise à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter, si elle l'estimait utile, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi sur les modalités de son possible éloignement du territoire français ; qu'au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne pouvait procéder d'office à l'exécution de cette mesure d'éloignement avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui mettait l'intéressée en mesure de faire valoir son point de vue avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ait été susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet de police ne portait en tout état de cause pas atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en admettant même que le fait que la loi du 16 juin 2011 avait notamment pour objet la transposition en droit interne des dispositions de la directive du

16 décembre 2008 susvisée suffise à faire regarder la mesure individuelle d'éloignement litigieuse comme procédant de la mise en oeuvre, par le représentant de l'État français, du droit de l'Union au sens de l'article 52 précité de la charte et que le moyen susanalysé puisse ainsi être utilement invoqué à l'encontre de ladite mesure, ce moyen ne peut qu'être écarté comme

infondé ;

11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant d'accorder à Mme C... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 octobre 2012 refusant de délivrer une carte de séjour temporaire à

Mme C... en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par Mme C... ; qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de Mme C... tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1220407/3-1 du 19 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du préfet de police est rejeté.

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N° 11PA00434

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N° 13PA01485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01485
Date de la décision : 05/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CHEMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-02-05;13pa01485 ?
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